La révolution «verte» a trouvé son guide

J’ai fini par voir le tonitruant discours de Sarkozy cet après-midi. Le guide de la révolution écologique française était fidèle à lui-même, n’oubliant pas d’épingler au passage son prédécesseur, Jacques Chirac, sans le citer, bien sûr, soulignant à mots à peine voilés le double discours tenu par la France, qui criait à l’urgence écologique devant les huiles de l’Onu, et ne faisait rien sans ses frontières pour mettre en accord discours et action.

Sarkozy a raison. Et les grands principes annoncés de la future politique écologique française prouvent qu’il s’est vraiment passé quelque chose à la tête de l’Etat. Dans beaucoup de domaines, les propositions accouchées par les marathoniens du Grenelle et validées à l’Elysée vont au delà de ce qu’on pouvait imaginer cet été, après les débuts plus que laborieux des discussions sous l’égide de Jean-Louis Borloo et de son alter-ego Nathalie Kosciusko-Morizet. Pour fêter ça, j’ai modestement repeint les caractères de ce billet…

Jamais programme n’aura été aussi ambitieux. Que ce soit dans l’habitat, les transports, l’agriculture, le pays serait profondément transformé et pourrait prétendre au leadership mondial sur la protection de l’environnement. Notamment par la révision de la législation sur la responsabilité des pollueurs, et le transfert de taxation du travail vers le carbone.

Mais permettez-moi de rester dubitatif. Sur beaucoup de points, les annonces sont d’un flou gaussien. Sur la question des pesticides, par exemple. On ne dit pas qu’on va diminuer l’usage des pesticides de moitié en dix ans, on explique qu’on va regarder dans quelle mesure c’est possible. Rien n’est dit, en revanche, sur la nécessité de revoir la politique agricole commune de l’UE, alors que sa réforme a été reportée à 2013. Sur l’automobile, la mesure la plus symbolique, une baisse de la vitesse sur le réseau routier et autoroutier, a été jetée aux orties, devant la fronde des députés UMP. Une occasion ratée de provoquer une désintoxication du pétrole, d’atténuer la hausse du prix de l’essence par une consommation réduite, et au passage de réduire l’hécatombe en vies humaines.

Dans beaucoup de domaines, la route sera longue de la parole aux actes, l’enfer est pavé de bonnes intentions. un exemple: la fin de la priorité donnée au routier, l’«arrêt» de la construction des autoroutes et autres rocades: elles pourront tout de même être construites si certains impératifs l’exigent. Des impératifs locaux, il y en a toujours, et on verra alors comment se comportent les députés et les élus locaux. De même, en dépit des constats scientifiques implacables sur la surexploitation des océans, on verra comme se comportera la France à Bruxelles dans les mois qui viennent, sur la douloureuse question des quotas de pêche. Ce ne sont que deux exemples parmi les innombrables sujets qui provoqueront de belles batailles de lobbying devant le parlement, ou à Bruxelles. Reste aussi en suspens la question des financements. Car il en faudra des milliards pour réussir ne serait-ce la moitié de ce qui a été annoncé.

Finalement, Sarkozy aura réussi son pari. Donner l’illusion qu’il va provoquer un électrochoc écologique dans le pays, sans déroger à deux dogmes de l’économie française de ces trente dernières années: la croissance et le nucléaire. Les rapport Syrota (énergie) et Attali (croissance) en sont la démonstration éclatante. Doux rêveur, que ce président, qui imagine que la planète sera capable de supporter indéfiniment une hausse du PIB et les prélèvements sur les ressources naturelles.

6 commentaires

  1. Il y a encore plein de flous. Energies renouvealbles et agriculture -donc biodiverssité- notamment. Beaucoup de choses dépendront de l’Europe et sont aussi déléguées aux collectivités locales. Mais il y a des annonces très fortes permettant dans le concret d’équilibrer les lobbies. Ca me semble très très important pour l’avenir. En inversant la charge de la preuve, en installant le dernier recours, sarkozy offre un cadre d’expression et d’action aux associations de la société civile. Ce qui pourrait leur permettre de former un véritable contre-lobby. sarkozy affaiblissant les lobbies traditionnels, notamment industriels (beaucoup moins pour l’agriculture), on ne l’attendait pas là !

  2. Moi aussi, je suis un peu moins noir que toi, j’ai envie d’y croire. Il y a quand même des annonces très importantes : 1 euro dans l’atome = 1 euro dans le propre, 1500 km de tramways dans le pays, plus de camions qui traversent le pays, 100000 emplois pour construire du « basse énergie » en 2012 et du « énergie positive » en 2020…

    La porte n’est pas complètement fermée à la taxe carbone non plus.

    Et chose TRES importante, à mes yeux au moins, le projet de lancer une réflexion européenne sur le protectionnisme vert, à savoir taxer les imports de pays ne respectant pas Kyoto aujourd’hui et les traités suivants demain.

    Denis, un peu d’optimisme, que diable !!

  3. Colorer le texte en vert est un beau symbole de la désillusion de tous ceux qui pensent que l’avenir de notre planète et de l’humanité qui l’habite sont fortement compromis. Peut-être même irrémédiablement.
    Le « Grenelle » ne fait que commencer. Attention à la gueule de bois !

  4. Impressionné par ce qui se passe sous ce gouvernement. Quand je compare à ce qui (ne) s’est (pas) passé la dernière fois que des écolos ont été dans un gouvernement (avec mon vote!), je dois dire que je suis troublé. On va quand même attendre de voir si ça se transforme en fait…

    @romu

    Personnellement « 1 euro dans l’atome = 1 euro dans le propre » me laisse assez perplexe.

    D’une part, au contraire de ce que vous appelez « énergies propres », le nucléaire n’a pas viscéralement besoin de nouvelles recherches. Au prix actuel des fossiles, c’est déjà la ressource développable la plus économique, et les pénuries potentiels d’uranium sont repoussées à l’extrême lointain si on considère les ressources de l’eau de mer (il y a déjà des brevets et la hausse du cout d’exploitation ne mettrais la livre qu’à environ 200 $, ce qui hausserait significativement le prix de l’électricité mais pas de façon rédhibitoire). Mais si ce secteur en est là, c’est bien parce qu’il a longtemps été nourri des crédits militaires. Il est donc pas très fair pour les renouvelables d’y investir les montants de recherche actuel du nucléaire sans tenir compte des investissements passés.

    D’autre part, il me semble difficile d’évaluer la somme des investissements pour une technologie. Par exemple il est bien évident que le solaire électrique pourrait grandement bénéficier des plastiques semi-conducteurs, peut-être même au point de devenir rentable un jour. Faut-il donc compter les investissements dans les semi-conducteurs comme des investissements dans le solaire? Si oui, ça dépasse déjà le nucléaire. Si non, les financeurs risquent de ne pas investir dans ces voies faute que ce soit une priorité identifiable. Le même problème se pose pour chaque source: par exemple tout progrès dans le béton ou dans les turbines est bons à prendre pour le nucléaire. Faut-il compter l’investissement dans ces domaines comme des investissements dans le nucléaire? Très franchement comment vous feriez le compte vous-même?

    Finalement, toujours dans le problème de l’évaluation du montant des recherches allouées à chaque secteur, comment faire la part des recherches appliquées? Par exemple si on considère, à l’instar des économistes, que la prospection est une forme de recherche, alors les fossiles disposent de montants colossalement plus grand que n’importe quelle autre forme. Faut-il en tenir compte, et modifier les montants publiques en fonction de ce que fait le privé?

  5. Un institut américain d’études sur l’énergie montre qu’il est possible de réduire les émissions de CO2 en France et de supprimer le nucléaire dans le même temps.

    C’est ici : http://www.ieer.org/reports/energy/france – présentation ( press release ) en français, résumé ( summary of the report ) en français, rapport complet ( Low-Carbon Diet without Nukes in France ) en anglais

    Le principal problème est celui des ressources disproportionnée attribuées à l’énergie nucléaire, au détriment des autres énergies. Des études officielles, sur l’utilisation du plutonium (MOX) comme combustible dans 20 réacteurs français, indiquent que ce secteur de l’énergie nucléaire est subventionné par environ un milliard d’euros chaque année.

    En fait, tout le nucléaire a été énormément subventionné depuis plus de 50 ans.

    Au sujet de l’électricité, une autre étude montre que le prix de l’électricité nucléaire devrait bientôt doubler, histoire de quelques années.
    A voir ici : http://futura24.site.voila.fr/nucle/prix_cout.htm

    C’est assez compréhensible. L’uranium n’est pas produit en quantité suffisante, les stocks militaires reconvertis vont prendre fin, la pénurie ne peut pas être évitée dans 7 à 8 ans, la production va diminuer après 2025.

    Dans ce cas, alors que l’uranium comptait pour 5% du coût de production de l’électricité nucléaire avec l’uranium à 10 dollars la livre, cela devient 34% avec un prix de 100 dollars et le coût du kWh nucléaire augmente de 45%. Une fois l’uranium à 200 dollars la livre, prévu pour 2010 ou 2012, le coût de production du kiliwatt-heure nucléaire aura doublé.

    C’est bientôt tout ça.

  6. Bonjour,

    C’est toujours agréable de parler à quelqu’un qui avance chiffres et liens. Merci!

    Si l’on en croit l’étude que vous citez (il faut un peu de bonne volonté quand même…), on pourrait diminuer de 40% les émissions tout en arrêtant le nucléaire (donc 4 tonnes par habitant -étrange comme ça tombe exactement sur la cible…). Sachant que le nucléaire nous économise environ 3 tonnes par habitant (par simple comparaison avec à l’Allemagne ou le Danemark), cela voudrait dire qu’en conservant le nucléaire on pourrait diminuer les émissions à une tonne par habitant. Pourquoi préférer le premier scénario, qui nous met à l’exact limite du sustainable, alors que le deuxième nous permet de faire bien mieux vis à vis du problème majeur et incontournable qu’est l’effet de serre? Surtout, pourquoi ne pas essayer [I]d’abord[/I] de diminuer l’effet de serre, et [I]ensuite[/I], si cela s’avère réellement possible, de supprimer le nucléaire? La deuxième approche rallierait tout le monde, et éviterait qu’on se retrouve avec un constat d’incapacité à atteindre nos objectifs dans quelques années.

    Au sujet de la « subvention MOX », j’aimerais vous faire remarquer un petit détail. Quand on considère le plutonium (et autres actinides mineurs) produit par nos centrales nucléaire, plusieurs s’écrient qu’il s’agit d’un déchet monstrueux qui devrait peser lourd dans le passif des centrales. C’est un point qui se défend. Quand on trouve des moyens pour consommer ces « déchets » et en faire de l’énergie (MOX, superphénix), alors on voit des gens qui, comme dans l’étude que vous mentionnez, crient à la subvention injuste. Voyez vous le petit changement de signe? Un coup le plutonium est un déchet couteux, un coup c’est produit précieux qui subventionne le nucléaire. Curieusement, les deux arguments peuvent se retrouver dans la bouche des mêmes personnes. 😉

    Sur le prix de l’électricité nucléaire qui devrait doubler (ce qui permettra d’exploiter les ressources océaniques, donc des milliers d’années de réserve), je suis tout à fait d’accord avec vos calculs… toutefois cela ne changera pas le fait que c’est de loin la ressource la plus économique en euro/CO2 émis. Le principal problème du nucléaire n’est donc pas son cout (au contraire!), mais plutôt dans le fait que la construction des centrales prend un temps long et incompressible. Difficile de pallier rapidement à un manque de prévoyance antérieur.

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