Le «climategate» a fait long feu

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

C’est étrange. J’ai été peu présent dans ma veille ces derniers jours, affairé ce week-end et depuis deux jours à préparer puis entamer le stage de formation que j’encadre au Centre de Formation des Journalistes (de Paris), à propos du climat et du sommet de Copenhague. Et je constate combien le ton monte —dans ces colonnes— à propos de cette affaire de barbouzes, après le piratage de données de l’un des plus important centre de recherches sur le climat de la planète. Aussi vais-je tenter de résumer les nombreuses interrogations et réflexions que soulève cette triste affaire, puisque tout le monde semble reconnaître que les pièces volées sont authentiques.

Tout d’abord, la question qui me tarabuste depuis quelques jours: sur plus d’une décennie écoulée entre le premier et le dernier, seuls un millier d’emails ont été diffusés par le ou les hackers. Où sont passés les autres? A-t-on affaire à un mauvais pirate (de l’intérieur ou de l’extérieur) qui n’a pu mettre la main que sur ce stock de messages, dont quelques-uns posent des question sur l’éthique scientifique d’une poignée de chercheurs sur le climat? Ou bien, sommes-nous face à quelque chose de plus large, de plus organisé, un groupe d’activistes qui auraient pris le temps de choisir les contenus les plus « méchants », parmi des centaines de milliers de mails et de documents, pour nuire de manière la plus efficace possible aux chercheurs qui en sont les auteurs?

Parmi les 1073 mails que j’ai récupéré —et enfin lu—, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Je peux me tromper mais la quasi-totalité relève de l’échange et du jargon de chercheurs, sans éclairer quelque lanterne idéologique que ce soit. Seuls une poignée (une dizaine?) laisse penser que Jones et quelques autres ont pu avoir des idées peu ragoûtantes vis à vis de scientifiques qui ne partagent pas leur sentiment. Quelle découverte! Il y aurait donc des conflits entre chercheurs en climatologie? Diable. Ce serait le signe que cette discipline n’échappe pas à la règle. Les chercheurs ne sont pas des saints, juste des êtres humains. (Des paléontologues sont capables d’envoyer leurs concurrents en prison, d’ailleurs…). Jones n’a pas été viré, contrairement à ce que d’aucuns veulent faire croire. Jones a choisi de se mettre en retrait, le temps que lumière soit faite sur cette affaire. Je n’ai pas hurlé avec les loups —contrairement à certains confrères réputés— Jones et les autres mis-en-cause ont le droit de s’exprimer, de se défendre —ou alors le déchainement de haine provoqué par certains signerait sans équivoque leur corpus idéologique totalitaire. L’idée de créer une sorte de jury d’honneur à l’Université d’East Anglia est excellente, même s’il se trouvera toujours un couillon pour contester le choix des jurés, et un couillon de journaliste pour relayer ce dernier. Si Jones a effectivement ourdi des complots pour éliminer des concurrents, qu’il soit puni, suivant les mœurs universitaires. Mais avant de lapider un présumé innocent, regardons si nous-mêmes ne méritons pas la pierre.

Mais messieurs les sceptiques, négateurs ou négationnistes, peu importe le vocabulaire, comment pouvez-vous croire que l’opprobre jetée —sans le moindre respect démocratique— sur une poignée de scientifiques pourrait jeter aux orties le travail de milliers de chercheurs, appuyés aussi par des dizaines de milliers de techniciens, laborantins anonymes? Contrairement à ce que les paranos veulent nous faire croire, la quasi-totalité des données scientifiques sur le climat —et codes sources de programmes— sont publics. Et comme le souligne Tilleul, ce qui manque est en vente depuis que le libéralisme —qui transpire tellement dans certains propos— a transformé les entités météorologiques nationales en unités de profit. Il n’y a pas de complot sur le réchauffement climatique. Juste des scientifiques qui font leur travail de manière souvent admirable, et concluent —à la lueur des connaissances du moment, et pour la quasi-totalité d’entre eux— que la planète frise la surchauffe. Il y a aussi des gens que ça dérange. Pour des raisons idéologiques ou commerciales, que sais-je. Contrairement à ce qu’ils voudraient nous faire croire, nous ne sommes plus à l’époque de Galilée. Il ne s’agit pas d’un pape qui combat une idéologie qu’il juge dangereuse, parce qu’un ramassis de religieux lutte pour éviter de perdre le pouvoir. Il s’agit d’une avalanche sans précédent de résultats scientifiques vérifiés, corrélés, recoupés, malgré leurs incertitudes, qui nous conduisent à peser le risque de l’inaction. Certains couillons (escrocs, voyous?) voudraient nous faire croire qu’il faut surtout ne rien faire parce qu’on ne dispose pas d’un relevé météo de bouée au milieu du Pacifique en l’an 934. Je leur pose juste une question: qui vous paie pour venir ici et ailleurs, du lundi au dimanche, de l’aube jusqu’à la nuit, de janvier jusqu’à décembre?

Comme je l’ai souvent écrit, j’adorerai me tromper dans mes analyses. Parce que ce qui me reste de mes années de science, de thèse et j’en passe, c’est le goût du doute, de la copie blanche et du «on jette tout et on recommence». J’adorerai qu’un trublion apporte la preuve irréfutable que le climat se porte bien. Mais jusqu’à preuve du contraire, je suis privé de ce plaisir. Alors messieurs Allègre, Courtillot (qui sont polis), ou Abitbol, miniTAX et j’en passe (qui le sont beaucoup moins), que proposez-vous?

PS: je relève, non sans interrogation, que le sujet proposé, parmi d’autres, au vote des lecteurs de l’Express sur internet à propos du scepticisme climatique, n’a pas fait recette. Je le regrette puisque, conformément au verdict de ces « urnes », je ne pourrai aider les étudiants à enquêter sur cette drôle de galaxie qui me titille. Est-ce un signe que le climategate n’en est pas un, du moins dans l’opinion?

PS2: J’ai constaté que ceux qui me contestaient le droit d’user du terme de «négationniste» parlent de «collabos» pour évoquer ceux qui défendent des idées opposées aux leurs.

341 commentaires

  1. Ecoutez Fetrocho,

    vous me demandez de citer des références supportant l’idée que les conclusions de Mann98 étaient correctes, je vous en donne, puis vous critiquez le fait que je ne donne que des références qui supportent Mann98 ? Il faut savoir ce que vous voulez, hein !

    Concernant les critiques de Mc&Mc ( Energy and Environment 14(6) 751-772) : il fut montré qu’ils arrivent à des résultats différents de Mann98 tout simplement car ils se sont plantés dans l’utilisation de la base de donnée, dont ils n’ont finalement utilisé que 20% (référence Wahl 2007 donnée plus haut). Wahl a d’ailleurs publié un article dans lequel il utilise la procédure préconisée par Mc&Mc et obtient exactement les mêmes résultats (Wahl 2006, plus haut) !

    J’ai aussi trouvé un article de Von Storch (pas grâce à vous en tout cas) : Science 306 (5696): 679–682, qui critique Mann98. Dans ce cas, plusieurs critiques sont apparues sur le modèle climatique qu’il utilise et qui est peu réaliste (Mann et al Journal of Climate 18 (20): 4097–4105) ainsi que la mise en évidence d’erreurs de calcul (Wahl et al, Science 312 (5773): 529).

    L’ampleur de l’optimum climatique médiéval est toujours un sujet de recherche d’actualité. Il n’est en effet pas facile d’obtenir des reconstructions de température datant de périoed aussi lointaines, avec une précision importante (d’où les barres d’erreur importantes de Mann98). Une chose est sûre : il ya eu une remontée spectaculaire des températures au 20ème siècle après au moins 400 ans de refroidissement.

    Au passage : vous critiquez certaines publications scientifiques (sans aucune preuve bien entendu) mais ne vous abstenez pas de citer « energy and environment ». C’est étrange, quand on sait que son rédacteur en chef (Sonja Boehmer-Christiansen) a tout simplement déclaré à propos des articles « sceptiques » parus dans son journal :
    « I’m following my political agenda — a bit, anyway. But isn’t that the right of the editor? »
    http://www.arp.harvard.edu/sci/climate/journalclub/ChronicleEd.pdf
    Moi je dis bravo !

    PS: ce journal n’est pas repris dans le banque de donnée ISI des publications scientifiques peer-reviewed.


  2. Encore le pschiiiit qui a fait long feu.
    Le feu est si long qu’il rattrape GIEC et Pachauri et pourtant il a écrit un roman, il conseille ou dirige plus de 120 organismes ou entreprises. Le monde est ingrat vous dis-je.

    « Une commission scientifique indépendante va être nommée pour examiner les travaux et le fonctionnement du Giec, dont la qualité des études a récemment été mise en cause, annonce l’Onu.

    Le Giec se voit notamment reprocher un rapport publié en 2007, qui comportait une prévision selon laquelle les glaciers himalayens auraient disparu en 2035, au lieu de 2350.

    Cette erreur, ainsi que la diffusion de plusieurs courriels polémiques échangés entre scientifiques du Giec, a relancé le scepticisme sur la thèse de l’origine humaine du réchauffement climatique. »
    (Agences)

  3. «  » » »Le CO2 est un gaz a effet de serre, mais la vapeur d’eau l’est à plus de 95%. Donc le CO2 emis par l’homme est négligeable, d’après une étude récente que je cite au point 1 de ma reponse ci-dessous, il semble que l’effet de serre est saturé, ce qui veut dire que si le CO2 augmente, la vapeur d’eau diminue pour compenser. Théorie qui reste à être réellement mesurée.
    En tout cas ce qui est mesuré par ERBE montre que plus il y a d’energie absorbée par la terre et plus il y a de rayonnement, ce qui veut dire que l’effet de serre tant acclamé par le Giec est inexistant. » » » »

    Qui a écrit ces idioties?

    Le CO2 est un gaz à effet de serre, mais la vapeur d’eau l’est à plus de 95% Où sont les 5% manquants, on est un gaz à effet de serre parce qu’on est triatomique et dans ce cas on l’est à 100%.

    Le reste est à l’avenant; sans doute de la physique robitaillienne. pécho sur le site mapenseeuniquemaconnerie.fr (source préférée de Minitax)

  4. Du nouveau sur le « Climatgate ». Le comité d’Enquête sur la Science et la Technologie du Parlement Britannique, continue ses interrogatoires.
    Il faut aller sur les journaux britanniques pour avoir de l’information. Cela « chauffe » pour Phil Jones actuellement sur « la sellette ».
    Voir par exemple dans le Guardian : http://www.guardian.co.uk/environment/2010/mar/01/phil-jones-climate-science-emails-select-committee-hearing ou http://www.guardian.co.uk/environment/cif-green/2010/mar/01/phil-jones-commons-emails-inquiry
    Dans un mémoire très critique, le positionnement de l’IOP (Institute Of Physics) a fait sensation. Il parle notamment « des implications préoccupantes pour l’intégrité de la recherche scientifique dans ce domaine et pour la crédibilité de la méthode scientifique », »de doutes quant à la fiabilité de certaines reconstructions de températures et de questions quant à la façon dont elles ont été représentées », « de motifs de préoccupations concernant l’intolérance à la contradiction affichés dans des e-mails », « d’entrave au processus d’autocorrection scientifique, ce qui est vital pour l’intégrité de la démarche scientifique dans son ensemble, et pas seulement à la recherche elle-même.  » etc… Voir le document complet sur http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200910/cmselect/cmsctech/memo/climatedata/uc3902.htm
    Devant l’émoi qu’à suscité ce positionnement, l’IOP a sorti un communiqué pour préciser qu’il ne remet pas en cause le fait que la concentration croissante de CO2 dans l’atmosphère contribue au réchauffement climatique.
    Voir http://www.iop.org/News/news_40679.html

    Un autre mémorandum de la Royal Société Chemistry est aussi critique, notamment sur le refus de transmettre les données à la communauté scientifique pour vérification. Voir http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200910/cmselect/cmsctech/memo/climatedata/uc4202.htm
    La fin de l’enquête n’est pas pour demain. J’espère que la science en sortira grandie.

    Avec ce qui se passe aux USA et dans le GIEC, nul doute que rien ne sera plus comme avant. Voir au 2/3 de l’article http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=612&ArticleID=6482&l=en
    « Toutefois, en raison des critiques récentes du GIEC et quelques erreurs principales dans le quatrième rapport d’évaluation de l’organisme, plusieurs gouvernements ont demandé un examen indépendant du GIEC. »


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