En décembre et février dernier, deux papiers importants ont paru dans la littérature scientifique, qui tentent de mieux cerner la question du plastique qui flotte dans les océans, le plus souvent sous forme de minuscules particules.
Cette semaine, j’étais en Suisse, à Berne, à l’occasion d’un séminaire sur la visualisation de la science organisé par l’Association des journalistes scientifiques suisses, présidée par Olivier Dessibourg, du Temps. J’y avais été invité avec mon complice Jean-Marie Lagnel, Directeur artistique et fondateur de Studio V2, pour évoquer notre travail commun pour le site internet d’Arte: des infographies et datavisuflisations sur toutes sortes de sujets, de la science dure à la démographie, en passant par l’économie, la pollution etc.
Lors du séminaire, la quarantaine de participants s’est essayée aux travaux pratiques: nous devions créer un poster en 45 minutes à partir des données sur la pollution des océans au plastique publiées en décembre dernier dans PLoS One et en février dans Science.
Cette première représentation est tirée des données du groupe de Markus Eriksen, qui a compilé les observations de 24 expéditions dans les océans de la planète. Il s’agit d’une estimation de la masse de déchets plastiques, océan par océan (Les données plus détaillées montrent qu’environ 70% de cette masse provient de macro-déchets de plus de 20 cm). On constate que le Pacifique Nord, baigné par d’immenses bassins de population comme la Chine et les Etats-Unis, est de loin le premier réservoir à déchets plastiques flottants. En étudiant les données de l’article dans Science du groupe de Jambeck, on observe que —s’il y a un grand désaccord sur les tonnages— ce sont bien des pays comme la Chine qui rejettent le plus de déchets dans les océans.
A la première lecture du tableau de données de Markus Eriksen, avant même de savoir ce que nous aurions à faire comme TP au cours de cet atelier, les données concernant la Méditerranée sautaient aux yeux: quatre fois moins de déchets que le Pacifique Nord seulement, alors que cette mer est un confetti à l’échelle des grands océans. Nous sommes donc tombés d’accord avec Jean-Marie, pour creuser ce sujet.
Pendant que mon acolyte commençait à réfléchir au meilleur moyen de représenter ce type de données, avec une très forte contrainte de temps, j’ai donc fouillé le réseau à la recherche des surfaces des océans. A ma grande surprise, ce n’était pas si facile, car il existe très peu de références au découpage nord-sud des océans Atlantique et Pacifique. Une fois trouvées ces superficies, une simple division conduit à la représentation ci-dessous, qui donne une toute autre image de la situation.
La comparaison des deux « Dataviz » est très spectaculaire et montre combien les choix opérés pour une visualisation de données conduisent à des résultats différents. La première, associée aux données sur les rejets par pays, montre très clairement que ce sont les pays pauvres et émergents qui bordent le Pacifique qui sont à l’origine de ce qu’on décrit à tort comme une mer —parfois même un continent— de plastique. Et la seconde rappelle à quel point la Mer Méditerranée est dans une situation alarmante en matière de pollution au plastique. La lecture des données plus détaillées du papier d’Eriksen le confirme: le poids des plus fines particules (entre 1/3 et 1 mm) représente 6% du total en Méditerranée, contre 2% dans le Pacifique Nord. Si on effectue la comparaison pour l’ensemble des petites particules (entre 1/3 et 5 mm), les plus vicieuses pour la faune aquatique, la différence est encore plus marquée: elles pèsent 29% du total de plastique en Méditerranée, contre 12,5% dans le Nord Pacifique!
N.B. J’en profite pour vous annoncer qu’après un temps trop long de sommeil, le blog Effets de Terre va se réveiller! Occupé depuis deux ans à surmonter la crise alimentaire que vivent les pigistes, et à développer mes logiciels Qwaz pour journalistes que j’ai désormais lancé, je vous avais négligés. Promis, je reviens vers vous très vite!
Découvrez nos Dataviz
Quelques exemples du travail réalisé avec Jean-Marie Lagnel et Studio V2 pour le site internet d’ARTE et pour le quotidien Le Temps.
• La pêche dans les océans (Arte)
• L’eau et ses débordements (Arte)
• Vingt ans d’histoire de la Terre (Le Temps)
Welcome back !
Ca fait plaisir de vous relire, DD !
En lien avec votre article, plasticienne engagée, j’ai sur la table à dessin du confinement une série sur la pollution des océans intitulé « Le Nouvel Ordre Mondial » réalisée à partir de photographies de particules de plastiques trouvées sur des plages aux quatre coins du monde ! Un bol d’air en plein confinement … ou pas !?
Prenez le temps de découvrir ces dessins ??
https://1011-art.blogspot.com/p/ordre-du-monde.html