En France, on n’a (plus) d’uranium, mais on a des barbouzes

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

C’était passé quasi-inaperçu dans le Canard enchaîné il y a une semaine, et c’est sorti au grand jour dans les colonnes virtuelles (1) de Mediapart mardi 31. L’ordinateur d’un responsable de Greenpeace, agitateur nucléaire devant l’éternel, aurait donc été visité par des barbouzes, et la justice soupçonne EDF de ne pas être totalement étrangère à l’affaire…

On croît rêver. Les barbouzes, c’était un truc à la Elf Aquitaine, de l’époque Sirven et consorts, où la France confondait ses intérêts géopolitiques et ceux de son industrie pétrolière. EDF, quand j’étais petit, on m’a expliqué que c’est une entreprise au dessus de tout soupçon, qui œuvre pour le bien national. Mais cette fois, le ronron de ses atomes, s’il refroidit le climat, risque bien de réchauffer les esprits.

Reprenons, d’après ce que j’ai pu  lire de tout cela ce soir. EDF avait mandaté une officine de renseignement pour suivre les activités des antinucléaires en France. Une officine dirigée paraît-il par un ancien des services secrets. Et l’ordinateur de Yannick Jadot, autrefois responsable des campagnes de Greenpeace en France —et aujourd’hui candidat sur la fort sympathique liste Europe Ecologie— a été piraté. Le coupable, qui aurait reconnu les faits, travaillait pour l’officine de barbouzes. Mais son patron, comme EDF, nient lui avoir demandé cette très contestable intrusion. Bien évidemment. Il n’y a plus qu’à espérer que le juge qui s’est emparé de l’affaire —au point de perquisitionner au siège du géant de l’électricité il y a quelques jours— pourra poursuivre son enquête sans qu’on lui oppose le secret-défense.

Il y a tout de même un truc que je ne comprends pas. Quand je paie ma facture EDF, je dois donc verser mon écot pour financer une bande de barbus (2) chargés d’espionner des citoyens? Dites-moi, messieurs les patrons du quasi-monopole, s’il existe une menace sur la sécurité de vos joujoux atomiques, ne serait-ce pas plutôt à l’Etat de s’en préoccuper? En attendant, on pourrait tous se regrouper pour demander le remboursement de ces sommes indues, non? Et comme ça ne doit pas faire des mille et des cents, on pourrait mettre ça au profit d’une petite association qui s’occupe de l’isolation thermique des logements de concitoyens qui rament pour joindre les deux bouts… Mais il ne faut pas rêver. Quand on a la chance de vivre dans un pays dont le président fourgue des centrales nucléaires à un dictateur connu pour avoir financé le terrorisme international, il ne faut plus s’étonner de rien…

(1) Il va falloir trouver un terme pour les colonnes de journaux en ligne, parce que ce n’est plus virtuel du tout.
(2) «Un barbu, c’est un barbu… Trois barbus, c’est des barbouzes!» (Dialogues de Michel Audiard dans Les barbouzes, de Georges Lautner, 1964)

3 commentaires


  1. Merci Mr Delbecq, pour cet article qui « vise juste »!

  2. Il est absolument contraire à l’éthique d’utiliser des barbouzes pour espionner Y.Jadot. Mais est-il il conforme à l’éthique de fouiller dans les tiroirs d’EDF pour y chercher des documents confidentiels? Et est-il conforme à l’éthique de faire circuler sur Internet des données truquées?

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