Je ne connais pas Kevin Rudd, et je parierai que vous non plus. Mais cet homme m’est doublement sympathique. Kevin Rudd est le leader de l’opposition travailliste en Australie qui se prépare à ravir, je l’espère, la tête du pays aux conservateurs aujourd’hui. Et les seuls bons conservateurs sont ceux écartés du pouvoir.
L’Australie est un étrange pays, que je n’ai jamais eu la chance de visiter. Tout juste, je me remémore les longues discussions avec un vieil ami, perdu de vue depuis longtemps (Hi David!), avec qui j’ai partagé mon toit il y a une quinzaine d’années. Et je n’oublie pas le juste engagement de ce pays, comme d’autres, quand la France Chiraquienne avait ordonné de nouvelles explosions à Mururoa.
J’ai aussi suivi quelques tristes épisodes de l’histoire récente Australienne, notamment les manifestations à caractère franchement raciste d’il y a quelques années. Mais l’élection de ce samedi est une grande première dans notre histoire. Pour la première fois, une Nation, qu’on dit pourtant repliée sur ses certitudes, s’exprimera sans doute en grande partie sur la cause climatique. Sans doute sous la pression d’une sécheresse persistante qui crée autant de pression dans les esprits que la canicule de 2003 avait pu en susciter en France. Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse…
Je ne connais pas les défis de la politique intérieure Australienne, je ne ferai donc pas semblant. Mais les enjeux extérieurs sont évidents. Aujourd’hui, l’Australie est le seul pays important, dans la liste des coupables du réchauffement actuel, qui marche encore dans les traces de l’administration Bush (1). Un pays dont la voix porte en Asie, face aux économies en développement qui réclament un engagement fort des nations riches avant de se mouiller dans la protection du climat. Si Rudd l’emporte, l’Australie changera de camp, ratifiera Kyoto pour la forme, mais après tout, ce protocole n’a d’autre vertu que politique. Pour autant que l’on puisse lui faire confiance. Il martèle depuis des mois que le climat est la priorité numéro un.
J’ai oublié de vous dire la seconde raison de ma sympathie pour le leader de l’opposition Australienne. Il parle, paraît-il, couramment le Chinois. Une fois à la tête de son pays, nous, pays riches, pourrions donc en faire notre ambassadeur climatique auprès de Pékin. Ça aurait plus de gueule que notre Brice Lalonde national, choisi par Borloo pour porter la voix —ambigüe— de la France sur ce dossier, non?
MAJ: samedi 24/11 à 14h55. Les Australiens ont aussi apprécié Rudd, puisqu’il a bien battu le cosnervateur John Howard. Il lui reste à tenir sa prommesse numérun un: ratifier Kyoto en vitesse. Et que ça saute!
Image © Denis Delbecq
(1) Bien que le Canada joue un billard à n bandes que j’ai du mal à comprendre. Des idées?
Brice Lalonde « ambassadeur du réchauffement climatique », c’est bien la preuve du peu de cas que le gouvernement fait de cette cause. Et pourtant, Jean Jouzel avait été reçu par Sarkozy dès le lendemain de son élection. Je m’en souviens, je l’interviewais ce jour-là, et il avait dû abréger notre rendez-vous pour filer à l’Elysée, tout fier !
Quant au Canada, ça m’étonne que vous ne vous en souveniez pas : Stephan Harper, le chef du gouvernement, est un élu de l’Alberta, province la plus riche et promise à un avenir aussi brillant que désolant grâce aux tar sands. Ca ne suffit pas comme excuse pour s’opposer au Protocole de Kyoto ?
Quant à Kevin Rudd, rien que le fait qu’il parle chinois couramment le rend sympathique !
Vu de près, l’attitude de Stephen Harper (premier ministre du Canada, au pouvoir depuis bientôt deux ans, conservateur bon teint très proche George Debeulliou), ressemble à de l’attentisme en vue d’une série de profits non négigeables :
– primo, fourguer pénard le pétrole de l’Alberta aux USA : l’Alberta, province Canadienne, est riche de sables bitumeux, chers et polluants à exploiter, mais rentables avec le prix actuel du baril… et justement, le dit Deubelliou a passé des accords avec le Harper, en vue du doublement (ce me semble) des capacités d’exploitation de ces merveilleux sables puants… Donc Kyoto mon amour, c’est quand tu veux mais… plus tard
– secundo, faire plaisir au toujours Deubelliou, qui ne peut voir le nom de cette bonne ville du Japon, même écrit en tout petit… ou alors sur du PQ éventuellement, histoire de pouvoir se torcher avec…
– Tertio, un tel conservateur n’est que rarement l’ennemi du changement dans la continuité, en particulier en ce qui concerne l’activité économique… et comme pas mal partout dans le monde occidental (et ailleurs…), ici, ça fonctionne beaucoup à l’essence… Peut-être le Québec est-il une grosse exception, tout au moins en ce qui concerne la production de l’électricité, qui est grandement produite par la force hydraulique, ressource surabondante par ici.
– Quarto, je sais pas… quelqu’un a d’autres idées de bons plans Canadien ? Peut-être permettre à la production locale de sirop d’érable, surnuméraire à n’en pas douter, de s’écouler dans d’autres réservoirs que les « cacannes » (c’est plein de sucre… ça devrait pouvoir faire de l’éthanol ça, non?). Ça permettrait de faire encore un peu plus chier les Québecois, grands producteurs de cette douceur sous les cieux nord-américains… et encore un petit peu trop indépendantistes, malgré les grosses machines publicitaires payées à coups de milliards de dollars (canadiens) par le fédéral.
– Enfin, du côté des contraintes, le bon Harper est également à la tête d’un gouvernement minoritaire, c’est-à-dire qu’il doit un petit peu tenir compte des opinions de ses opposants au parlement, et faire quelques alliances opportunes, faute de quoi son gouvernement saute comme un bouchon… Mais aussi jouer des coups tordus à ces mêmes opposants-alliés, en les forçant à avaler des couleuvres pour les affaiblir (ils ne veulent généralement « aller en élection » que quand ils sont assurés d’avoir une bonne cote de popularité…). bref la politique politicienne, quoi…
J’espère que ça éclaire un peu la complexité des positionnements du sieur…
À bon entendeur, salut !