De l’eau, de l’air, de l’essence nucléaire

Centrale nucléaire de Gravelines © DDqLos Alamos n’a pas seulement été le creuset de la bombe atomique. On continue à y travailler d’arrache-pied sur les questions énergétiques. Le prestigieux centre de recherches a présenté récemment un concept d’usine de fabrication de carburants synthétiques, à partir d’air et d’eau! Selon le LANL, son concept de papier serait viable économiquement. Je vais essayer de vous expliquez ce que j’en ai compris.

Allergiques au nucléaire, s’abstenir. Les chiens ne font pas des chats, et le labo de Los Alamos s’appuie sur l’atome pour produire l’électricité nécessaire à son projet.

Pour faire un carburant synthétique, le LANL propose de faire réagir du gaz carbonique et de l’hydrogène. Problème, on ne dispose ni de l’un, ni de l’autre. Y’a qu’à extraire le CO2 de l’air, après tout, puisqu’on arrête pas de l’enrichir. Pour cela, les chercheurs proposent modifier les tours de refroidissement de centrales thermiques (nucléaire, vous verrez plus loin pourquoi) pour qu’elles puissent dissoudre le gaz carbonique de l’air dans une solution chimique, avant de l’extraire par un procédé d’électrolyse qui dégage par ailleurs un peu d’hydrogène. C’est coton parce que si le CO2 réchauffe bien la planète, sa teneur dans l’air reste aujourd’hui inférieure à 400 parties pour millions. Autrement dit, il faut traiter 2600 mètres cube d’air pour en extraire —compte-tenu du rendement affirmé par le labo de Los Alamos— un mètre cube de gaz carbonique.

C’est à ce stade que le nucléaire entre en jeu: relativement gourmand en énergie, le procédé ne tient la route que si on dispose d’une source d’électricité peu chère et pauvre en carbone.

Le nucléaire joue un second rôle, tout aussi important, dans ce concept de raffinerie à air: son électricité sert aussi à électrolyser de l’eau, pour en extraire l’hydrogène. Ensuite, des procédés plus traditionnels permettent de produire du méthanol à partir du mélange de gaz carbonique et d’hydrogène, et de raffiner celui-ci en essence si nécessaire.

Chiffres à l’appui, Los Alamos affirme qu’une telle usine serait rentable. Comptez 5 milliards de dollars d’investissement pour produire trois mille mètres cubes d’essence par jour. Les chercheurs en calculent un prix de revient de 1,4 dollar le gallon, soit 25 centimes d’euro le litre, auxquels ils ajoutent une marge de 50% pour récompenser dignement les lourds investissements.

Alors chers experts autoproclamés, Lecture, BMD et autre MiniTax, je vous laisse ces calculs à méditer. Ne serait-il pas plus simple, sans préjuger du moyen de produire l’électricité, de faire des bagnoles électriques plutôt que de préserver à tout prix le réseau de distribution de carburants? De grâce, oublions le nucléaire un instant, raisonnons sur le concept: voiture à essence de synthèse, ou voiture électrique. Moi, vous connaissez ma position. Moins il y a de voitures, et mieux on se porte.

Image. La centrale nucléaire de Gravelines © Denis Delbecq

21 commentaires

  1. >chers experts autoproclamés, Lecture, BMD et autre MiniTax

    Un expert auto-proclamé est quelqu’un qui se proclame expert. J’ai indiqué à plusieurs reprises que ce n’est pas mon cas et vous n’aviez pas besoin de me dénigrer ainsi pour obtenir une réponse. Cela dit, ce qui me gène le plus est quand même d’être mis sur le même plan qu’un « sceptique » du réchauffement comme miniTax, mais j’imagine que c’est de bonne guerre. Il y a de quoi se poser des questions effectivement.

    >Ne serait-il pas plus simple, sans préjuger du moyen de produire l’électricité, de faire des bagnoles électriques plutôt que de préserver à tout prix le réseau de distribution de carburants?

    Plus simple? Difficile à dire. Sur le papier ça en à l’air, mais la voiture électrique impose toute une série d’ajustement économique pas forcément triviale. Il y a d’autres raisons:

    – pour passer à la voiture électrique, ou plus généralement supprimer la dépendance aux fossiles d’une manière économiquement viable, il est dans l’état de la technique inévitable d’avoir recours au nucléaire. Et à cela l’opposition est parfois très forte. Or l’idée que vous amenez permettrait de produire l’essence dans les pays qui acceptent le nucléaire, et les pays qui ne l’acceptent pas pourraient alors profiter des effets positifs en achetant l’essence sans avoir de centrale sur leur sol (c’est un peu hypocrite, mais pas plus que l’achat d’électricité nucléaire française, qui rencontre bien peu d’opposition dans les pays qui prétendent sortir du nucléaire). Ces derniers paieront alors un surcout, mais ce surcout peut éventuellement être très faible si ce mode de production devient massif dans plusieurs autres pays -exactement de la même manière que les autres européens achètent l’électricité nucléaire française sans surcout significatif.

    – de la même manière, ce système permet de limiter les problèmes de prolifération. Ce n’est pas anodin.

    – de plus, cette proposition amène une solution technique à la recapture du CO2 atmosphérique. Si l’effet de serre devait s’emballer un jour, ça pourrait être une piste de solution pour limiter un cataclysme au rang de catastrophe. Ce n’est pas du tout anodin.

    – en revanche, je suis d’accord avec vous que dans un monde idéal la voiture électrique est préférable à la voiture à essence, l’essence fut-elle produite sans dégagement atmosphérique de CO2. En effet, cette dernière voie ne changerait pas grand chose aux polluants locaux liés à la combustion incomplête de l’essence. En terme de santé publique, ça compte. Ou ça devrait.

    >Los Alamos affirme qu’une telle usine serait rentable.

    Rentable signifie pour moi « moins cher que d’autres solutions ». A la première lecture, j’étais sceptique, puisqu’il y a des pertes par rapport à la « simple » solution électrique. Néanmoins, je réalise maintenant que cette solution profite de la chaleur habituellement perdue -très futé. Je pense quand même que cette solution risque de ne pas être rentable en face d’une production de carburant basée sur un mix charbon/nucléaire ou schiste/nucléaire. Comme éventuellement ça peut crasher le concept de Peak Oil, je suis curieux de voir qu’en pense BMD.

    En tout cas, si c’est vraiment rentable ça verra le jour -sans compter qu’il y a une question militaire de dépendance aux pays tiers qui devrait booster les énergies (sic) dans cette direction. Au final, très intéressant donc. Merci DDq pour cette information. 🙂

  2. @DDq, que signifie exactement dans votre esprit le terme d’expert autoproclamé? Que vous doutez de l’expertise réelle des trois lascars que vous avez désignés? Serait-ce donc que votre expertise est supérieure à la nôtre? Et pourquoi Tilleul est-il exempté?
    La fabrication d’essence, et de bien d’autres produits utiles est devenue un jeu d’enfant depuis les travaux de Fischer et Tropsch en 1920. La fabrication d’hydrogène à partir d’eau par électrolyse également. Ce qui est beaucoup plus difficile, c’est de produire de l’hydrogène par craquage thermique de l’eau, car il faut des températures d’environ 900°C ( et donc des réacteurs à très haute température qui ne sont guère qu’à l’état de projets) et des catalyseurs; Le CEA travaille actuellement sur cette question. D’autre part, si l’on sait isoler le CO2 en forte concentration dans un gaz à l’aide d’amines, d’ammoniac ou même par cryogénie, l’isolement du CO2 en très faibles teneurs de l’atmosphère demande sûrement beaucoup d’énergie.
    Les chercheurs de Los Alamos sont très bons. Peut-être ont-ils trouvé un procédé robuste permettant d’utiliser la chaleur perdue des réacteurs actuels. C’est finalement une question de rendement énergétique et de prix de revient. Est-ce mieux que d’utiliser des voitures électriques? En tous cas, comme le souligne Lecture, c’est un moyen d’utiliser la chaleur perdue des centrales nucléaires.
    @Lecture, crasher le Peak oil, çà m’étonnerait au train où vont les choses: ce qu’il est bloody difficile de faire comprendre, c’est que nous avons à faire face à un problème de robinet. Il y a des limites physiques au débit de pétrole extractible d’un gisement, et donc au débit extractible de l’ensemble des gisements de la planète, pétrole conventionnel ET pétrole non conventionnel ( huiles extralourdes et asphaltes du Vénézuela et du Canada). Et arrive un moment, quand la moitié environ des réserves a été extraites, où ce débit diminue inexorablement quels que soient les efforts technologiques et les investissements correspondants. Un exemple typique est celui de la Mer du Nord, dont la production a diminué d’un tiers depuis 2000, et cela n’est pas faute d’investissements ou de technologies sophistiquées. Nous en sommes à un point où les débits non seulement sont très peu au-dessus de la demande, mais aussi n’arrivent plus à croître à un rythme suffisant, faute d’investissements. Et, malgré quelques découvertes de gisements, nous sommes à quelques années du point de non retour où nous aurons consommé la moitié de nos réserves.
    Le débit des pétroles artificiels ( biocarburants, huile de schistes, GTL, CTL, éventuellement le pétrole de Los Alamos) est également fonction des quantités de matière première disponibles , mais aussi des énormes investissements qu’il faut réaliser
    Ces pétroles ne pourront pas arriver à temps sur le marché avec des débits suffisants pour compenser le déclin des pétroles naturels.

  3. >Ces pétroles ne pourront pas arriver à temps sur le marché avec des débits suffisants pour compenser le déclin des pétroles naturels.

    Là-dessus, je veux bien vous croire. Ce qui me chicote, c’est quand vous faites la liste des réserves. Il y a derrière cette liste le postulat, logique de prime abord, que le pétrole est exploité pour son énergie. Je crains qu’à l’avenir il ne puisse être exploité en tant que vecteur d’énergie pour le nucléaire. Dans ce contexte, beaucoup de réserves à priori inexploitable (car demandant plus d’énergie que ce qu’elles fournissent sous forme fossile) risquent de le devenir. En d’autre terme, je pense possible que votre raisonnement sur le peak oil comporte un vice caché, et que les puits fermés aujourd’hui ne redémarrent dans le futur (via des injections de vapeur ou de l’extraction minière plus « classique »).

    L’article ici suggère qu’il serait possible de produire du carburant à partir de CO2 atmosphérique pour un prix similaire au prix du baril actuel. Cela évitera peut-être ce scénario de cauchemar, mais cela évoque aussi la possibilité qu’il n’y ai pas de peak oil tout simplement parce qu’on en diminue l’extraction. Voilà qui serait une illustration inattendue, mais bienvenue, de l’expression « l’age de pierre n’a pas fini faute de pierres ». 😉

  4. Author

    @BMD. Vous n’avez pas vu la boutade? La ficelle était pourtant énorme. En ce qui me concerne, je ne suis pas expert. Je me documente, j’appelle les experts quand j’en ai besoin, mais ne suis pas expert moi-même. C’est même un des travers du métier que je pratique que je fuis autant que je le peux. Rien de pire qu’un journaliste expert. Sauf peut-être un lecteur “expert autoproclamé”?

  5. >Sauf peut-être un lecteur “expert autoproclamé”?

    Tout à fait d’accord. Vous devriez en glisser un mot à celui qui se pense expert parce qu’il a travaillé pas loin d’un éolienne. 😉

  6. @DDq, il faut bien que je m’amuse aussi!
    @Lecture,le peak oil c’est une affaire de débit beaucoup plus que d’énergie, même si on peut un temps augmenter un peu les débits avec plus d’énergie.Mais on peut effectivement le repousser dans le temps en diminuant la demande. Il ne faut pas croire que l’on peut augmenter considérablement les réserves et le débit par le progrès technologique, injection de vapeur ou exploitation minière comme vous dites, et qu’il suffir d’augmenter les prix pour y arriver. Le facteur déterminant, c’est la géologie des gisements, à laquelle nous ne pouvons rien changer.

  7. >Il ne faut pas croire que l’on peut augmenter considérablement les réserves et le débit par le progrès technologique

    Pourquoi?

  8. Probablement parce que l’exploitation d’un forage de quelque matière que ce soit suit la courbe de Hubbert :
    http://en.wikipedia.org/wiki/Hubbert_curve

    A noter que pour pas mal d’experts, nous avons déjà passé le pic pour le pétrole conventionnel, quelques infos intéressantes ici :
    http://www.davidstrahan.com

    Et d’après ceux qui suivent de près les chiffres de production (http://www.energywatchgroup.org entre autres), la production 2007 n’a jamais dépassé celle de 2006, pour le pétrole conventionnel bien sur. Ce qui situerait donc le pic du pétrole conventionnel à 2006.

  9. >l’exploitation d’un forage de quelque matière que ce soit suit la courbe de Hubbert (…) nous avons déjà passé le pic pour le pétrole conventionnel

    Certes, romu. Je n’ai pas de réticence envers la validité de cette courbe production par production, non plus que le pic de pétrole conventionnel puisse avoir été passé récemment ou sinon le sera dans un futur proche. Ce qui me titille est le mot « conventionnel ».

    Il y a quelques années encore, si quelqu’un évoquait les bitumes d’Alberta il avait de bonne chance d’être considéré comme un urluberlu. Aujourd’hui l’évocation d’une production albertaine >5Mb/j (!!!) est rendue au stade « plan d’affaire financé » et sera presque certainement réalisé en quelques années. Très peu pour des raisons de progrès technologiques, beaucoup à cause de l’augmentation des prix. Bien sur, comme tout forage, il atteindra lui aussi, un jour, son pic. Ce que je ne comprend pas, c’est que l’on puisse être aussi certains que d’autres sources ne viendront pas

    D’autant que ce n’est pas la première fois que ça arrive: la même chose s’était passé pour la mer du nord. Irréaliste à une époque car non concurrentiel face aux gisements plus faciles du moyen orient, c’est aujourd’hui rentré dans la norme. Qui penserait aujourd’hui à mettre ce pétrole dans la liste des « non conventionnels »? C’est de l’histoire ancienne, mais un autre exemple où l’augmentation des prix a conduit à une augmentation des ressources, qui ont atteint leur pic, et… vont être remplacées par autre chose de moins rentable à la base.

    Habituellement, l’argument que je vois pour nier cette possibilité est une question de rentabilité énergétique: si ça coute plus en énergie que l’énergie contenus par les barils produits, alors ça ne peut pas marcher. Jancovici le dit explicitement et mieux que moi:

    http://www.manicore.com/documentation/reserve.html

    >quand il faut dépenser plus d’énergie pour l’extraction que le contenu de ce qui est extrait, il n’y a plus de > »réserve d’énergie primaire »

    C’est une idée que je trouve questionnable puisque le contenu en énergie des fossiles est économiquement remplaçable (depuis peu) par de l’énergie nucléaire. Autrement dit le postulat selon lequel le pétrole est exploité pour son énergie ne me semble pas si solide. Je crois plutôt qu’il est exploité en bonne partie parce qu’il est un vecteur efficace et pratique (hors considérations sur la santé publique). Je crains donc que le pic « énergie fossile » ne se révèle au final très différent du pic « pétrole conventionnel ».

  10. @Lecture, les réserves de pétrole sont des quantités dont la borne supérieure est la quantité de pétrole en place dans les gisements multipliée par le taux de récupération. La quantité de pétrole en place dans un gisement est estimée par des méthodes statistiques qui intègrent l’ensemble des données disponibles et qui est réactualisée chaque année en fonction des données nouvelles. Il y a bien sûr une incertitude sur cette quantité, mais elle est maintenant assez faible pour les quelqes centaines de gisements qui contiennent l’essentiel du pétrole exploitable.

    Quant au taux de récupération, il est extrêmement variable d’un gisement à l’autre et dépend plus de la géologie ( pétrole piégé dans des pores ou des fissures non connectés, dimensions des pores ou des fissures ..) et de la minéralogie du gisement ( grès ou calcaire , forces de surface, viscosité du pétrole..) que des technologies disponibles. Les technologies qui se sont révélées les plus efficaces sont dans la plupart des cas le forage horizontal, qui permet en particulier de mieux récupérer les huiles lourdes du Vénézuela et la partie profonde ( non exploitable par carrière, de loin la plus importante) des asphaltes de l’Athabasca. Les techniques dites de récupération assistée, injection de gaz, de vapeur, combustion in situ n’ont eu finalement que peu d’effet, sauf dans le cas de pétrole très visqueux. Mais ces progrès sont derrière nous et intégrés dans les prévisions.L’utilisation du nucléaire ( sous quelle forme d’ailleurs?) ne changera pas grand chose pour des gisements qui sont, faut-il le rappeler, situés en majorité entre 2 et 5 km de profondeur.

    L’augmentation des prix conduit dit-on à une augmentation des ressources en rendant rentable l’exploitation de gisements qui ne le sont pas. C’est une vision d’économiste! Les prix sont depuis longtemps bien au-dessus du coût technique d’exploitation de toutes les gisements des provinces pétrolières existantes, et n’ont d’effet ni sur la géologie des gisements ni sur les techniques d’exploitation.

    Les découvertes de nouveaux gisements sont de plus en plus rares et il s’agit de gisements très souvent bien trop petits qui ne pèsent pas lourd dans la balance. En 8 ans, un seul gisement géant a été découvert ( Kachagan) on peut faire des prévisions de découvertes par des techniques géostatistiques ( courbes d’écrèmage par exemple)
    On a donc maintenant une vision assez précise des possibilités restantes.

    La distinction entre pétrole conventionnel et pétrole non conventionnel est…conventionnelle! Il existe un continuum. Et les prévisions intègrent l’ensemble de ces deux catégories.

    Les réserves restantes sont à mon avis maintenant suffisamment bien connues maintenant pour que l’on puisse examiner la dynamique de leur épuisement au cas par cas ( gisement par gisement) et globalement à l’échelle mondiale, en fonction des prévisions de demande et des incertitudes sur la connaissance des réserves. Nous sommes donc face à un vulgaire problème de robinet qui peut être traité avec un petit programme informatique.

    Une autre question est celle des pétroles artificiels ( comme les paradis) ( GTL, CTL, biomasse, hydrogène) qui à mon avis n’arriveront pas à temps pour compenser le déclin des pétroles naturels, conventionnels ( y compris les liquides du gaz naturel, source importante de pétrole) et non conventionnels si nous continuons à cavaler comme maintenant.

  11. >Les prix sont depuis longtemps bien au-dessus du coût technique d’exploitation de toutes les gisements des provinces pétrolières existantes

    Certainement pas! Il est techniquement possible de retirer la moindre trace de carbone de n’importe quel gisement, ne serait-ce qu’en faisant du terrassement à grandeur. A partir du moment où le taux de récupération est inférieur à 100%, vous pouvez être certain que le cout est un facteur limitant.

    >La distinction entre pétrole conventionnel et pétrole non conventionnel est…conventionnelle! Il existe un continuum. Et les prévisions intègrent l’ensemble de ces deux catégories.

    Prenons un exemple concret plus réaliste que du terrassement à grandeur.
    http://en.wikipedia.org/wiki/Mahogany_Research_Project

    Êtes-vous d’accord que ces « réserves »:
    – sont 4 fois plus importantes que les réserves de l’arabie saoudite?
    – ont un prix d’exploitation rendant leur compétitivité douteuse pour l’instant?
    – ne sont pas incluses dans les prévisions
    – pourraient devenir rentable advenant une hausse des prix?

  12. BMD, je vous sent en train de faire des vérifications, mais je vais être pas gentil en vous en rajoutant une couche avec un autre exemple:
    http://www.manicore.com/documentation/serre/hydrates.html

    Êtes-vous d’accord que ces “réserves”:
    – ont un prix d’exploitation actuellement irréaliste?
    – ne sont pas incluses dans les prévisions?
    – pourraient devenir rentables advenant une hausse des prix?
    – sont suffisantes pour à elles seules shifter le peak oil de quelques dizaines d’années?

  13. @Lecture, je crois que je me suis mal expliqué. Le Peak Oil concerne les pétroles naturels, conventionnels ou pas. Or s’agit ici de schistes bitumineux, et non de gisements de pétrole ou d’asphalte. Ces schistes contiennent de la matière organique qui peut être transformée en  » huile de schistes » par chauffage en l’absence d’oxygène à des températures comprises entre 400 et 800 degrés selon les procédés. Cela tombe dans la catégorie des « pétroles artificiels », avec les hydrocarbures fabriqués à partir de charbon ( CTL), de gaz naturel GTL) ou de biomasse( BTL). Les quantités d’huiles artificielles qui peuvent être fabriquées ainsi ont été estimées par Shell à environ 300 milliards de tonnes, soit effectivement bien plus que les réserves restantes en Arabie Saoudite. A noter que les quantités de CTL qui peuvent être fabriquées à partir des réserves de charbon sont en théorie du même ordre de grandeur, sinon plus. Mais si la décision était prise aujourd’hui d’exploiter au prix indiqué les schistes US ( Green River Shales) une fois démonstration faite ( ce qui n’est pas encore le cas), il s’écoulerait un bon bout de temps avant que des quantités significatives soient produites, étant donné l’énormité des investissements à réaliser. Je ne crois pas que cela puisse compenser le déclin significatif de la production de pétrole  » naturel » après le Peak Oil. Mais cela constituera peut-être un bon appoint dans 20 à 30 ans.

    Des schistes bitumineux ont déjà été exploités en France en Lorraine et en Bourgogne avant la deuxième guerre mondiale. Après le premier choc pétrolier, des recherches ont été effectuées pour réactiver leur utilisation.Ce fut un échec : le coût avait été largement sous-estimé ( en particulier l’énorme inflation provoquée par les chocs pétroliers n’avait pas été anticipée), mais aussi les problèmes environnementaux, et finalement les techniques d’exploitation par combustion in-situ n’ont pas marché.

  14. > je crois que je me suis mal expliqué.

    Ok, non à la relecture vous êtes clair mais c’est moi qui avait pas compris votre phrase sur les pétroles artificiels. Dans le fond mon problème c’est que faisais mienne l’identification folklorique « peak oil »= »fin de l’histoire pour les fossiles ». En réalité ce que vous dites est que le peak oil est un problème de débit, et que les « pétroles artificiels » risquent de ne pas pouvoir être mis en place à temps pour éviter un décalage entre offre et demande d’ici à trente ans.

    Voilà qui relativise un peu l’image folklorique du peak oil en tant que fin de nos civilisation par pénurie énergétique…. et qui laisse donc entier le problème du GW. Espérons que le projet du LANL réussisse… 😉

  15. Juste une remarque, ce qui est intéressant dans le prix du pétrole ce n’est pas forcément le pétrole en soit mais aussi le prix du carburant. Or ce prix n’est pas linéairement relié au prix du baril de brut. Toutes les raffineries utilisent une partie du pétrole pour la pétrochimie. En volume c’est très peu mais en termes économiques les gains financiers pour la raffinerie sont conséquents, on se retrouve avec une situation ou l’industrie chimique gagne par les économies d’échelle lié à la raffinerie et l’industrie du pétrole y gagnent parce que les bénéfices engrangés sont tellement conséquents qu’ils permettent de diminuer le prix des carburants…

    Et ces dernières années il y a quand même aussi pas mal de raisons politiques qui ont limité l’extraction du pétrole entre l’Irak, la rébellion nigériane ou Hugo Chavez qui vire tous les cadres de l’industrie pétrolière du pays… Ca ne m’étonnerais pas qu’il y ait quelques marges de ci de là…

  16. @lecture, OK, mais il y a aussi à prendre en compte les dégâts environnementaux, qui sont énormes dans le cas des schistes bitumineux, mais aussi du charbon. La compensation de ces dégâts peut être faite par les prix ( taxes carbone), ce qui conduit à une diminution de consommation et donc un éloignement de la pénurie ( mais quand même une restriction du débit et donc bien des problèmes), mais je pense qu’il vaut mieux prévenir que courir et donc limiter volontairement le recours aux combustibles fossiles! Cette contrainte sur la demande fera d’ailleurs baisser les prix! Il existe un ouvrage  » trop de pétrole », de Henri Prévôt, qui est très explicite à cet égard. Il traite essentiellement de la contrainte climatique et certains le trouveront bien sûr trop pronucléaire, mais il vaut la peine d’être lu!

    @ Tilleul, il y a effectivement une certaine déconnection entre les prix du pétrole et les prix du carburant, puisque les prix des produits raffinés sont établis sur d’autres marchés que ceux du pétrole brut (en Europe, sur le marché de Rotterdam). Une insuffisance des capacités de raffinage ( cas des Etats-Unis) se traduit par une augmentation supplémentaire de prix. Par contre , il y a une relation assez étroite entre le prix de revient technique des carurants et le prix de marché du pétrole: Un baril de gazole coûte à produire 30% de plus que le prix du baril de pétrole.

    La raison de fond qui joue pour l’instant sur le prix du baril est que, compte-tenu de l’état des installations de production, un seul pays peut maintenant augmenter encore de manière notable sa production, c’ est l’Arabie Saoudite. L’Irak le pourrait assez rapidement s’il n’était pas en guerre. Et les grands pays producteurs ne veulent pas faire d’ investissements pour augmenter leurs capacités de production, car cela ferait diminuer le prix du baril et donc leurs revenus, tout en accélérant la décroissance de leurs réserves, qui est finalement leur meilleur compte en banque.. Vous le feriez, vous? Et il n’est pas sûr qu’il soit pour la plupart d’entre eux possible d’augmenter lbeaucoup leur production quels que soient les investissements réalisés. Les pays producteurs occidentaux NOPEP – USA, Mexique, Angleterre, Norvège..) à l’exception du Canada pour les asphaltes ont déjà tous atteint leur peak oil et leur production diminue. Ils n’ont donc aucune marge d’action.

    La deuxième raison est la spéculation: le pétrole devient comme l’or une valeur refuge contre la dépréciation du dollar, et beaucoup de spéculateurs achètent du pétrole » papier »à terme car ils pensent qu’ils revendront plus cher au terme choisi, alors que beaucoup d’investissements sont par ailleurs devenus douteux. La prochaine bulle spéculative est peut-être là, maintenant que l’immobilier américain s’effondre! çà risque d’être beaucoup plus grave que l’immobilier!

    Sans forte diminution volontaire de la demande dans les grands pays consommateurs, Etats-Unis en tête, j’ai bien peur que nous ne en sortions très très mal, par une grave crise économique par exemple ( qui ferait diminuer la demande!). Europe, Japon, Corée du Sud sont en première ligne!

  17. > il y a aussi à prendre en compte les dégâts environnementaux, qui sont énormes dans le cas des schistes bitumineux, mais aussi du charbon

    Oh bien sur! Localement et globalement. Le problème est économique: gagner de l’argent avec les fossiles repose sur des comportements « individuels » alors que les pertes sont collectives. C’est toujours le problème des externalités.

    La solution est simple et connue des économistes: taxer le contenu carbone des produits à l’échelle européenne ou américaine (c’est-à-dire à une échelle assez grande pour impacter l’économie mondiale).

    A côté de ça, les autres mesures font un peu « éteindre la lumière 1 minute » ou « éteindre les moteurs à l’arrêt »: peanut.

  18. La production d’hydrogène demande des quantités impressionnantes d’énergie. Si l’on ajoute toute l’énergie nécessaire pour extraire le CO2 de l’air ambiant et ensuite pour combiner le carbonne et l’hydrogène pour synthétiser des molécules hydrocarbonnées, la solution n’est pas du tout réaliste à l’échelle d’un parc de véhicules.

    Pour prendre une mesure des quantités d’énergie mises en jeu, en se limitant à un seul pays pour lequel une étude a été faite (Etats-Unis), voici un calcul officiel très intéressant (citation)

     » Selon le rapport 2005 sur l’uranium de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), l’utilisation de l’hydrogène pour remplacer le carburant des véhicules à moteur aux Etats-Unis nécessiterait 136 millions de tonnes d’hydrogène chaque année. La production de cet hydrogène par électrolyse, à raison de 52.000 kWh par tonne d’hydrogène, demanderait 7.100 TWh (téra Watt heure, milliards de kWh) chaque année pour les transports. Cela entraînerait une consommation supplémentaire de 145.000 tonnes d’uranium par an, alors que la consommation mondiale actuelle est de 67.000 tonnes et celle des Etats-Unis de 17.600 tonnes.

    Cela représente neuf fois la production d’électricité nucléaire aux Etats-Unis (787 TWh en 2006 avec une capacité installée de 99 GWe net). La construction de 900 réacteurs de 1.000 MWe serait nécessaire pour satisfaire cette demande d’hydrogène. Avec une autre technologie, non disponible avant 2030, l’AIEA (IAEA) indique 560 réacteurs spécialisés (procédé thermo-chimique à haute température) pour produire l’hydrogène.

    Comme on le voit, sans même parler de l’énergie considérable nécessaire au stockage (compression ou liquéfaction) et à la distribution, cette idée de carburant hydrogène est illusoire, au niveau d’un pays comme au niveau mondial.  »

    Etude au complet ici :
    http://travail-chomage.site.voila.fr/energie/fin_uranium.htm

    Un article consacré à l’épuisement des réserves d’uranium et au peak uranium, mais aussi à la production d’hydrogène par le nucléaire.

    Toutes les énergies fossile (charbon, pétrole, gaz) et l’uranium vont rapidement atteindre leur production maximale avant de voir leur production diminuer. Aucune solution n’est à espérer de l’une ou l’autre de ces variantes énergétiques du passé.

    Abandonner la « civilisation » de l’automobile reste la seule solution viable. Ce qui implique cependant pas mal de remises en cause au niveau de l’urbanisme, de la concentration urbaine, des transports et conduit à « produire localement pour consommer localement », que ce soit au niveau agricole ou industriel.

    Après deux siècles d’exode rural, le moment est venu de l’exode urbain.

  19. @H2, l’hydrogène a aussi l’inconvénient d’avoir une très faible densité volumique d’énergie, 2,5 fois que le gaz naturel, car une molécule ne contient que deux atomes d’hydorgène alors que le gaz naturel en contient 4 et contient également un atome de carbone! Fabriquer de l’hydrogène à partir du gaz naturel pour faire rouler les voitures est non seulement d’un rendement énergétique bien plus faible que l’utiisation directe du gaz dans un moteur thermique, mais diminue considérablement l’autonomie du véhicule par rapport à celle d’un véhicule thermique à gaz. Par contre l’hydogène pourrait être utilisé pour augmenter le rendement de la fabrication d’hydrocarbures de synthèse à partir de charbon, de résidus pétroliers ou de iomasse. A suivre.


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