Le climatologue américain James Hansen (1) propose une lecture fort intéressante des responsabilités de chacun dans le réchauffement de la planète. Il s’est amusé à estimer les émissions cumulées de gaz carbonique depuis 1751, au démarrage de la révolution industrielle en Europe. Et si la Chine dépasse aujourd’hui, en termes d’émissions annuelles, les Etats-Unis, le cumul fait dire à Hensen qu’il faudra plusieurs décennies avant que le géant asiatique ne devienne leader en émissions cumulées. Ça vous paraît compliqué, c’est on ne peut plus simple, et ça prouve bien qu’il n’est pas forcément temps d’imposer des contraintes dures sur les émissions des pays en développement, même si chaque once de gaz carbonique supplémentaire aggrave le réchauffement.
Quand on prend en compte les émissions du passé, en gros celles de nos parents, grands-parents, arrière-grand-parents, etc, ce sont les sujets de la reine Elisabeth qui sont les plus pollueurs. La révolution industrielle est née en Grande-Bretagne, l’usage industriel du charbon aussi, ce qui place nos voisins en haut du podium de la responsabilité individuelle cumulée dans le réchauffement. (Rassurez-vous, chers amis d’outre-Manche, ça ne durera pas car les Etats-Unis sont tout derrière, et comme ils émettent plus aujourd’hui…) C’est bien pour ça que Hansen a pris sa plume pour s’adresser d’une part à Gordon Brown, et de l’autre à Angela Merkel (le brouillon est diffusé sur internet). Tous deux revendiquent la position de leader de la lutte contre le réchauffement, mais tous deux sont responsables de pays qui comptent bien continuer à utiliser le charbon, voire en accroître l’usage dans la production électrique… Quand au troisième crados, Hansen ne s’est même pas fatigué à écrire, il attend sans doute l’arrivée du prochain locataire de la Maison-Blanche.
Chaque britannique aujourd’hui porte la responsabilité cumulée de plus d’environ 320 tonnes de CO2 (20t de plus qu’un étatsunien). L’Allemand pèse 275 tonnes, le Canadien un peu plus de 200. Nous autres, sujet de sa majesté Sarkozy, guide suprême de la révolution verte et roi du pipole, n’avons pas eu droit à figurer dans le tableau d’Hansen. A la louche, je placerai la France entre le Japon (100 tonnes cumulées par habitant d’aujourd’hui) et la Russie (180 tonnes), Allez, on va dire 150 tonnes. La Chine (25 tonnes) et l’Inde (moins de 10 tonnes) sont très très loin derrière.
Tout ça pour dire, selon Hansen, que s’il y a bien trois pays qui doivent cesser de jouer avec le feu sous un tas de charbon, ce sont bien les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Hansen demande donc de supprimer les centrales à charbon qui ne séquestrent pas le gaz carbonique. Autrement dit toutes les centrales à charbon, puisque la séquestration est un doux rêve que les ingénieurs et les géologues n’ont pas encore concrétisé. Pour Hansen, l’arrêt des centrales à charbon réglerait 80% de la question climatique… Il soutient aussi l’idée de créer une taxe carbone dont la hausse serait progressive et régulière. «Cela nous assurerait, quand la production de pétrole déclinera, que l’humanité ne se comportera pas en toxicomane désespéré, cherchant la moindre goutte d’énergie dans les régions les plus vierges de la planète (…) qui assurerai la destruction de notre climat et de la plupart des espèces.»
Hansen insiste aussi sur le signal qui pourrait être envoyé au reste du monde si Merkel et/ou Brown décidaient de supprimer le charbon sale. Si j’osais, je dirai presque l’inverse: quel signal l’Allemagne vient-elle d’envoyer aux pays en développement et aux lecteurs d’Effets de Terre en décidant la construction de nouvelles capacités de production électrique à partir de charbon?
(1) James Hansen est sans doute le climatologue le plus célèbre au monde. Notamment pour avoir fait connaître les pressions politiques qu’exerce la Maison-Blanche sur les chercheurs en sciences du climat aux Etats-Unis. Fort de son aura et de son poids à la Nasa, Hansen avait violemment critiqué les manipulations téléguidées par les amis de Dobelyou et leurs sbires installés à la tête de certains organismes de recherche.
»James Hansen (…) s’est amusé à estimer les émissions cumulées de gaz carbonique depuis 1751
A-t-il corrigé ces données en fonction de la réabsorption? Tant que les émissions n’étaient pas trop grandes, elles ne faisaient pas grand tort. Cela me semblerait un peu bizarre de considérer les émissions de 1751 avec le même poids que celles d’aujourd’hui.
»quel signal l’Allemagne vient-elle d’envoyer aux pays en développement et aux lecteurs d’Effets de Terre en décidant la construction de nouvelles capacités de production électrique à partir de charbon?
Un signal suposerait que c’est nouveau… la seule chose qui est nouvelle, c’est que les « écologistes » qui se font berner depuis des années par le discours officiel sur les renouvelables commencent tout doucement à se réveiller. Hé non les renouvelables et les économies il suffit pas d’y croire très fort pour que ça soit assez. La politique allemande de sortie du nucléaire équivaut à une politique d’utilisation de charbon ou de gaz naturel. Vous vouliez pas le croire? Hé bien constatez.
@lecture, je ne sais si la réabsorption doit être prise en compte, à moins que ce CO2 ait été stocké depuis dans les sédiments ( calcaires, matière organique…) phénomène dont la vitesse est très lente.Sinon, il n’y a pas d’abattement à faire, le CO2 déjà absorbé diminuant la capacité d’absorption future. Mais le raisonnement de Hansen semble dédouaner la Chine et l’Inde. Oui pour le passé, mais quid de l’avenir, où les productions cumulées seront bien supérieures à celles du passé, surtout si l’on tient compte de leur nombre d’habitants. Il faut donc non seulement que les trois pays visés s’arrêtent d’émettre, mais que l’on aide rapidement les futurs gros producteurs à cesser d’émettre.
Cela dit, le message de Hansen est extrêmement important, car son opinion est relayée par les médias.
Les méfaits du charbon ne se limitent pas au CO2 et cela on ne l’entend pas assez.. L’industrie du charbon, depuis son exploitation juqu’à son utilisation est responsable d’une énorme mortalité et d’une énorme morbidité. En général, on ne parle que des accidents dans les mines ( de 10 000 à 30 000 morts par an dans le monde selon les estimations) mais on oublie la silicose, maladie pulmonaire des mineurs comparable à la maladie de l’amiante, qui en tue beaucoup prématurément ( 200 000 morts par an?), les conséquences de l’exploitation des mines sur les populations riveraines , les effets des poussières liées au transport ,et dans les pays dont l’électricité est pour beaucoup produite à partir du charbon, en Europe, Allemagne, Danemark,Espagne, Pologne, Ukraine entre autres, les effets de la pollution atmosphérique ( fumées, poussières, radon 222, mercure ..) qui représenteraient environ 30 morts par TWh produit et par an d’après le journal médical « The Lancet ». L’ordre de grandeur de la mortalité annuelle mondiale entraînée par cette industrie est donc de l’ordre de 500 000, ce qui est de l’ordre de 1000 fois supérieur à la mortalité entraînée par le nucléaire, même en y incluant Tchernobyl. Pourquoi cela n’est-il jamais dit dans la presse? Parce que les mouvements antinucléaires occupent ce terrain depuis plus de vingt ans! Combien d’articles quand un ouvrier d’une centrale nucléaire reçoit une clef à molette sur le pied, et combien quand un accident dans une mine tue 100 personnes . Chacun en France a été copieusement informé de tous les incidents et accidents survenus cette année dans les centrales nucléaires du monde entier, qui n’ont tué personne, mais personne n’ a été informé du nombre considérable de morts survenus cette année par accident dans les mines de charbon, et encore moins de ceux que le charbon a tué pour toutes les raisons que j’ai énumérées.
il y a donc deux poids deux mesures, et il serait temps que les écologistes se resaississent. C’est une affaire de déontologie élémentaire!
bien d’accord avec BMD: caricaturalement, face à un pb, on peut avoir deux attitudes: qui est respondable, ou comment faire pour le résoudre. Indubitablement les pays développées sont responsables « historiques » pour le réchauffement actuel (20% de la pop. mondiale, 80% des émissions cumulées), mais la solution au pb à venir se trouve davantage chez ceux dont les émissions deviennent équivalentes (par pays..) aux notres et qui surtout sont en très forte croissance (celles des pays riches dans leur ensemble étant comparativement beaucoup plus stable).
Mais évidemment l’attitude juste consiste à prendre les deux en compte.
Cela dit, plutôt que d’insister sur l’aspect historique, il faudrait aussi toujours rappeler qu’individuellement un occidental émet toujours plusieurs fois plus qu’un chinois ou un indien (contrairement à l’ambiance générale « nous propres, eux sales »): à mon sens il serait plus pertinent de mettre tout le monde d’accord autour d’objectif d’émission par habitant, en partant du présent, qu’autour de notions de responsabilité historique.