Quand les ONG se chamaillent, les baleines trinquent

Ambiance dans l’Antarctique. Alors que les navires de Greenpeace et de la Sea Shepherd Conservation Society abandonnent leur poursuite des baleiniers japonais, les deux ONG s’envoient de drôles de fleurs. Dimanche, la Sea Shepherd a balancé un communiqué rageur accusant Greenpeace de protéger la flotte de pêche japonaise. L’organisation aurait refusé de communiquer la position du navire-amiral japonais, expliquant qu’il n’est pas dans ses intentions de collaborer avec la Sea Shepherd. Son patron, Paul Watson, est fou furieux, il explique que lui seul protège les baleines, en intervenant manu-militari, quand Greenpeace se contente de filmer l’agonie des cétacés. Watson est connu pour ses méthodes très musclées, des méthodes de pirates au sens du droit international de la mer (1).

Watson accuse l’organisation internationale de collecter des millions de dollars, sous-entendu quand lui rame pour payer son fuel, et de n’en dépenser qu’une infime fraction pour la protection des baleines. Bref, selon Watson, Greenpeace se ferait du cash sur le dos des cadavres de cétacés alors que lui, juré craché, dépense tout ce qu’il a pour s’intercaler et empêcher la flotte japonaise d’activer ses canons à harpons. De son côté, Greenpeace fait profil bas, et affirme avoir sauvé cent baleines en deux semaines cette saison. L’ONG accuse Watson et ses acolytes de mettre des vies en danger avec leur méthodes musclées. Histoire de détourner l’attention, sans doute, Greenpeace vient de lancer une campagne pour imposer au fabricant d’appareils photo et imprimantes japonais Canon de condamner la chasse à la baleine.

Finalement, ce qui met tout le monde d’accord, c’est la pénurie de fuel. Greenpeace et la Sea Shepherd ont du ordonner à leurs navires de mettre le cap sur l’Australie. Greenpeace n’a pas dit si c’était juste pour faire le plein avant de retourner harceler la flotte japonaise qui dispose encore de deux mois de chasse. Watson, lui, cherche deux cent mille dollars pour pouvoir refaire le plein et se remettre à la chasse aux chasseurs. Finalement, la morale de l’histoire est logique. Avec des moyens considérables, la flotte japonaise est accompagnée d’un pétrolier permettant le ravitaillement en chasse. Les écologistes, qu’ils soient riches ou pas, n’ont pas les moyens. Ce sont donc les baleines qui paieront une fois de plus la facture.

(1) Voir ce reportage d’un journaliste australien, qui accompagne Paul Watson dans l’océan Antarctique.

• Lire les précédents épisodes de la chasse aux chasseurs de baleine.

Image © Sea Shepherd

5 commentaires

  1. Merci du heads up sur ce qui se passe sur les eaux froides de l’Antarctique. J’ai fait ma ptite Donation à Sea Shepherd, ça faisait un bout de temps que ça me démangeait.

    Je suis plutôt d’accord avec Watson concernant l’attitude de Greenpeace sur le terrain. Ils font de la com, c’est tout. Reste qu’ils sont plutôt bons sur ce point. J’aime bien ce qu’ils sont en train de faire en tentant de gagner le support de Canon. Il leur restera Nikon, Pentax, Sony et Olympus après ça pour dépenser les 100 millions de dollars qu’ils n’auront pas dépensé avec leur flottille…

  2. Bonjour M. Delbecq,

    Je vois que votre site/blog est de nouveau actif.
    Cependant, je trouve votre traitement de la chasse a la baleine pas tres neutre. Plutot partial, meme.

    Qu’est-ce qui se passe en Antarctique?
    Le Japon a envoye une flotte de six navires, dont deux dedies a l’observation des cetaces et autres methodes de recherche dites « non letales ». L’objectif : obtenir des donnees sur les populations de cetaces dans cette partie du monde pour pouvoir permettre la reprise d’une chasse commerciale des especes les plus abondantes de facon durable et controlee par la Commission baleiniere internationale (CBI). Certaines de ces donnees ne peuvent etre obtenues qu’en prelevant un certain nombre d’animaux. Les prises prevues par le Japon (850 +/-10% rorquals de Minke, 50 rorquals communs) ne posent aucun risque pour les especes concernees.
    En outre, ce programme de recherche est autorise par l’article 8 de la Convention internationale pour la reglementation de la chasse a la baleine, le texte fondateur de la CBI.

    En voici une traduction personnelle :
    « 1. Nonobstant tout autre élément de cette Convention, chaque gouvernement signataire peut accorder à ses ressortissants un permis spécial les autorisant à tuer, capturer et traiter des baleines à des fins de recherche scientifique, ces permis étant sujets à restrictions pour le nombre et à d’autres conditions que le gouvernement signataire juge adéquates ; la mise à mort, la capture et le traitement des baleines en accord avec les conditions de cet article n’ont pas obligation de se conformer aux dispositions de la présente Convention. Chaque gouvernement signataire devra porter immédiatement à connaissance de la Commission toute autorisation de ce type qu’il aura accordé. Chaque gouvernement signataire peut à tout moment annuler tout permis spécial de ce type qu’il a accordé.
    2. Toute baleine capturée dans le cadre de ces permis spéciaux devra autant que faire se peut, être exploitée et les produits ainsi obtenus devront être traités conformément aux directives émises par le gouvernement signataire qui a accordé le permis.
    3. Dans la mesure du possible, chaque gouvernement signataire devra transmettre à l’organisme que la Commission pourra désigner à cet effet, et à intervalles d’un an au maximum, les informations scientifiques dont il dispose concernant les baleines et la chasse baleinière, y compris les résultats des recherches conduites en application du paragraphe 1 de cette article et de l’article IV.
    4. Reconnaissant que la collecte et l’analyse de données biologiques obtenues lors des opérations des navires usines et des stations terrestres sont indispensables à une gestion saine et profitable de l’industrie baleinière, les gouvernements signataires prendront toutes les mesures en leur pouvoir pour obtenir ces données.
     »

    J’ai volontairement mis le 2e paragraphe en gras pour souligner le fait que les baleines capturees dans le cadre de programmes de recherche doivent etre utilisees autant que possible. La vente des produits (viande) ainsi obtenus est tout a fait en accord avec ce texte egalement, puisqu’il s’agit des directives emises par le gouvernement du Japon. Il faut egalement savoir que ce dernier ne s’enrichit pas puisque les fonds ainsi recueillis servent a financer cette meme recherche. Le Japon ou l’ICR ne fait aucun profit dans cette histoire.

    Les resultats et donnees recueillis dans le cadre de ce programme sont fournis au comite scientifique de la CBI. Celui-ci est compose de pres de 200 scientifiques specialistes des cetaces. Les documents ainsi produits sont generalement publies dans le « Journal of Cetacean Research« , l’organe du comite scientifique.

    Alors la question est que font exactement Greenpeace et Sea Shepherd?
    Ils viennent tout simplement harceler les equipages des navires japonais pour attirer l’attention des medias occidentaux et ainsi faire parler d’eux a moindre frais. Cela leur permet de recueillir des fonds aupres des gens qui continuent de croire que « les baleines sont en voie de disparition et qu’il faut les sauver des baleiniers japonais ».
    Pourtant, le rorqual de Minke antarctique (balaenoptera bonaerensis), la principale espece chassee par les Japonais, n’est pas en voie de disparition. Elle est plutot meme abondante avec plusieurs centaines de milliers d’individus dans l’hemisphere sud.

    En fait, les actions de ces deux ONG pretenduement ecologistes n’ont aucunement pour but de defendre les baleines. Greenpeace passe plus de temps a prendre des photos de ses activistes avec des banderoles devant les navires nippons. Sea Shepherd lance des bouteilles d’acide butyrique et lache des cordages et filets pour endommager les helices des bateaux japonais. Au passage, j’attire votre attention sur le fait qu’ils ne recuperent jamais les filets en question. Ces derniers presentent pourtant un risque pour la faune marine locale.

    En outre, Sea Shepherd s’est vu retirer son statut d’observateur a la CBI apres avoir coule deux baleiniers et detruit une usine de transformation en Islande dans les annees 1980. Leurs actions sont dangereuses et ils ont, je vous le rappelle, blesse deux marins japonais l’annee derniere. Il n’est donc pas etonnant que les Japonais les qualifient d’eco-terroristes.

    Les deux hommes de cette ONG avaient visiblement l’intention de rester a bord du Yushinmaru 2, puisque leurs sacs a dos contenaient des vetements de rechange et autres produits d’utilite. Tout ca pour attirer l’attention des medias et faire passer leur abordage illegale du navire japonais pour une « prise d’otage« .

    Les chercheurs et marins japonais qui se trouvent a bord des navires de la flotte du Nisshinmaru ont certainement d’autres preoccupations que de devoir s’occuper des activistes de Greenpeace et Sea Shepherd. Il serait d’ailleurs temps que les medias occidentaux traitent les actions illegales de ces ONGs et la question de la chasse a la baleine un peu plus serieusement.

    Cordialement,

  3. @isanatori, depuis le temps que les » scientifiques » japonais font ainsi des  » recherches » sur les baleines, avez vous une idée de ce qu’ils ont trouvé? Et ces recherches doivent leur rapporter gros, au prix où on vend le steack de baleine sur les marchés de Tokyo! Vous avez peut-être raison de dire que leurs prises ne compromettent pas les espèces chassées, et c’est probablement le cas puique les « recherches » continuent, mais pourquoi éprouvent-ils le besoin de se justifier par une pareille hypocrisie?

  4. Author

    @isanatori. Décidément, votre présence ici se limite aux périodes de chasse à la baleine dans l’Antarctique 😉
    Nous avons déjà eu cette discussion l’an dernier (voir les articles sur http://effetsdeterre.fr/tag/baleine). Je viens de parcourir la revue de la CBI, Journal of Cetacean Research and management. Elle n’a pas publié semble-t-il un seul article depuis 2001. A se demander si la revue existe encore. Et sur les années 1999-2001, dans le sommaire du JCRM, rares sont les publications qui émanent de chercheurs japonais sur les cétacés de l’Antarctique. Décidément, ces chercheurs embarqués chaque saison à prix d’or dans le grand Sud (pas gratuit une telle campagne annuelle avec autant de navires) sont bien peu productifs…

  5. @BMD,
    Les resultats des recherches des Japonais en Antarctique et dans le Pacifique nord-ouest sont presentes dans les rapports et documents de la CBI. Ils ont notamment mis a jour la presence de differentes populations de rorquals de Minke dans les zones de recherche, detecte un probable changement dans la composition des especes vivant dans ces memes zones (notamment une augmentation du nombre de baleines a bosse et de rorquals communs), constate une evolution du regime alimentaire des baleines (notamment dans le Pacifique nord-ouest ou elles se nourrissent aussi de petits poissons), etc.

    La recherche entreprise par le Japon dans les deux zones suscitees est necessaire pour permettre une gestion sure et durable de cette ressource si la chasse commerciale devait etre reauthorisee. D’ailleurs, de nombreux chercheurs japonais considerent que cette recherche devra continuer meme apres le retrait du moratoire sur la chasse commerciale, notamment du fait que l’habitat et le comportement des cetaces evoluent dans le temps (a cause de la pollution et du rechauffement climatique, entre autres).

    Le Japon ne se cache pas vraiment derriere un pretexte, mais par contre, les nations anti-baleinieres elles n’ont pas de raison valable de maintenir l’interdiction temporaire (ce qui est la definition d’un moratoire) de la chasse commerciale puisque non seulement certaines especes sont suffisamment abondantes (comme les rorquals de Minke) pour soutenir un chasse controllee, mais aussi parce que la CBI a desormais tous les moyens de gerer de maniere durable et controllee la chasse a la baleine.

    @M. Denis Delbecq,
    J’imagine que vous n’ecrivez pas d’articles sur la chasse a la baleine en dehors des periodes ou le Japon conduit ses programmes de recherche sur les cetaces. En outre, j’avais cru que vous aviez cesser d’ecrire sur votre site l’annee derniere. Je me suis appercu que vous aviez repris cette activite en constatant que quelqu’un avait accede a mon blog a partir du votre.

    En ce qui concerne le JCRM, j’imagine que le site de la CBI n’a pas ete mis a jour a cet endroit. Si vous faites une recherche sur le net, vous verrez qu’il y a eu des publications bien apres 2001. De meme, il n’y a pas vraiment de sommaire du journal. Il est donc difficile de verifier le contenu de tous les numeros. Le JCRM traitant des cetaces en general, il y a forcement beaucoup d’articles autres que ceux ecrits par les chercheurs japonais. Mais ces derniers existent aussi. Le mieux etant sans doute de se procurer des numeros de ce journal.

    Quant a la productivite des chercheurs japonais, j’aimerais savoir sur quoi vous vous basez. Je vous invite a lire cet article de la BBC par Richard Black. Si le sujet vous interesse, peut-etre que vous pourriez visiter l’Institut japonais de recherche sur les cetaces (ICR).

    Cordialement.

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