Mentir «Allègrement»

Quand un scientifique détourne la science à son profit, qu’il soit condamné sur la place publique. Et c’est ce qui est en train d’arriver à Claude Allègre. L’ancien ministre et chercheur reconnu s’est livré le 21 septembre à un véritable travestissement de la réalité pour apporter de l’eau au moulin de sa vision du réchauffement climatique.

Non pas qu’il n’a pas le droit de défendre une vision peu partagée
dans la communauté scientifique, qui conteste le rôle des humains dans
le réchauffement engagé depuis la fin du 18e siècle. Chacun est libre
de penser ce qu’il veut, et Libé avait d’ailleurs publié -sous ma
modeste plume- il y a quelques année (2001) un long papier consacré au
débat scientifique sur le réchauffement, qui donnait longuement la
parole à Richard Lindzen (MIT), un farouche adversaire de la thèse du
réchauffement, et un homme dont les idées pèsent à la Maison-Blanche.

Mais
Claude Allègre a poussé le bouchon très loin en versant des travaux
scientifiques dans son panier "anti-réchauffement" alors qu’ils ne
portent pas sur ce sujet. Ce qu’on apprend justement à n’importe quel
étudiant, c’est en tous cas ce que je disais aux miens quand
j’enseignais: la rigueur scientifique interdit la manipulation et la
malhonnêteté intellectuelle.

Sylvestre Huet, le spécialiste climat de Libé, a pris sa plume et lancé une adresse à la communauté scientifique
le 27 septembre. Le texte circule depuis sur Internet, et cristallise
les réactions indignées de centaines de chercheurs français. Claude
Allègre tente de répondre à la polémique ce matin dans l’Express.
Il répond bien évidemment à côté, en défendant sa vision du
réchauffement, qu’il est bien sûr libre de penser, mais sans apporter
de justification à la méthode honteuse qu’il a employé.

6 commentaires

  1. Une hausse de 25cm du niveau des eaux m’apparait catastrophique pour le Bengladesh.

  2. Personnellement, je pense raisonnable d’écouter des personnes comme Allègre plutôt que de lancer une vindicte. Ce que je retiens de son argumentaire (notamment son second article), c’est qu’il faut pondérer les dangers entre eux.

    Dans le cadre de méthodologies d’analyse de cycle de vie des produits, les impacts sont classés en une dizaine de catégories, en moyenne, parmi lesquelles les « changements climatiques ». Cependant, cette catégorie, lors d’analyse sur le transport routier par exemple, ne figure pas comme étant le plus gros impact. L’apauvrissement des ressources abiotiques, la pollution liées à la transformation sont souvent considérés comme pire selon les méthodes de pondération utilisées (qui demeurent subjectives bien que normalisées, il faut le préciser). Dans la même idée, la production de biocarburant amène aussi sont lot de pollutions et l’impact général peut être considéré comme égal à l’utilisation de pétrole.

    Par ailleurs, Allègre a raison quand il dénonce l’utilisation de la peur comme moteur écologique. Personnellement je pense qu’il y a beaucoup beaucoup beaucoup de choses à améliorer au niveau environnemental, dont certaines urgemment. Cependant, je peux difficilement souscrire à certains discours écologistes type malthusiens qui prévoient la fin de la civilisation humaine à court ou moyen terme. Mais pour répondre à la panique terroriste, la panique environnementale semble pour certains la seule méthode viable.

    Je désapprouve un bon nombre des arguments de M. Allègre, mais il est des aspects sur lesquelles il n’a pas tout à fait tort…

  3. Je suis plutot de ceux qui pense que le climat est mal en point et que les gouvernances ne sont pas à la hauteur de l’urgence qui nous attend. Neanmoins, pour revenir sur les propos de Claude Alegre, je les trouve sains et constructifs. En effet, ils ont le merite de crever l’abses et surtout de provoquer au moins un debat. Sans cette intervention, les climatologues seraient restés devant leur écran d’ordinateur à ressacer les problemes qu’ils voient mais de communiquent pas.
    Aussi, approuvons le bagout d’Allegre sur l’aspect positif des réactions occasionnées.
    J’attirerai aussi l’attention sur les propos de quelques journalistes (notamment une débutante de la Matinale de Canal+) qui pretendait que Claude Allegre n’etait pas « légitime »… dans cette version de la démocratie et de la communication, il faut dire à la journaliste que si seuls les légitimes etaient amenés à parler alors il y a bien des problemes qui auraient été passé sous silence (sang contaminé qui a eclaté sous Fabius, vache folle, veau aux hormones,…). Donc il est carricatural de chercher des légitimités partout… seul le debat compte!

    Enfin, pour revenir sur la communauté scientifique et son emoi, il faut la remettre en place. Cette levée de bouclier aurait été plus salutaire face à un gouvernement ou des prises de décisions gouvernementales mais les chercheurs preferent enfoncer des portes ouvertes… On rappelera aussi que souvent certains chercheurs se sont vu « black leastés » pour leurs idées… Ainsi, souvenons de Howard Temin qui fut traité de tous les noms par l’ensemble de ses pairs… il avait pourtant découvert la transcriptase inverse et fut par la suite Prix Nobel… dans les années 80.

    Donc appelons à un débat raisonné… et remercions Allegre d’avoir fait volontairement ou non l’avocat du diable…

  4. Si gouverner c’est prévoir, survivre c’est prévenir.
    Parce que les cyclones sont peu prévisibles (effet papillon), la construction de digues est indispensable.
    Contre le réchauffement climatique, il est nécessaire d’agir et il n’y a pas 50 façons: réduire les émissions. Si mr allègre mettait en évidence la « précaution » sur-sécuritaire de la droite avec autant de véhémence, je l’encouragerais.

    Constatons la donne différente par rapport au phénomène de pauvreté à endiguer bien entendu: pour la pollution et le réchauffement climatique par contre, même les pays riches sont concernés. En ce qui concerne le jeu des priorités, gaspiller le pétrole, et ne pas mettre l’accent sur d’autres ressources, comme le solaire, est aussi un acte de discrimination. Le danger de discrimination, vous y pensez?
    Faites attention Mr Allègre, car quelque part, comme on dit, tout est en tout. Je prétends que les solutions environementales sont symbiotiques à l’autonomie locale (je ne dis pas isolement), vrai progrès social.

  5. Ce même Allègre a publié en deux ans dans l’Express trois articles contre les loups puis les ours, des sujets sur lesquels j’ai quelque connaissance. Ses arguments antiscientifiques atteignent des sommets de mauvaise foi. Cette navrante « sommité » représente un fléau pour tout scientifique épris des faits et de leurs analyses.

    Vincent Labbé

  6. Merci pour avoir résumé en quelque mots le « vrai » scandale Allègre.

    Il est tout à l’honneur de Sylvestre Huet de Libé d’avoir réagi à cette chronique malhonnête de l’Express.

    Je constate qu’il n’en est pas de même de vos confrères et je pense notamment au Monde et de Mr Colombani qui ouvre ses colonnes de débat sans prendre la peine de solliciter un débat contradictoire :

    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-827867,0.html

    Ce qui me désole c’est que la communauté scientifique réagit dans l’univers protecteur de leur labo (voir le lien que vous citez http://lgge.obs.ujf-grenoble.fr/actu/actualites.shtml) mais pas sur la scène médiatique face au grand public.

    Le problème c’est qu’il faut une prise de conscience de tous et non pas de l »elite » pour que les politiques commencent à considérer sérieusement ce problème du changement climatique. Heureusement qu’Al Gore est arrivé avec son film « une vérité qui dérange » et mon espoir est que ce film soit le début d’une vraie prise de conscience …

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