Obama ou l’art de l’ambiguïté environnementale

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

L’élection d’Obama avait soulevé beaucoup d’espoir chez les environnementalistes de la planète. Tous imaginaient une vraie rupture avec les années noires de l’administration de Dobelyou. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que la politique du nouvel hôte de la Maison-Blanche n’est pas claire comme de l’eau de roche.

Certes, il y a de nettes avancées. Obama doit aujourd’hui annoncer la mise en place de normes fédérales de limitation de la consommation d’essence des véhicules. Il sera sans doute flanqué de Schwartzy, qui entend fêter l’alignement de Washington sur les mesures Californiennes qui  étaient âprement combattues par Washington et par les constructeurs automobiles (1). Mais Dobelyou a pris sa retraite et les constructeurs automobiles sont désormais menottés par les perfusions de dollars distribuées par l’état fédéral.

Le patron du ministère de l’énergie, Steven Chu, a aussi fait savoir la semaine dernière qu’il coupait les subventions sur les voitures à hydrogène. Un gaz fabriqué aujourd’hui à partir d’hydrocarbures, et donc au prix d’émission de carbone. Et qui ne présente pas d’intérêt à moins de pouvoir récupérer la chaleur dans des piles à combustible à « cogénération ». Chu n’a jamais caché son scepticisme sur la pile à combustible automobile, vu le faible rendement énergétique de la filière, et il préfère subventionner d’autres pistes jugées plus efficaces.

Au chapitre des bonnes nouvelles, on apprend aussi que Washington et Pékin conduisent depuis plusieurs mois des discussions «secrètes» sur la question des gaz à effet de serre, qui pourraient déboucher sur une position commune des deux géants avant la Conférence de Copenhague de décembre, où les pays doivent discuter d’un protocole onusien sur la lutte contre le réchauffement climatique.

Ces changements d’état d’esprit à Washington ne doivent pas masquer qu’aussi volontaire soit-elle, l’administration Obama doit aussi composer avec les réseaux d’influence et la Real-Politik. Le paquet climat que doivent voter les députés et sénateurs américain a sérieusement été adouci, notamment parce que des élus démocrates ont imposé un coup d’édulcorant. Des élus des régions minières ou industrielles, des élus dont la campagne a parfois été co-financée par des intérêts pétroliers ou miniers. D’ailleurs, les dépenses de communication et de lobbying des industriels du charbon et du pétrole auraient connu un progrès spectaculaire (+50%) depuis le serment d’Obama en janvier dernier. Les entreprises tentent notamment de vider de sa substance le projet de création de quotas d’émission de carbone proposé par la Maison-Blanche.

Le double-jeu de l’administration Obama apparaît clairement sur la question du charbon. Alors que les abandons de centrales électriques à houille se sont multipliés ces dernières semaines, un élu démocrate de Virginie a créé la surprise en laissant entendre, la semaine dernière, que l’Agence de l’environnement donnera son feu vert à 42 des 48 permis d’exploitation de charbon à ciel ouvert qui figuraient à son agenda. Seuls six seraient retoqués, en raison des menaces qu’ils font porter sur l’environnement. L’EPA s’est refusée à tout commentaire… mais n’a pas démenti.

En matière de protection de la faune, des espoirs écologistes se sont envolés dès la fin avril. Certes, le ministre de l’intérieur a annoncé l’annulation d’un règlement de dernière heure décidé par Dobelyou qui exemptait par exemple les exploitants de l’Alaska de limiter l’impact direct de leur activité sur les ours polaires. Mais l’administration Obama se refuse à considérer juridiquement le réchauffement climatique comme une menace pour les ours. Logique dans un pays qui cherche à améliorer son indépendance énergétique: considérer qu’il faut lutter contre le réchauffement au nom de la protection des espèces menacées reviendrait à interdire toute exploitation d’hydrocarbures sur le sol américain… Sarah Palin, gouverneur d’Alaska, qui soutient ardemment le développement de l’exploitation des hydrocarbures dans son état, a évidemment applaudi la décision.

Même déception chez certains écologistes, après la publication début mai de documents de travail de l’EPA sur la question de l’éthanol et des agro-carburants. La culture de maïs et de soja à des fins énergétiques continuera de se développer, au détriment de la production alimentaire, même si l’Agence se propose de durcir les méthodes de calcul de l’impact environnemental de ces cultures énergétiques. Là encore, des critiques fusent: les responsables d’organisations agricoles accusent les lobbies pétroliers de dépenser des fortunes pour pousser Washington à freiner l’essor des agro-carburants…

(1) Selon les informations qui circulent dans la presse américaine, les voitures particulières ne pourraient plus consommer plus de 6 litres d’essence aux 100 km (39 mile per gallon) en 2016.

3 commentaires

  1. (dernier paragraphe) au détriment de la production alimentaire certes, mais surtout au détriment de la forêt !

  2. “(Steven Chu, Secrétaire à l’énergie US) a été mon patron. Il sait tout ce qu’il faut savoir concernant le pic pétrolier, mais il ne peut pas en parler. Si le gouvernement annonçait que le pic pétrolier menace notre économie, Wall Street se cracherait. Il ne peut rien dire à ce sujet.”

    “(Steven Chu, US Secretary of Energy) was my boss. He knows all about peak oil, but he can’t talk about it. If the government announced that peak oil was threatening our economy, Wall Street would crash. He just can’t say anything about it.”

    > David Fridley, scientist at Lawrence Berkeley National Laboratory, quoted in an article by Lionel Badal.

  3. @]DDq, en ce qui concerne le charbon, j’ai indiqué plusieurs fois qu’à mon avis, il était responsable d’environ 500 000 morts prématurées par an dans le monde ( cachez ces morts que je ne saurais voir, comme on pourrait dire chez les antinucléaires). Sans doute aurez-vous prêté attention à l’article de Paul Benkimoun dans Le Monde du 29/10: selon cet article, l’inhalation de fumées de combustibles fossiles serait responsable de 3,3% de la mortalité dans le monde, soit bien avant le paludisme qui n’apparaît même pas dans la liste ( ni le nucléaire d’ailleurs, ce qui est un pur scandale, vous en conviendrez!), et non loin des rapports sexuels à risques ( 4%). Ces 3,3 % représentent de l’ordre de 4 millions de morts prématurées par an, mais l’utilisation du bois dans de mauvaises conditions dans les pays pauvres ( attention donc aux conséquences de la mode du bois dans les pays riches, qui ne ont pas assez soulignées, en particulier par les écologistes qui devraient pourtant s’en préoccuper) en représentent selon l’AIE de 2 à 3 millions. On retrouve cependant les ordres de grandeur que j’ai signalé pour le charbon, et peut-être bien plus.
    Aux Etats-Unis, le charbon ne fait que depuis peu l’objet d’âpres controverses, les évidences commençant à s’accumuler. Mais jusqu’à présent à ma connaissance, les médias n’y ont fait aucune comparaison de ses dangers avec ceux du nucléaire.

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