Méduses, cargos, quand les fêlés traversent la Manche

Une fois n’est pas coutume, j’oublie un instant les maux de notre bonne vieille planète pour tirer un coup de chapeau à la poignée d’allumés qui dépensent une fortune pour se rendre en Angleterre, et une autre pour se faire escorter lors d’un bain qui peut durer une vingtaine d’heures. J’ai nommé les candidats à la traversée de la Manche à la nage, dont certains tentent l’aller-retour…

Il y a deux heures à peine, intrigué par l’étrange ballet de bateaux dans la baie qui me fait face, j’ai sorti la lunette à oiseaux, celle-là même qui m’avait permis l’an dernier de constater que la panthère qui mobilisait une armada de gendarmes dans la baie de Wissant n’était qu’un vulgaire chat. Et dans la nuit noire à peine éclairée par une lune voilée, le duo classique de bateaux qui accompagne les candidats au Channel. Le gros navire, arborant ses feux de «capacité de manœuvre réduite», et la petite vedette capable de s’approcher plus près de la plage, le duo mettant in fine un zodiac à l’eau. Cette nuit, donc, il était passé minuit, la mer était quasi-haute, un ou une nageuse a donc touché le sable de la baie de Wissant, après 38 kilomètres passés dans une eau pas si chaude que cela (autour de 11 degrés au large, 17 près des côtes). Je n’ai pas vu le nageur (il ou elle n’a pas de feu de route sur son bonnet) mais mon fidèle appareil photo a pu capter l’escorte dans le flou et le bruit de fond…

A vrai dire, ces traversées n’arrêtent pas, enfin, dès que le temps est calme, ce qui est particulièrement rare par les temps qui courent. Le 25 août, un Bulgare, Petar Stoychev, a franchi le détroit qui sépare France et Angleterre après seulement 6 heures 57 minutes et 50 secondes, fixant un nouveau record qui devra encore être homologué. Dimanche soir, vingt quatre heures avant l’exploit qui s’est déroulé sous mes yeux, un britannique de 52 ans a dû abandonner au bout de 17 heures et 51 minutes de promenade… Non sans avoir touché le sable français en pleine nuit et être reparti à l’assaut des vagues. Mais au bout de trois heures sur le chemin du retour, son épaule gauche l’a lâché (il avait, a-t-il expliqué ensuite, été piqué par une méduse à l’épaule droite, juste avant son arrivée en France). La lecture du Press Trust of India ajoute une autre traversée toute récente, une jeune indienne de 19 ans arrivée dimanche qui a réussi l’aller, mais abandonné sur la voie du retour.

Mais qu’ont-ils tous, ces fondus de natation qui traversent la planète pour aller traverser l’un des détroits les plus fréquentés au monde: pas moins de huit cent navires croisent chaque jour dans le Pas-de-Calais sous les yeux des contrôleurs maritimes du Cross Gris-Nez et du remorqueur d’assistance Anglian Monarch. Pétroliers, porte-conteneurs, cargos et autres ferries rendent le détroit infréquentable pour les nageurs de haute mer, bien qu’on y croise de temps à autre quelques phoques à l’affût d’un bon repas.

Tiens, une idée pour les périodes de vaches maigres élyséennes: qu’attend notre sportif de président pour tenter sa chance? Ce serait chic d’entrer dans le Guiness des records comme premier Président-élu-au-suffrage-universel-à-traverser-la-Manche. En prime, s’il réussit l’aller-retour, il sera médaillé d’un deuxième record, celui du plus vieux nageur à réussir ce parcours. Ou alors, Sarko pourrait faire ça de concert avec son copain Bush, pour discuter des frasques irakiennes de Kouchner ou tenter de convaincre «Rechauf’man» de ratifier le protocole de Kyoto. Mais attention, pas de triche, les traversées effectuées un iPod dans les oreilles ne sont pas homologuées, et Cécilia ne pourra pas les accompagner, dans l’eau, sauf au cours des trois premières heures!

Image. L’escorteur repart dans la nuit après avoir accompagné un nageur dans la Manche © DDq 2007

4 commentaires

  1. Bravo ! c’est plein de bonnes suggestions.. et c’est un bon petit déjeuner d’humour pour la journée…Kouchner pourrait, en guise de réparation, traverser en portant un sac de riz ?

  2. Et les mouettes alors? Vous me direz, dans toute cette histoire, elles ont le beau rôle, elles qui la contemplent de haut, du cap Gris Nez ou Blanc Nez aux falaises de Douvres et d’ailleurs, du port de Boulogne aux baies et plages sauvages, d’une rive à l’autre à portée d’aile, une petite halte sur un cargo ou un ferry, le vol des mouettes doit en faire rêver plus d’un dans le coin. Pas de papiers, pas de douaniers, de grilles, de chiens pour les arrêter, pas besoin d’escorte non plus. Peu de chance aussi pour elles de se faire écraser sur la chaussée comme un pauver pigeon parisien, quant aux éoliennes… C’est bien un peu pollué dans le coin, pas mal même par endroits, le poisson n’est sûrement plus ce qu’il était, mais tant qu’il n’y a pas de marée noire à l’horizon, ma bonne dame, c’est guère pire qu’ailleurs… Le sort commun, et la mouette, la vulgaire mouette rieuse n’est pas des espèces les plus menacées, tant qu’il reste du poisson…

    Et les Libertaires? Il en reste encore… Si, si, au moins quelques uns… Même que je ne connais pas encore comme ceux qui éditent ce canard, « La Mouette Enragee, journal anticapitaliste et libertaire du littoral» dont Indymedia m’apprends qu’il consacre, entre autre choses, un article à ces « Autoroutes de la mer ». Leur numero 28 qui vient de sortir est disponibles en kiosques dans le boulonnais et le calaisis. Bon, je n’aurais guère l’occasion de fréquenter ces parages dans les jours à venirs, mais toi, Denis qui en est plus familier?

    L’édito de la Mouette enragée :
    http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=85200

  3. Author

    Ah, les mouettes, rieuses ou pas. C’est vrai qu’elles se soucient peu des douaniers et autres agents de la PAF qui font la chasse aux migrants de la région, qui errent en espérant franchir le détroit vers les salut britannique. Quant aux éoliennes, il y en a paradoxalement peu dans la région, les mouettes ont tout le loisir de se moquer de ces moulins en panne que personne ne vient réveiller, comme dans le port de Boulogne. La «Mouette enragée», je ne connais pas, mais promis je me met en chasse la prochaine fois que je vais sur leurs terres. Dès que je l’ai trouvée, je vous raconte, promis.

  4. Alors on parle de nous ? Pour avoir un numéro extrait de notre plume, si vous ne le trouvez pas dans les bons kiosques de Boulogne sur Mer, vous nous envoyez un petit mot à notre adresse mel avec votre adresse postale et nous serons ravis de vous retourner un exemplaire de notre production.
    Bonne réception
    La Mouette Enragée

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