«Ça sent le fumier de mammouth.» On ne saura pas si c’est une boutade ou si Sergei Zimov est sérieux. Ce chercheur étudie depuis une trentaine d’années le climat de l’Arctique, pour le compte de l’Académie russe des sciences. Dmitry Solovyov, de l’agence Reuters, lui a rendu visite pour constater de visu comment fond le pergélisol (permafrost, en anglais), cette couche de sol gelé qui emprisonne de formidables quantités de carbone. Il contiendrait pas moins de 500 milliards de tonnes, l’équivalent de plusieurs décennies d’émissions de l’humanité entière, plus que la quantité de carbone contenue dans l’atmosphère.
Et Zimov montre les arbres qui se cassent la figure, victimes d’un sol qui se dérobe sous leurs racines. Il explique que des quantités de petits lacs qui n’existaient pas il y a encore quelques années sont nés dans la toundra (1). Du fond de ces lacs jaillissent des bulles de méthane (2)… Un gaz qui réchauffe vingt fois plus la planète que le dioxyde de carbone de nos usines et voitures… Bref, Zimov appartient à la race des climatologues inquiets, ceux qui pensent que l’effet boule de neige sera spectaculaire. Heureusement, des travaux publiés en août dans Geophysical research letters ont montré qu’en emprisonnant des bulles d’air la couche de tourbe joue le rôle d’isolant, et tend à freiner le réchauffement du pergélisol.
Image. Une vue en coup du pergélisol. © Nasa
(1) Ailleurs en Sibérie, des lacs qui ont libéré leur carbone depuis longtemps disparaissent, la glace souterraine ayant fondu.
(2) Une image, ici, montre des bulles de méthane emprisonnées dans la glace d’un lac gelé.