Fragile licorne des mers

Alors que le printemps ne s’est toujours pas décidé à réchauffer nos contrées, ma balade du jour m’a conduit à me rencarder sur ce qui se passe dans les eaux de l’océan Arctique. Là-bas, je l’ai souvent écrit, l’avalanche de records de disparition des glaces de mer en été marque la vitesse à laquelle le climat de la planète évolue. Mais qu’en est-il des espèces qui fréquentent ces eaux glacées? L’ours polaire a fini par devenir une mascotte pour les organisations écologistes, mais est-il le seul a souffrir de la transformation de son habitat? Quel emblème devra se choisir notre Borloo national, l’homme qui affirme avoir vu le réchauffement de ses yeux au Groenland?

En passant sur le site de la chaîne américaine Discovery, je suis tombé sur des travaux passionnants publiés dans un numéro spécial de la revue scientifique Ecological Applications, consacré aux conséquences du réchauffement sur les mammifères arctiques. Dans ce long papier (pas moins de 29 pages), les scientifiques tentent de déterminer quelles sont les espèces de mammifères les plus sensibles au réchauffement. Dans le trio de tête, un animal assez peu connu du grand public figure en bonne place: le narval.

Ce cétacé, tout le monde en a une idée ou presque, puisqu’il est souvent baptisé licorne des mers en raison de sa défense, une dent pouvant atteindre trois mètres de long. Un organe dont l’utilité est mal perçue: contrairement à nos dents, la pulpe affublée de terminaisons nerveuses est à l’extérieur, et l’émail à l’intérieur. Mais cet instrument très sensible ne joue sans doute pas un rôle essentiel pour la survie de l’animal puisque les femelles, non pourvues de l’organe, vivent plus longtemps que les mâles…

Le narval est un animal très sensible au réchauffement. D’abord parce que son territoire est assez restreint, principalement entre le Groenland et le Canada, et le long de la façade orientale et boréal du Groenland, et qu’il est très dépendant de la glace. On sait qu’il se déplace suivant l’évolution de la température des eaux: il fréquentait même les eaux britanniques lors du Petit âge glaciaire! C’est une des raisons qui ont conduit des chercheurs à instrumenter quelques spécimen de l’animal, au moyen de capteurs de température et de salinité, pour les transformer en espions de l’évolution climatique dans l’Arctique. De plus, le narval affiche un régime alimentaire très spécialisé qui le rend dépendant de l’abondance de ses proies, notamment le flétan, très prisé de l’industrie halieutique. Et le cétacé reste librement chassé par les populations Inuit du Canada.

Aujourd’hui, la population de narval s’élèverait à quelques dizaines de milliers d’individus. Entre quarante et quatre-vingt mille, suivant les estimations. Mais des spécialistes estiment que l’animal pourrait bien décliner très rapidement, et disparaître avant même les ours blancs.

Image © Glenn Williams/ National Institute of Standards and Technology

4 commentaires

  1. Est ce qu’on en fait pas un peu trop sur cet alarmisme. Quand même la planète à vecue des périodes de profonds boulversements.

  2. Je ne vois pas la d’alarmisme mais juste de l’information. Par contre le négationnisme est davantage nuisible. Pour ce qui est des profonds boulversements il est évident que la nature survivra au cataclysme qui s’annonce, peut etre pas l’humanité. A nous de choisir. Ce serait dommage que notre espèce qui a tous les moyens de vivre paisiblement trouve le moyen de n’etre pas plus intelligente que les bactéries qui croissent jusqu’à épuiser la ressource pour finalement mourir. Pour réussir il faudra évidemment que les humains, urbains, hyperconsommateurs, insouciants, cupides, égoistes, dominateurs et prédateurs s’élèvent un peu pour réussir.

  3. Question à jean-christophe :

    C’est quoi un « négationniste » pour toi ???

    Quelqu’un qui ne pense pas comme toi ???

  4. merci pour cet article. Succinct et intelligent.

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