Quand la voiture menace d’affamer les pauvres

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Fidel Castro avait été raillé quand il avait accusé les Etats-Unis d’affamer la planète en lançant une offensive pour développer les bio-carburants, notamment au travers d’un accord avec le Brésil de Lula. D’aucuns avaient accusé le leader maximo de vouloir protéger Chavez et le pétrole Vénézuélien. Mais il n’avait peut-être pas tout à fait tort.

Dans un rapport (au format PDF), l’agence de l’ONU pour l’énergie tire la sonnette d’alarme.

Les experts estiment que le boom des biocarburants pourrait poser un
problème de sécurité alimentaire pour la planète. Ils soulignent au
passage que cette stratégie américaine de développement de l’usage de
l’éthanol dans l’automobile a peut-être déjà tiré à la hausse les cours
du maïs en 2005 et en 2006. «Le marché des biocarburants offre une
opportunité nouvelle et en croissance rapide pour les agriculteurs, et
pourrait contribuer de manière importante à leur revenu.» Mais l’accès
à la nourriture pourrait s’en trouver compromis pour les populations à
faible niveau de revenus… «Le prix des produits dont on tire les
biocarburants, sucre, maïs, colza, huile de palme et soja, a déjà
augmenté.» soulignent les experts.D’ailleurs, le prix de la tortilla a presque doublé au Mexique, pour des
raisons internes (mauvais rendements, désorganisation du marché), mais
aussi parce que les exportateurs américains préfèrent vendre leur maïs aux
agroindustriels de l’éthanol…

Cette nouvelle course à l’échalote risque dort de peser sur les
forêts: verra-t-on le Brésil déforester massivement pour produire du
carburant pour son voisin nord-américain, comme il l’a déjà fait pour
doper ses exportations de soja?

En France, le feu vert à l’éthanol de maïs décrété par les autorités
risque fort de conduire à une aberration: outre l’énergie consommée
pour sa culture à haut rendement (pesticides, engrais, etc.) le maïs
pèse sur la ressource en eau l’été, en raison d’une irrigation toujours
plus développée. Et ce n’est pas la multiplication des épisodes
caniculaires, prévu par les climatologues, qui arrangera la situation.
Il est bon de rappeler, une fois de plus, les calculs de coin de table de Jean-Marc Jancovici sur les biocarburants.
Il rappelle par exemple que si un hectare permet de produire environ 4
tonnes d’équivalent pétrole par hectare, il faut en dépenser 3,2 pour
les obtenir. Pour produire une centaine de litres d’éthanol de maïs, il
faut plus de deux cents kilos, soit de quoi nourrir une personne
pendant un an.

Au risque de radoter, le biocarburant n’est pas
forcément une bonne affaire. Mieux vaut donc trouver un autre moyen de
réduire la consommation de pétrole. Par exemple, en chassant la voiture
des villes?

7 commentaires

  1. Si nous avions été en 1969, on aurait vu Jean-Marc Jancovici publier des « calculs de coin de table » prédisant l’échec de la mission Apollo 11… en se basant sur les statistiques des fusées V2!

  2. C’est malin. Pour avoir beaucoup pratiqué le calcul de coin de table, le scotchs et les bouts de ficelle dans une vie antérieure très scientifique, je peux vous certifier que:
    a/ JM Jancovici manie la calculette à merveille.
    b/ Les missions Apollo ont été conçues avec des calculs de coin de table.
    c/ L’ONU et des dizaines de scientifiques calculent tous aussi, et là, ce n’est pas dans les coins, qu’il existe une compétition entre alimentation et carburation quand on parle de « biofuels ». Mais n’importe quel agriculteur vous dirait la même chose sans être passé par Polytechnique.

  3. Ce n’est pas les calculs de coin de table qui sont en cause c’est les sources qu’ils utilisent pour faire ces calculs. Les ingénieurs de la Nasa en 1969 utilisaient les chiffres des fusées de 1969… pas de celles de 1945. Quand on veut faire des calculs en 2007, la rigueur voudrait qu’on utilise les résultats des labos en 2007… ou à défaut les résultats de l’industrie à la même époque et pas ceux d’il y a 5 ans…

    Parmis les erreurs de Jancovici on pourrait citer : l’oubli total de la filière des synfuels BTL,le fait de ne prendre en compte que la surface de terres arables alors qu’il existe des cultures non alimentaires qui sont adaptés à des terres non cultivables (le Jathropha est l’exemple le plus connu), le fait de faire ses calculs en prenant le chiffre de la consommation mondiale de pétrole et non le chiffre de la consommation mondiale de carburant, il oublie aussi que le climat du monde n’est pas le climat français et qu’il existe des parties du monde ou il est possible de faire plusieurs récoltes par an…surtout quand les exigences de qualité sont moindres, qu’il existe des systèmes de cultures complémentaires (agroforestrie par exemple) qui permettent de faire cohabiter des cultures alimentaire et bioenergétique sur la même surface cultivable, des rendements énergétiques sous-évalués… et j’en passe et des meilleurs.

    Pas étonnant quand on considère qu’un polytechnicien qui n’a jamais publié ni fait de recherches dans le domaine des énergies renouvelables ou de l’agriculture est aussi compétent pour parler des biocarburants qu’un géologue des changements climatiques.

    Quant à votre commentaire sur le rapport de l’ONU j’invite tous les lecteurs à lire à partir de de la page 31 et me donner leur avis… La présentation que vous en faites est tellement partial que j’en serais presque à me demander si vous ne vous êtes pas contenter de lire le communiqué de presse…

    Présenter sous le titre « quand la voiture menace d’affamer les pauvres » un rapport qui commence son analyse du sujet par : « the current « food, feed or fuel » debate tends to be overly simplistic and fails to reflect the full complexity of factors that determine food security at any given place and time », je trouve ça fort de café!

    Vous ne devriez pas ignorer ces commentaires « Currently, on a global scale and under the current state of liquid biofuel production, food production and biofuel production are substitutes. But well-designed modern bioenergy systems may un fact augment local food production. For example, if leguminous nitrogen-fixing crops for biofuel production are rotated with cereals, the overall productivity of the system may be enhanced. » ou ceux là « Modern bioenergy could make energy services more widely and cheaply available in remote rural areas, supporting productivity growth in agriculture or other sectores with positive implications for food availability and access ».

    Ce sont eux qui refletent le plus fidelement la position que la FAO tient depuis de longues années.

  4. Libre à vous de contester les calculs de JMC, qui ont le mérite de poser les bonnes questions. Ok, peut-être faut-il affiner, mais sur le fond, il est assez proche des réalités du moment (je ne parle évidemment pas de la production de biocarburants à partir de sous-produits, mais bien de cultures à vocation énergétique). Qu’on puisse faire des progrès dans les pratiques agricoles est une évidence. Mais aujourd’hui, quand un producteur de maïs ou de colza se borne à changer de client, rien ne change. Juste qu’on remplace des subventions, comme celles de la PAC, par d’autres subventions.

    Sur le rapport de l’ONU, je note votre critique, classique sur la dénonciations des journalistes-qui-ne-font-pas-leur travail. Sachez simplement que je n’ai pas pour habitude de construire ma réflexion à partir de communiqués de presse. Et je travaille systématiquement à partir des documents complets (une exception cependant, je ne lis pas les rapports du GIEC dans leur version longue, de milliers de pages, mais seulement les «résumés à l’intention des décideurs» rédigés par les scientifiques du GIEC).

  5. à Kuri Koer :

    les phrases que vous citez comportent allègrement (oups) des mentions du style « tends to be » « may be » ou « could make ». Bref, comme 90% des bons gros rapports de ce type, on s’engage doucement avec la pointe des pieds sur des oeufs.
    Et à partir de ça, vous élaborez des théories en béton, des certitudes garanties 100% ?

  6. Petit bémol, la critique des journalistes qui ne font pas leur boulot est plutot une critique des journaux qui utilisent des pigistes sous-payés et précarisés et ne leur laisse pas le temps et la possibilité de faire du bon travail…

    Maintenant, je vais faire un petit résumé de la situation.

    Les USA sont les premiers producteurs de maïs dans le monde et quand je dis les premiers je parle d’un leadership écrasant puisque la moitié de la production mondiale de maïs est issue des USA. Tout comme en Europe la production agricole est très subventionnée. Cet état de fait a amené la chute des prix agricoles au niveau mondial et est tellement décrié qu’il devient problématique pour ces deux puissances de garder la situation telle quelle (surtout que des pays comme le Brésil commencent à avoir un poids politique sur la scène internationale).

    Comme les USA veulent garder leur système, ils décident d’utiliser leur surplus pour faire du biocarburant au lieu de l’écouler sur le marché mondial. En 1929 on déversait le lait dans les rivières, en 2007 on l’utilise dans les réservoirs…

    Si cette situation pose problème c’est uniquement parce qu’il n’y a eu aucun investissement dans le monde rural du coté des états qui étaient dépendant des exportations à bas prix du Nord. Le problème n’est donc pas la production d’éthanol à base de maïs jaune américain mais le manque d’indépendance alimentaire des pays les plus pauvres du monde !

    Et là JMC arrive la bouche en coeur et dit : cette façon de faire du biocarburant ce n’est pas soutenable ! J’ai envie de lui répondre : évidemment, béotien, ce ne sont pas des cultures énergétiques mais une utilisations des surplus de l’industrie agro-alimentaire !

    Dans ces cas là, le but recherché ce n’est pas de faire du carburant, c’est de se débarasser des surproductions! Preuve en est que les cultures qui permettent de faire des biocarburants sont interchangeables avec les cultures qui permettent de nourrir les gens (euh pardon… ce serait plus juste de dire « qui permettent de nourrir le bétail »). C’est le ystème économique utilisé par le Brésil afin de jouer sur les deux marchés à la fois et qui est maintenant copié de manière avoué par l’Indonésie pour liquider ses stocks d’huile de palme alimentaires.

    (on pourrait aussi parler du système français d’acheter du fuel raffiné de mauvaise qualité et de le mettre aux normes européennes en le coupant avec du biocarburant pour pallier au manque de capacités de raffinage)

    Les vraies culture énergétique on peut les trouver en Allemagne par exemple où les terres en jachères sont utilisés pour faire des cultures à destination des biodigester : les cultures sont uniquement dédiés à cette utilisation : on maximise le potentiel énergétique sans se soucier des qualités alimentaires (par exemple utilisation de plantes qui ne sont pas arrivés à maturation). Ou alors on peut aller du coté des projets de recherche européens du style NILE, RENEW, BIOCARD, etc.

    Le Ghana a un programme de biocarburant avec pour but de remplacer le carburant : ils plantent du Jatropha sur des terres non cultivables, pas du tournesol en remplacement d’autres cultures comme se l’imagine JMC…

    Evidemment pour faire des calculs en prenant la vrai réalité industrielle, ça demande un peu plus d’implication qu’une recherche sur Google et wikipedia.

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