Le saumon n’est pas si con

Recherche bateau désespérément. C’est peut-être bien ce qui arrive aux saumon juvéniles des rivières de l’Ouest américain quand ils reviennent au pays pour pondre… Faute de retrouver le bateau de leur enfance, ils échouent à retrouver leur nurserie. La faute aux humains, et pourtant c’était pour la bonne cause.

Depuis trente ans, raconte la Société écologique américaine (ESO), des programmes de sauvegarde ont été mis en place pour aider les jeunes saumons à franchir les obstacles érigés par l’homme. Parce qu’au fil du temps, des barrages ont été construits pour fabriquer du courant électrique… Et les saumons ont quasiment disparu de ces contrées. Mais les humains sont intelligents et de sacrés ingénieurs. Ils ont inventé l’échelle à poisson qui permet aux adultes de franchir les obstacles. Et les jeunes saumons sont sans doute trop cons (1) pour les emprunter et retourner à la mer. Et ils finissent souvent hachés menus dans les turbines hydroélectriques.

Les hommes eux, sont plus malins. Ils ont inventé SOS-Juvéniles. Sur simple coup de fil, le jeune animal est gentiment capturé et confortablement installé dans une barge qui utilise des écluses pour franchir le barrage. «C’est pour votre bien, diffuse en boucle la sono du navire.» Et après quatre cent kilomètres de voyage au frais du contribuable américain, notre juvénile retrouve la liberté de penser… à son voyage vers la mer.

Tout cela serait formidable si les saumons étaient vraiment des abrutis. Car ils ont de la mémoire. A leur retour, ils sonnent donc SOS-juvéniles. Mais comme il n’est pas facile de capturer des adultes, le téléphone à saumons ne répond pas. Pas de barge à l’horizon. Et les animaux ne vont plus se reproduire (2). C’est ce que montrent des chercheurs plus malins que les ingénieurs dans la revue Ecological Applications. Ces poissonniers de l’Université d’Idaho, soutenus par l’ESO, n’ont en revanche pas de solution miracle. Rallonger le voyage en bateau de deux-trois jours à quelques semaines pour coller au plus près à la réalité du voyage? Trop de pertes dans les barges. Réduire la quantité de juvéniles transportés? Trop de pertes au passage des barrages pour ceux qui n’ont pas été secourus. Multiplier les lâchers d’eau? Allez expliquer ça à un producteur d’électricité… Pas facile l’écologie!

NB. Si une bonne âme parmi vous a une idée. Vous pouvez contacter Matthew Keefer directement.

(1) Allusion à un formidable dessin animé de Arthur de Pince sur le pachigratus marmoratus, le «crabe qui pue» que je vous invite à découvrir ci-dessous.
(2) Peut-être parce que le voyage en bateau les empêche d’acquérir des signaux sur leur environnement.

Image en haut de page: Barge de transport de saumons juvéniles © Christopher C. Caudill – University of Idaho. Avec l’aimable autorisation de l’Ecological Society of America

Pour info. Le pachigratus marmoratus.

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