Charbon de bois, le Guardian allume un contre-feu

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Difficile de se faire un opinion sur le charbon de bois, quand on est lecteur du Guardian. Le 13 mars dernier, le quotidien britannique publiait un article vantant les mérites de la terra preta (1), une pratique agronomique ancestrale qui consiste à enfouir de la poussière de charbon de bois dans les sols agricoles pour améliorer leur fertilité, et au passage séquestrer du carbone. Tout ça parce qu’un britannique a conçu un micro-ondes pour la fabrication de ce biochar comme disent les anglo-saxons.

Cette semaine, une dizaine de jours plus tard, George Monbiot, l’activiste écolo du Guardian signe un papier assassin, allumant James Hansen (Nasa), Lovelock (le papy-créateur de la théorie Gaïa) et quelques autres. Leur crime, croire un peu trop aux vertus du charbon de bois (enfoui) pour lutter contre le réchauffement climatique. Pour Monbiot, la terra preta est aussi peu efficace que les agrocarburants. Le chroniqueur assassine aussi un certain Peter Read qui préconise de couvrir 1,4 milliard d’hectares de terres en jachère pour la biomasse en tous genres, une proposition qui provoquerait une «famine globale instantanée» à moins de doubler les terres cultivées de la planète et de détruire au passage les derniers habitats sauvages.

Monbiot accuse les partisans du développement de la biomasse d’utiliser le terme de « terres dégradées » comme nom de code pour une opération de destruction des espaces naturels. Il pousse sans doute le bouchon un peu loin, même s’il faudrait évidemment réfléchir à deux fois avant de transformer les jachères en cultures industrielles. Bien évidemment, une partie des personnalités incriminées par Monbiot ont réagi dans les colonnes du Guardian. James Hansen se défend d’avoir affirmé que le charbon de bois était une solution miracle (et il a raison), car s’il combat le charbon (fossile) Hansen préconise surtout le recours au nucléaire pour lutter contre le réchauffement.

Il est comme ça  Monbiot. Il nous régale régulièrement de ses chroniques et tout à coup, il pète les plombs pour attirer l’attention. C’est évident que la terra preta ne sauvera pas la planète, mais si on peut s’en servir pour améliorer des terres agricoles dégradées tout en captant du gaz carbonique dans l’atmosphère, c’est toujours ça de pris! (2) Mais Monbiot oublie une chose. C’est qu’on peut fabriquer du «charbon de bois» avec une foule de matières premières, même avec nos étrons!

(1) Terre noire, en portugais.
(2) Au passage, une étude récente résumée ici constate la rapide dégradation des terres arables à partir d’imagerie satellite. Un quart de la planète dépendrait pour se nourrir de terres qui s’abîment rapidement.

2 commentaires

  1. Euh, où est-ce que Hansen préconise « surtout » le nucléaire ?

    « Assumptions yielding the Oil-Gas-Biofuels wedge in Fig. (6b) are as follows: energy efficiency, conservation, carbon pricing, renewable energies, nuclear power and other carbon-free energy sources, and government standards and regulations will lead to decline of oil and gas emissions at 4% per year beginning when 50% of the estimated resource (oil or gas) has been exploited, rather than the 2% per year baseline decline rate [79]. »
    http://pubs.giss.nasa.gov/docs/2008/2008_Hansen_etal.pdf?bcsi_scan_45D69BD852DDF6D4=0&bcsi_scan_filename=2008_Hansen_etal.pdf

    Efficacité énergétique, économie d’énergie, taxation du carbone, énergie renouvelable, nucléaire et autre source d’énergie sans carbone… C’est quand même fondamentalement différent de « surtout le nucléaire »…

    Pire que ça, il n’est pas partisan d’un déploiement massif du nucléaire mais d’une poursuite des recherches sur le nucléaire de 4eme génération au cas ou le trio efficacité énergétique, renouvelables, smartgrid n’est pas capable de répondre à tous les besoins… Il l’a même écrit en toutes lettres !

    « There is no need for a decision to deploy nuclear power on a large scale. What is needed is
    rapid development of the potential, including prototypes, so that options are available. »

    http://www.columbia.edu/~jeh1/mailings/20081229_DearMichelleAndBarack.pdf

    Sur le biochar, ça reste un fusil à un coup…

    Déjà il faut de l’eau et ça c’est pas forcément évident. Ensuite c’est une voie intéressante mais on peut difficilement le faire avec une plantation parce que ça revient à faire de l’agriculture sur brûlis puisque qu’on appauvrit la terre en minéraux… (au passage c’est le même problème pour la biomasse énergétique, si on ne renvoie pas les cendres de la chaufferie bois dans la forêt c’est pas renouvelable…)

    Donc le faire une fois, ok… Le faire de manière durable c’est un peu plus compliqué…

    Le but du biochar c’est plutot d’exploiter les déchets liés à l’entretien de la forêt d’une façon qui nous procure un bénéfice (eg plutot que d’avoir des arbres qui sont perdus par le processus naturel des feux de forêts, autant utiliser cette ressource d’une manière qui nous arrange plus).

    Autant ça peut être une option indirecte pour limiter les rejets massifs de gaz à effet de serre liés à la fabrication et l’utilisation des engrais de synthèses et permettre de lutter contre la désertification en réimplantant des activités rurales, autant compter là dessus comme une « pompe à carbone » me parait difficile…

    1. Author

      Il faut que je retrouve un texte que Hansen m’a envoyé au début de l’année, où il était nettement plus percutant que ces derniers mois sur la question du nucléaire.

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