«Le réchauffement climatique est une rumeur», titre l’hebdo américain cette semaine. On pourrait croire à un sursaut médiatico-pétrolier si Newsweek n’avait ajouté un sous-titre explicite: «…C’est ce que disent les négationnistes bien-financés qui rejettent les preuves accablantes du changement climatique.» L’hebdo américain propose une plongée dans cet univers du lobbying.
Après la parution cette année du brouillon du rapport des experts de l’ONU sur le climat (Giec), raconte Newsweek, l’un des think-tanks financés par Exxon-Mobil a proposé 10000 dollars à des scientifiques pour écrire des articles cassant les conclusions du Giec (Exxon a dépensé des millions de dollars pour financer des recherches négationnistes). Et selon l’hebdo, la machine à nier ne s’avoue pas vaincue, loin s’en faut. Le parallèle est évident avec la bataille conduite pendant des décennies par l’industrie du tabac pour nier les méfaits de la cigarette.
Au cours des années quatre-vingt dix, le lobby pétrolier a déployé une incroyable énergie pour repérer et enrôler les chercheurs qui ne partageaient pas l’idée dominante d’un réchauffement climatique induit par les activités humaines. La meilleure recrue est sans conteste Richard Lindzen, un climatologue du MIT. Je l’avais interviewé pour un article de Libé en juillet 2001, lire ici. Tout est bon pour faire pression sur le public, y compris des pétitions douteuses comme la «déclaration de Leipzig» de 1995 qui faisait même passer des présentateurs météo pour des scientifiques, et dont quelques-uns seulement des signataires étaient des spécialistes du climat. (Remarquez, nous on a bien notre Claude Allègre national).
En 1998, plusieurs organisations et entreprises avaient préparé une campagne de 5 millions de dollars pour éviter que le protocole de Kyoto ne soit présenté à la ratification aux Etats-Unis. Mais des fuites avaient empêché sa mise en place. Trois ans plus tard, juste avant l’intronisation de Bush, les lobbyistes restaient inquiets, raconte Newsweek, car le candidat avait évoqué la question des gaz à effet de serre. Mais ils ont vite été rassurés: une fois élu, Bush s’est rappelé au bon souvenir de ses généreux contributeurs pétroliers. En 2003, en plaçant un des leurs à la tête du comité Environnement du Sénat, James Inhofe, les négationnistes ont frappé un grand coup. Lui affirme sans rire que «le réchauffement est la plus importante rumeur imposée au peuple américain». Et Newsweek souligne que le volet automobile du texte sur l’énergie adopté il y a quelques jours à la Chambre des représentants n’est même pas arrivé au vote, tant la machine à nier reste efficace.
La stratégie reste toujours la même: semer le doute dans les esprits, affirmer dès que possible le manque de connaissances scientifiques, l’incertitude considérable. Et bien évidemment, qu’il y a du doute dans la recherche sur le climat. C’est la principale qualité d’un chercheur, celle de savoir douter. Mais s’il y a des incertitudes, ce n’est pas sur le fait numéro un: le climat se réchauffe comme jamais en raison des rejets de gaz à effet de serre.