Vous allez dire que c’est une obsession la voiture. Mais la lecture des dépêches sur la mise en place du fameux bonus-malus automobile m’agace. Tout d’abord, il convient de rendre hommage dignement à Serge Lepelletier. L’ancien ministre de l’environnement avait tenté en 2003 d’inscrire le principe dans la législation. Le barouf provoqué, notamment dans les rangs de l’UMP, avait conduit à enterrer le projet. Et le remplacement de Lepelletier quelque mois plus tard n’est sans doute pas étranger à cette affaire, avait confié Borloo lors de sa mémorable rencontre avec des blogueurs.
Alors ce bonus-malus? Je n’ai rien contre le principe. Taxer les « voitures qui puent » et inciter à l’achat de véhicules moins lourds et moins voraces en pétrole est une idée indispensable. Mais aussi élevé soit-il, le montant de la pénalité infligée aux plus gros véhicules (2600 euros) ne changera pas grand chose à leur prix… (une BMW X5 se vend entre cinquante et quatre-vingt dix mille euros). D’ailleurs les actions des constructeurs ont nettement grimpé mercredi, les zanalystes estiment sans doute que le bonus-malus va pousser les gens à changer de voiture.
De fait, tous les véhicules polluent et émettent des gaz à effet de serre, à l’exception des engins électriques (si on oublie la question —épineuse— des batteries). Donc tous devraient payer pour les dommages commis sur le climat. La France avait eu, depuis les années cinquante, un formidable système de malus: la vignette. Certes, le montant de la récolte était versé au budget de l’Etat, sans affectation particulière à la protection de l’environnement. Mais cette “taxe écologique” qui n’en portait pas le nom était annuelle. Elle reste d’ailleurs valable pour les véhicules de société, et son montant pour les grosses voitures n’est pas si loin du malus, à ceci près qu’elle se paie tous les ans… Sur dix ans, pour les particuliers, ça fait en gros vingt mille euros d’économisé par rapport à la vignette. Qui aura le courage de la réintroduire?
Alors pour terminer, je propose qu’on remette le prix Tuvalu à Laurent Fabius, pour l’ensemble de son œuvre. C’est lui, si je ne m’abuse, qui avait supprimé la vignette pour aider Jospin à franchir le cap de la présidentielle de 2002. On a vu le résultat.
• Les autres coups de gueule.
« à l’exception des engins électriques (si on oublie la question -épineuse- des batteries) »
Il n’y a pas que la question des batteries. Je m’étonne de continuer à trouver sur des sites écologiques l’affirmation (ici implicite) que l’usage des véhicules électriques aboutirait à réduire la pollution et les émissions de gaz à effet de serre ; il s’agit de la même omission qui permet à des publicitaires de présenter le chauffage électrique comme « propre » : c’est oublier toute la pollution et les émissions de gaz à effet de serre dues aux centrales électriques thermiques et la part considérable de gâchis de calories et de ressources que représente le recours à l’électricité pour de tels usages (rendement au mieux de 60%, donc 40% de perte). J’ajoute que le nucléaire lui non plus n’est pas exempt de pollutions diverses et d’émissions de gaz à effet de serre si l’on prend en compte l’ensemble de la filière (extraction du minerai, souvent dévoreuse d’énergie et très polluante, traitement, transport). Enfin, l’angle climatique ne suffit pas à mesurer l’urgence de réduire de façon drastique notre recours aux énergies non-renouvelables : des pénuries de ressouces fossiles (et d’uranium) se profilent dans un avenir beaucoup plus proche que les déclarations officielles ne le laissent entrevoir si nous continuons sur notre lancée et même si nous ne faisons que réduire trop modérément nos taux de croissance de consommation, l’Europe étant d’autant plus menacée dans ce cas qu’elle a un taux record de dépendance énergétique.
Merci de donner plus de relief à ces questions, sources de surcroit de fortes tensions internationales et de risques majeurs pour la paix.
Qu’on le veuille ou non, 85% de l’électricité française est nucléaire, et donc les voitures électriques qui roulent chez nous émettent finalement peu de gaz à effet de serre. Mais de mon côté, je suis un ardent défenseur de l’efficacité énergétique et du négawatt, n’en déplaise à certains lecteurs (et je trouve comme vous que le chauffage électrique est une absurdité). A charge pour la collectivité de tout faire pour éviter le recours à la voiture, quand c’est possible. A Paris, il est absurde de posséder une voiture. Mais quand on vit en zone rurale, mieut vaut un véhicule qui émet peu qu’un gros char à quatre roues motrices.
Quand à la pénurie que vous évoquez, elle concerne l’énergie à bas prix. Des réserves, croyez-moi, il y en a bien au-delà que le nécessaire pour transformer la planète en four. Plus le pétrole est cher, plus les réserves augmentent… Demandez au Canada, qui dispose d’immenses gisements d’huile de sables souterrains.
C’est vrai que le montant du malus est notoirement insuffisant.
Néanmoins, je trouve très positif qu’on introduise l’évolution progressive des seuils (tous les 2 ans les différents seuils de CO2 seront endurcis de 5g). J’aurais évidemment trouvé encore mieux que le montant du malus suive le même chemin. On a un peu l’impression que Borloo marche sur des oeufs dans plein de domaines et Sarko a montré depuis qu’il n’avait rien compris aux problèmex.
Concernant l’électricité en chauffage, oui c’est pas bien. Oui les negawatts sont mieux, mais, des fois, on ne peut faire autrement (faire une excellente isolation coûte cher, ça prend énormément de temps…).
L’autre chose en prendre en compte est que l’électricité est une énergie abstraite, donc peu probable qu’on en manque, contrairement aux hydrocarbures (pics, problème géopolitiques…).
My 2 cents.
de Karva:
je suis tout a fait d’accord avec les interventions.
Puis-je ennuyer sur les problemes de rendements poses par Sylvie?
-Pour faire de l’electricite avec une « source chaude » (carburant nucleaire ou autre), il apparait un redement, qui depend beaucoup de la temperature ou monte la source chaude. Dans le cas du nucleaire on est pour l’instant limite aux alentours de 300C et les rendements sont inferieurs a 40% (37% pour l’EPR). Par contre, on arrive vers 50% avec le charbon et 60% pour le gaz. Ca c’est toujours dans de tres grosses unites: les petites unites peuvent avoir des rendements lamentables.
-Mais le rendement des bagnoles est bien plus mauvais. Dans des conditions optimales, les diesels arrivent a depasser 30%, mais en pratique, c’est moins de 20%. Les moteurs electriques ont de bien meilleurs rendements, et de plus on peut les utiliser dans les freinages et descentes pour recharger la batterie. Il me semble donc raisonnable d’estimer que le rendement global de la centrale electrique aux roues sera autour de 65-70% (deux tiers?). Donc pas si idiot: il faut multiplier les rendements: donc si on utilise le gaz naturel, on aura un rendement global de 0.6*0.67=40%. Pas si mal. Mais pour le CO2, ca sera mieux de ne pas utiliser le gaz. J’ajoute que le gaz naturel n’a pas d’interet vis a vis du diesel pour les voitures ou les bus du point de vue du CO2, mais le gaz est moins cher que le petrole. Je pense que la voiture electrique doit etre et sera developpee a l’avenir
-Le chauffage est un probleme complexe car une bonne discussion doit evoquer le probleme de l’entropie. Contrarement a ce que vous croyez, c’est du gaspillage d’utiliser du gaz ou du fuel dont la temperature de flamme est superieure a 1000C pour chauffer betement de l’eau a 70-80C, comme chez moi. C’est un probleme d' »energie libre »: la meme energie contenue dans un fluide a 90C et dans un fluide a 900C est bien moins interessante. En effet, si je veux transformer cette enrgie en electricite ou toute autre forme « mecanique », le rendement de transformation sera superieur a 50% dans le premier cas et de l’ordre de 10% dans le second. Cela veut dire que les diverses formes de l’energie NE SONT PAS EQUIVALENTES. On appelle cela le « second principe de la thermodynamique ». En particulier, la forme electricite est la plus elaboree, celle que toutes les societes qui se modernisent developpent le plus. Je reviens au chauffage: ce qui pose probleme c’est que cette energie de grande valeur soit simplement dissipee dans des radiateurs
a resistances. On peut l’utiliser beaucoup mieux dans les pompes a chaleur. Par exemple, si on a un systeme de chauffage par eau qui est efficace, on peut se contenter de chauffer l’eau a 50-60C, et la pompe a chaleur, surtout si elle a comme « source froide: de l’eau (cad une nappe phreatique) pas trop froide, arrive a creer quatre fois plusde chaleur qu’avec une bete resistance. Dans ce cas on a optimise les qualites de l’electricite. cela peut etre fait au prix d’un investissement raisonnable, mais evidemment consequent a l’echelle du pays, surtout combine aux necessaires isolations. Ca se developpe apparamment beaucoup dans les grosses instatllations, surtout que ca permet de tres efficaces climatisations en ete (ca explique aussi les problemes de legionnelloses, car l’eau est souvent seulement tiede…).
Voila, desole de pontifier…
amicalement
« le rendement de transformation sera superieur a 50% dans le premier cas et de l’ordre de 10% dans le second: »
desole, c’est l’inverse!
re Karva
Oui c’est comme penser que le TGV ne pollue pas après des années de chantier gigantesque à déplacer de la terre avec des engins qui boivent du petrole comme des chameaux sans parler des conséquences sur la bioidiversité et la destruction des habitants et des patrimoines fauniques ! Qui est capable de faire un bilan honnete ?
Et pourquoi tant d’agitation ! Travailler plus pour poluer plus c’est évident alors le Grenelle quel tromperie !
« Plus le pétrole est cher, plus les réserves augmentent » : eh bien plus vraiment, et l’exemple du Canada vient à point pour l’illustrer. Les « tar sands » de l’Alberta nécessitent une telle débauche d’énergie pour être exploités et entraînent de tels dégâts environnementaux, ceci essentiellement pour les « besoins » des Etats Unis, que les canadiens commencent à réviser sérieusement leurs prévisions d’exploitation.
La plupart des nouveaux gisements ont des capacités très inférieures à celles des découvertes du XXème siècle et sont très coûteux et très difficiles à exploiter. Nombre de pays producteurs tendent à réduire la part de leur production qu’ils comptent exporter à cause de la croissance de leurs besoins propres liée à l’augmentation de leur population et à leur développement. Des gisements de plus en plus nombreux sont en déclin, et ce de façon d’autant plus rapide qu’on a « poussé » leur production. Les économies qui décollent (Chine, Inde …) absorbent une part de plus en plus élevée de la production mondiale et il y a de plus en plus de tension entre la demande et les capacités de production. Le tableau est le même pour le gaz naturel, avec des déclins plus rapides encore que pour le pétrole.
Petit à petit cette réalité émerge alors qu’elle était niée jusqu’à ces derniers mois. La production mondiale de pétrole plafonne depuis fin 2005 et l’OPEP, qui n’a pratiquement plus de marge, refuse d’envisager une augmentation pour les mois qui viennent. Même l’AIE, aux prévisions optimistes constamment démenties, même l’AIE, donc, en est venue à lancer une alerte dans son dernier WEO 2007 (le 7 novembre dernier) et ses nouvelles prévisions, pourtant sérieusement revues à la baisse, ont aussitôt été contestées par des personnalités aussi farfelues que Christophe de Margerie (président de Total) et d’autres présidents de « majors » disant qu’elles étaient hors de portée.
Une courbe de consommation qui monte, qui monte et une courbe de production qui reste en plateau (avant probablement de commencer à descendre d’ici peu d’années), cela ne peut avoir qu’un aboutissement : pénuries et grave crise, s’il n’y a pas d’effort drastique et rapide de réduction des consommations.
Jusqu’ici les analyses de l’ASPO et d’EWG sur les problèmes d’énergie se sont montrées autrement fiables que celles de l’AIE et il me semble essentiel de les prendre en compte pour accélérer la prise de conscience qu’il est vital et urgent de s’engager dans une véritable transition énergétique.
***** Sylvie Barbier
Les “tar sands” de l’Alberta nécessitent une telle débauche d’énergie pour être exploités et entraînent de tels dégâts environnementaux, ceci essentiellement pour les “besoins” des Etats Unis
***** /SB
Tout à fait. Beaucoup de méthane pour chauffer l’eau pour extraire le pétrole, et ça entraine une pollution globale et locale considérable. Cerise sur le sunday les vents vont d’ouest en est.
***** Sylvie Barbier
ceci essentiellement pour les “besoins” des Etats Unis
***** /SB
Tout à fait. Au point que le Canada est maintenant le premier fournisseur de pétrole des US.
****** Sylvie Barbier
les canadiens commencent à réviser sérieusement leurs prévisions d’exploitation.
****** /SB
Certes… mais certainement pas dans le sens d’une baisse!
Les projets de « développement » sont légions (objectif de 5Mb/j dans 5 ans si mes souvenirs sont exacts) et font concensus auprès des populations locales comme des politiques albertains, qui voient très bien le lien entre les sables et le boom économique dont ils bénéficient. C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle S Harper (le premier ministre au fédéral, dont la base électorale et la culture est dans l’ouest) refuse de signer Kyoto, au contraire de ses prédécesseurs d’origine québecoise. Bref, compter sur les albertains pour stopper cette exploitation, malheureusement c’est rêver en couleur!
Je n’ai pas dit que l’exploitation des sables du Canada ou du Vénézuela se ferait sans dégâts. Simplement, les réserves y sont considérables mais au prix d’un coût d’extraction très élevé. C’est pour cette raison que ces gisements ne seront vraiment « ouverts » que lorsque le baril sera assez cher. Quand à leur méthode d’exploitation, c’est probablement le nucléaire qui viendra à la rescousse, pour produire la vapeur nécessaire à la récupération des huiles dans les sables. De petites unité dédiées, qui sont en développement, notamment aux Etats-Unis. Cela peut paraître absurde, mais c’est bien ce qui se passera probablement, du moins c’est ce que me disait récemment un géologue français du CNRS, spécialiste, entre autres, du pétrole.
bien d’accord avec sylvie barbier.
si je peux apporter ma pierre (mon caillou), la question avec les tar sands – et toutes les autres sources de pétrole non-conventionnel, d’ailleurs, comme le Coal to Liquids, les huiles du Venezuela, l’offshore prochain, etc…) est aussi de savoir à quel débit maximal non négligeable on va parvenir à les extraire , et si on va parvenir à augmenter ce débit (« upscaler ») suffisamment rapidement pour pallier – en partie- à la stagnation du pétrole conventionnel puis, encore plus dur, à sa déplétion.
Sur les tar sands, toujours, il y a des projets, certes, mais si j’en crois ce que je lis dans la presse et des blogs, l’opposition monte alors que l’exploitation faisait presque consensus jusqu’à l’an dernier.
Par ailleurs le recours à des centrales nucléaires n’est pas plus assuré de pérennité que pour d’autres énergies car pour l’uranium aussi les perspectives de difficultésd’approvisionnement se rapprochent, la plupart des sites miniers du Canada (ex gros producteur) sont en fin de vie et les nouveaux présentent de grosses difficultés d’exploitation (exemple Cigar Lake) et ne compensent pas globalement la baisse des anciens. Les autres gros producteurs mondiaux (essentiellement Australie et Kazhakstan) rencontrent eux aussi des difficultés techniques et n’apportent pas un surcroît sensible de réserves, en tout cas dans l’état actuel des découvertes.
La situation est déjà tendue (avec envolée des prix) et le serait encore plus si les projets de nouvelles centrales nucléaires aboutissaient, au Canada comme dans le reste du monde.
***** SB
Sur les tar sands, toujours, il y a des projets, certes, mais si j’en crois ce que je lis dans la presse et des blogs, l’opposition monte alors que l’exploitation faisait presque consensus jusqu’à l’an dernier.
***** /SB
Je suggère de diversifier vos sources de renseignement 😉
***** SB
pour l’uranium aussi les perspectives de difficultésd’approvisionnement se rapprochent
***** /SB
On en a parlé il n’y a pas longtemps. Les difficultés se rapprochent effectivement, et on va bien finir par atteindre le « peak uranium »… disons dans quelques milliers d’années.