Sept ans après, l’explosion d’AZF laisse les oreilles bouchées

C’est un drôle de procès qui s’ouvre aujourd’hui à Toulouse. Sept-ans et demi après la catastrophe d’AZF, qui tua trente personnes et dévasta la ville rose, le directeur d’AZF et la maison-mère, Grande Paroisse (filiale de Total) seront sur le banc des accusés. Un procès fleuve, prévu pour plus de trois mois, pour tenter de déterminer les causes de la catastrophe qui a creusé un cratère de dix mètres de profondeur et cinquante de diamètre, et soufflé des vitres à des kilomètres à la ronde.

Que s’est-il passé ce 21 septembre 2001? Pour l’instruction, qui s’appuie sur le rapport du collège d’experts mandatés par la justice, il s’agit d’un accident industriel, provoqué par le mélange accidentel de chlore avec le nitrate d’ammonium. Pour les défenseurs de Total, c’est impossible.

J’avais travaillé à l’époque sur ce dossier, pour appuyer les journalistes du service société de Libé, et j’avais approché pour cela des chimistes, sismologues et spécialistes de détonique, dont l’un d’entre eux, à ma connaissance, a ensuite travaillé pour la justice. Un scientifique de haut vol, que je connaissais pour l’avoir côtoyé quand je fréquentais encore la recherche universitaire.

Dès le 29 septembre 2001, j’avais donc écrit ce qui se passe quand on mélange du chlore et du nitrate d’ammonium, ce qui se trouve dans tout bon manuel de chimie des explosions et qu’avaient confirmé les spécialistes que j’avais interrogé à l’époque: «Le chlore produit du trichlorure d’azote, un composé très sensible aux chocs qui explose à 60°C.» De quoi transformer le nitrate d’ammonium qui, seul est un piètre explosif. D’ailleurs, pendant des décennies, les montagnes du composé étaient fragmentées à la dynamite, et les accidents ont été rares. Ajoutez-y la découverte d’un sac de produit chloré sur le site d’AZF, et vous avez peut-être l’allumette chimique qui a pu provoquer la catastrophe.

A lire la presse ce matin, je suis très frappé de voir combien les journaux campent sur leur position d’alors. A Libé, au Monde, on s’appuie sur ce qui est connu de l’instruction. Le Monde évoque même la reconstitution de la chaîne de réactions réussie en laboratoire pour les besoins de l’enquête. Une présentation des faits à charge, donc pour les entreprises, avec un enjeu de taille pour Total, dont le nom est sur toutes les bouches même si l’entreprise n’est pas directement citée à comparaître.

Au Figaro, on porte un tout autre regard sur l’affaire. On rappelle l’existence d’une supposée piste terroriste. Le Monde le fait aussi, mais avec moins d’insistance. Un manutentionnaire maghrébin soi-disant proche de milieux islamistes a été retrouvé mort dans les débris de la catastrophe. Un profil parfait pour une explosion survenue dix jours après les terribles attentats aux Etats-Unis. Cet islamiste aurait porté plusieurs couches de sous-vêtements, un signe —pour le légiste— qu’il se préparait au martyr. Une piste que la justice aurait refusé de suivre… et que le Figaro rabâche depuis le tout début de l’affaire. Le quotidien laisse entendre aussi que la justice a délibérément refusé de prendre en compte de nombreux témoignages. On sort de la lecture du Fig presque convaincu que le procès est à côté de la plaque, tandis que celle du Monde et de Libé laisse penser qu’il ne manque que Total dans le box des accusés.

On n’a pas fini d’en parler puisque le procès consacrera deux semaines à l’examen de toutes les pistes qui ont été écartées au fil de l’enquête. Enfin pas toutes, car les nombreuses théories du complot qui circulent sur l’internet (tests d’armes électromagnétiques futuristes, essai de production d’énergie solaire dans l’espace, etc.) ne devraient pas franchir les portes du tribunal.

3 commentaires

  1. Ah zut, Denis, mais il faut donner les liens des sites qui parlent de ces complots, j’ai envie de rire moi !

  2. Le pire ce sont les commentaires des internautes sur le papier du Figaro. Morceaux choisis:
    « Ce qui m’a paru bizarre, je me rappelle plus qui exactement, mais des politiques de gauche étaient sur place dans un laps de temps si court, qu’on peut se demander s’ils n’avaient pas été prévenus d’un attentat sur Toulouse. »
    ou encore pire:
    « Faut arrêter de nous prendre pour des pommes! Mon avis: c’est un attentat suite à notre décision d’entrer en guerre contre l’Irak, mais il a dépassé et de loin les espérances. »

  3. D’un côté on nous explique qu’il faudrait 50, 100 voire 250 kg d’explosif pour faire sauter le tas de nitrate (et que donc l’attentat est impossible). De l’autre on affirme qu’une poignée de DCCNA en réagissant avec le nitrate et produisant alors environ 2 ou 3 kg d’explosif (le trichlorure d’azote) pas plus puissant que les autres explosifs, ça a largement suffit à faire sauter le nitrate.
    Question: on nous prend pour des c… ?

    Si on regarde les causes des accidents industriels liés au nitrate d’ammonium il n’y a que 2 causes: soit un incendie prolongé, soit un explosif dans la masse. A toulouse il n’y a pas eu incendie… Si quelqu’un a eu l’idée de mettre une charge de dynamite dans un des tas (reproduisant ainsi la catastrophe d’Oppau qui s’est produit le 21 septembre… 1921), peu de chance que ce soit un accident.

    Voir:
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d'accidents_industriels_impliquant_du_nitrate_d'ammonium

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