Image. Le moustique Tigre. Image sous licence GNU/Wikipedia

Un tigre, un virus, une mutation, la recette du «Chik»

Vous vous rappelez le «chik»? Cette spectaculaire épidémie qui, de fin 2004 à 2006, a frappé au moins 266 000 personnes sur l’île de la Réunion. Provoquant au passage une forte baisse des séjours touristiques sur l’île et surtout d’insoutenables douleurs articulaires pour les victimes, et plusieurs dizaine de décès. Et bien on en sait plus, grâce aux détectives de l’Institut Pasteur (1) qui publient leur enquête dans la revue scientifique gratuite et de haut niveau PLoS One.

Le tigre, c’est Aedes albopictus, un satané moustique baptisé «Tigre» parce qu’il porte des rayures. Le virus, c’est le chikungunya, et la mutation c’est ce satané virus qui a trouvé le moyen de franchir plus facilement la barrière intestinale dans le moustique, selon les travaux conduits à Pasteur. Les chercheurs ont isolé deux populations différentes de virus, qu’ils ont inoculé à des albopictus avant de découvrir que l’insecte qui hérite du virus muté transmet deux fois plus l’autre. Grâce à une meilleure capacité à passer à travers le tube digestif du moustique. Celui-ci acquiert son passager clandestin lors de ses repas de sang. C’est d’ailleurs en les nourrissant —ne me demandez pas comment— que les chercheurs ont inoculé le virus.

Au passage, les chercheurs ont découvert que le virus —muté ou pas— atteint les glandes salivaires de son hôte en seulement deux jours, beaucoup plus rapidement que d’autres tandems moustique/virus. Ce qui explique aussi l’extraordinaire vitesse de propagation de l’épidémie et démontre qu’il faut agir très vite dès que les premiers signes d’infestation apparaissent.

Pour finir, les investigateurs se sont penchés sur les moustique Tigre qu’on trouve désormais dans les Alpes-Maritimes, le Var et la Corse. Et sans que la panique soit à l’ordre du jour, leur verdict montre qu’il faudra ouvrir l’œil: l’aedes albopictus qui a l’accent du midi est bien un vecteur potentiel du «chik». Fort heureusement, cette aptitude ne fait pas tout, et la densité de moustiques est un paramètre important. Notre tigre volant a donc été placé sous haute surveillance en France par l’EID (2), qui surveille les sales bestioles autour de la Méditerranée. Car il ne rôde pas si loin. Le «chik» a été observé, pour la première fois en Europe, dans une région italienne, l’été dernier. La brusque augmentation de densité de l’insecte n’avait pas été détectée. Cent-vingt-cinq cas ont été confirmés, sans aucun décès à ce jour, et l’épidémie contenue à quelques villages d’Emilie-Romagne.

Image. Le moustique Tigre. Image sous licence GNU/Wikipedia

(1) Cinq des huit chercheurs travaillent à Pasteur. Sont également co-auteurs, des collaborateurs de l’Institut de recherche pour le développement, de la DRASS-Réunion et du Centre national de référence des arbovirus et virus des fièvres hémorragiques.

(2) Entente interdépartementale en Méditerranée. Organisme chargé de la surveillance et de la démoustication dans le sud de la France.

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