La complaisance du paquebot naufragé

Triste sires. Les organisateurs de la croisière touristique de l’Explorer, au large de l’Antarctique, sont de tristes sires. Après avoir heurté un iceberg dans la nuit de vendredi à samedi, le paquebot a du être abandonné à son sort, en train de couler, à quelques encâblures des îles Shetland du Sud. La centaine de touristes, et la cinquantaine de membres d’équipage, ont heureusement pu être sauvés après avoir grimpé dans les canots et radeaux de survie. Le navire, lui, va rejoindre les fonds, et libérer le pétrole de ses réservoirs, entre autres. Il s’agissait pourtant d’une croisière à vocation environnementale, selon le site de l’organisateur canadien du voyage …

La lecture des bases de données internationales de navires m’apprend que le navire avait «seulement» trente-huit ans et qu’il a changé de propriétaire quatre fois depuis 2003. Le dernier, la Gap Shipping Co ltd, basée aux Barbades, ne possède apparemment qu’un seul navire. Quant au gestionnaire, il est basé sur le rocher de Monaco…

L’Explorer navigue bien évidemment sous pavillon de complaisance, libérien cette fois. Deux contrôles cette année, en Grande-Bretagne et en Patagonie chilienne avaient montré des manquements aux règles de sécurité (lutte anti-incendie, état des cloisons étanches, défaut de structure etc.). Dès 2005, un contrôle par les inspecteurs de l’Etat du port à Cherbourg avait déjà relevé des défauts structurels. Mais l’Explorer avait poursuivi sa carrière, ses dirigeants prétendant avoir pris les mesures nécessaires.

Si l’épilogue est plus gai que celui du Titanic, l’histoire a un arrière-goût de scandale. L’Antarctique est un sanctuaire, un immense continent qui a jusqu’ici échappé à la folie des hommes. Mais séduits par les glaces, je suis le premier à l’être, ils se pressent de plus en plus nombreux sur des navires affrêtés par des sociétés avides de profit. Le Telegraph nous apprend que le nombre de touristes a été multiplié par quatre en quinze ans dans l’Antarctique. Pas moins de 37000 personnes ont payé des milliers d’euros (4000 au départ de Santiago du Chili, d’après les agences de voyages de l’internet) pour ressentir l’ivresse des grands espaces des cinquantièmes hurlants.

De grâce, qu’on laisse les manchots et les scientifiques en paix. Et si on ne parvient pas à contenir les touristes, qu’on fasse au moins appel à des navires modernes, équipés de double-coques, et bien entretenus!

Image © GAP Adventures

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