Emballages et contenants, gare au greenwashing!

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Deux infos qui tombent simultanément évoquent la question de la réutilisation des emballages. Une douloureuse question quand on lit le dernier rapport de l’Ademe sur le contenu de nos poubelles. Ce dernier ayant abondamment été commenté dans la «grande presse» et à la télévision, Effets de terre passe son tour, non sans souligner qu’il faudrait peut-être taper du poing sur les tables industrielles pour arrêter de jouer avec les emballages.

Si j’évoque cette question des emballages, ou plus exactement des contenants, c’est parce qu’à Bourbonne-les-bains, l’eau sera prochainement embouteillée une bouteille en agroplastique (1). Un matériau tiré de l’amidon de maïs, et doublé de particules d’argile pour le rendre imperméable. Tout est d’origine végétale, même le bouchon (voir Les Echos du 22 juin 2009). Sur le papier, cette initiative est intéressante, mais il ne faut pas rêver. Vu le nombre de milliards de bouteilles que nous utilisons chaque année, une généralisation de ce matériau prélèverait des dizaines de milliers de tonne de matière première dont la vocation est d’abord alimentaire. Et j’apprécierai de pouvoir lire le bilan écologique et carbone final: engrais, tracteur, emissions de protoxyde d’azote des champs, pesticides, transformation, fabrication des particules d’argile, incorporation, etc… Pas sûr que la planète y gagne…

Mais il y a pire. Cette bouteille, donc, sera compostable. Une manière de rendre à la nature ce qu’on lui a emprunté. Et je vous jure que planter ses pieds de tomate avec un compost 100% maison, c’est jouissif! Mais qui composte dans notre beau pays? Aujourd’hui, des ruraux ou semi-ruraux pour l’essentiel. Rares sont les collectivités locales équipées pour le compostage. Alors de grâce, ne vendez pas, mesdames, messieurs, ces bouteilles d’eau dans les grandes villes!

L’autre actualité de ce début de semaine sur les contenants, c’est l’annonce par Nespresso d’un plan destiné à démultiplier la récupération des dosettes de café usagées. C’est un principe qui m’a toujours agacé, le Nespresso. Certes, le café qu’il procure est d’excellente qualité gustative. Certes, l’aluminium employé pour fabriquer les capsules est pour l’essentiel de l’aluminium recyclé. Aujourd’hui, les capsules finissent à la poubelle, et je ne suis pas sûr que les installations des incinérateurs en récupèrent grand chose. L’alu est pourtant un matériau recyclable à l’infini.

Dans ces conditions, proposer des infrastructures de récupération aux clients pourrait sembler une bonne idée. Mais le mauvais esprit que je suis y voit surtout une tentative de greenwashing. Car le Nespresso, ça se vend pas dans l’épicerie ou la supérette du coin. Donc chacun devrait stocker ses capsules usagées et les rapporter au magasin (2), qui sont plutôt une denrée rare. Et pour connaître quelques amateurs de ces cafés, ça consomme dur, ça stockerait donc gros et lourd. Croit-on vraiment que les clients vont se créer une poubelle supplémentaire et prendre le métro, le bus ou le vélo pour aller rapporter tout ça à la boutique? La capsule de café n’est pas une pile!

Bref, tout ça pour dire que les rois du marketing du préemballé déploient des trésors d’imagination pour se donner une image plus verte. Mais l’eau la plus écolo, c’est celle du robinet. Et le café le plus vert, c’est celui qu’on achète en paquet et qu’on utilise à la cuiller!

(1) Avant de parler de bio, comme le PDG de l’industriel qui fabrique ces plastiques, il faudra du temps!

(2) Au passage, quitte à recycler, autant récupérer le marc de café. A défaut de prédire l’avenir, il contient jusque 20% de matière grasse et peut donner un excellent biocarburant.

16 commentaires

  1. « Et j’appréciera de pouvoir lire » -> coquille

  2. Des « dizaines de milliers de tonnes » de grains pour fabriquer nos milliards de bouteilles ????
    Avec son exploitation, mon cousin devrait pouvoir vous dépanner. En mettant de côté 20 hectares de ses champs pour planter du maïs, à raison de 7 tonnes/ha de rendement, ça devrait le faire.
    Nos excédents de bouffe sont sauvés.

    1. miniTax je ne comprends pas le sens de votre remarque… Mais vous allez surement m’expliquer (je sens déjà le commentaire désobligeant). 20 ha à raison de 7 tonnes/ha ça fait bien 140 tonnes ? « ça devrait le faire » ? Rapport aux « dizaines de milliers de tonnes » nécessaires ? Comprends pô…

      J’arrive pas à trouver une info qui me dit combien on fait de bouteilles avec une tonne de maïs. Une idée, un ordre de grandeur ?

  3. Le chiffre des humains souffrant de la faim a dépassé la barre du milliard. Va-t-on continuer longtemps à gaspiller les produits agricoles afin de tout faire, sauf nourrir ceux qui ont faim ?

    MH

    1. C’est vrai qu’il vaut mieux balancer toutes nos surproductions agricoles (maïs américain, poulets congelés européens…) dans les pays pauvres, histoire de bien ruiner tous les producteurs locaux et s’assurer qu’ils soient en situation d’instabilité alimentaire perpétuelle…

  4. Denis, je pense que tu fais erreur concernant les gens qui compostent, ils sont probablement beaucoup plus nombreux que tu ne crois… ou alors c’est moi qui fait erreur.

    Suffit d’avoir un jardin, même petit, un jardin de 100 m2 suffit largement pour mettre un bac qui n’occupera même pas 1 m2. J’habite à en ville, je composte, et nous sommes au moins 5 maisons contigües à faire de même. Nous sommes d’âge très divers, comme quoi…

    Et j’ai la chance d’habiter une commune qui promeut le compostage même dans les habitats collectifs…pour peu qu’il y ait un jardin. Certains immeubles ont des composteurs communs et ça fonctionne très bien ; à tel point que la commune envisage de récupérer à part les déchets organiques (une poubelle de plus donc) pour produire du biogaz et faire du compost qui sera utilisé pour les jardins communaux.

    1. Author

      Bien sûr qu’il suffit de peu. Mais il y a 43% des français qui vivent en logement collectif, dont beaucoup ne voient que du béton ou du goudron! Et même pour les autres, il faut soit un jardin (pour utiliser son compost), soit une collectivité qui récupère le compost. C’est pas gagné!

      1. Je sais bien que l’habitat collectif est important, et heureusement. Je rebondissais surtout « ruraux, semi ruraux ». Et non, beaucoup d’urbains en maison « compostent ».

        A noter que dans certains supermarché, les fruits et légumes bio préemballés le sont dans des barquettes en carton compostable. Y aurait pas les barquette ce serait encore mieux, mais c’est un premier pas.

      2. Ouais enfin à mon avis ça va plutot partir directement dans l’incinérateur… C’est ça que je trouve génial en France :
        – le consommateur paie intégralement le surcout du produit qui servent au suremballage et la publicité
        – ensuite ils paient intégralement le surcout lié à la collecte de plus de déchets
        – et enfin une fois que ces déchets sont collectés c’est encore lui qui va payer pour être alimenté avec de la chaleur et de l’électricité produit à partir de ses propres déchets.

        Bref on lui facture 3 fois son emballage, elle est pas belle la vie ? 😉

        Et après on va nous sortir que la sobriété énergétique ça va ruiner les gens… A mon avis ça va plutot ruiner ceux qui les tondent…

      3. Euh oui enfin désolé de casser le mythe du bioplastique façon la petite maison dans la prairie mais ça m’étonnerait beaucoup que la bouteille dont il est question puisse se mettre sur le tas d’herbe au fond du jardin (question de température de réaction notamment, une bouteille qui se désagrège quand elle est exposé aux rayons du soleil ça serait un peu difficile à utiliser…).

        Nul besoin d’avoir un jardin puisque cette valorisation pourra se faire dans les zones urbaines (et surtout dans les zones urbaines en fait) gràce aux installations industrielles de récupération des déchets organiques (en compostage ou en méthanisation). Ces installations n’ont rien d’exceptionnel puisqu’elles existent dans tous les endroits civilisés de la planète (et même dans les contrées barbares de France, à Lille par exemple).

        Et si on ne vit pas dans une contrée d’arrièré on évite même la case compost ou méthanisation puisqu’il existe la consigne sur la bouteille en plastique et qu’une bouteille en bioplastique peut être plus facilement convertible en bouteille neuve qu’une bouteille en pétroplastique…

  5. Ces bouteilles, peut-on les manger?çà resoudrait le problème!

  6. Ce serait effectivement intéressant de trouver le bilan carbone de la bouteille en agroplastique. Est-ce que la société qui la produit l’a établi ? Celui d’un autre agroplastique, le Vegemat, est assez intéressant (http://www.vegeplast.com/fr/news-presse-150.html).

    Par contre, en ce qui concerne les hectares nécessaires à la production d’agro-plastiques au lieu de nourriture, c’est un peu simpliste ; ce qui a été relevé dans le commentaire sur la désorganisation des marchés agricoles si on envoyait de par le monde nos excédents.
    Ne peut-on quand même se réjouir d’utiliser des ressources renouvelables plutôt que du pétrole à chaque fois qu’on peut sauvegarder quelques gouttes de ce liquide génial pour les générations futures ?

    1. « Ne peut-on quand même se réjouir d’utiliser des ressources renouvelables plutôt que du pétrole à chaque fois qu’on peut sauvegarder quelques gouttes de ce liquide génial pour les générations futures ? »
      Heureusement que nos ancêtres préhistoriques ont eu la clairvoyance de sauvegarder quelques silex pour que nous puissions en profiter…


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