On en sait un peu plus sur les émissions de gaz à effet de serre en France. Le Ministère de l’écologie a publié un document sur l’empreinte carbone de notre pays, qui détaille les émissions sur le territoire national, ainsi que celles liées à la demande finale inférieure, qui tient compte de nos importations. Une information signalée par un abonné de l‘excellente liste de diffusion du Réseau Action Climat.
Sur le plan du CO2 seul, les émissions sur le territoire national (pour 2005) s’élèvent à 410 millions de tonnes, dont 32% pour les ménages, 45% pour la production destinée à la demande intérieure, et 23% pour les exportations. Ce qui revient à 6,7 tonnes de CO2 émises par habitant. Si on regarde la demande intérieure (on ajoute le CO2 lié aux importations sauf celles qui sont réexportées, et on omet celui qui est lié aux exportations), les émissions totales françaises se sont élevées, en 2005, à 545 millions de tonnes de CO2, dont 42% sont liées aux importations! Soit 9 tonnes de CO2 réellement émises par chaque français la même année. Cela confirme bien le poids des délocalisations dans nos rejets de gaz à effet de serre. Le chiffre avancé pour le CO2 de nos importations (230 Mt) est d’ailleurs très proche (250 Mt) de celui qui avait été utilisé par Caldeira et Davis, dans un formidable papier paru en mars dernier dans les annales de l’Académie Américaine des Sciences (1).
Bien évidemment, il n’y a pas que le gaz carbonique qui pèse dans la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Et les équipes de Borloo ont donc compilé des chiffres en tenant compte aussi du méthane et du protoxyde d’azote (le gaz hilarant, principalement d’origine agricole, qui ne fait pas rire les climatologues). Et là, évidemment tout grimpe, en terme d’impact pour le climat, que l’on mesure en «tonnes-équivalent-CO2» en tenant compte des pouvoirs de réchauffement de chacun de ces gaz (2). Verdict, pour la demande intérieure finale, les émissions françaises sont de 730 millions de tonnes-équivalent CO2 (dont 45% liées aux importations, les exportations sont omises). Bref, le chiffre qu’il faudra retenir de cette étude officielle du gouvernement français, c’est que chacun d’entre nous émet l’équivalent de 12 tonnes de gaz carbonique chaque année. Au passage, le site du Ministère renvoie sur le calculateur d’empreinte des nations, de l’université norvégienne de sciences et technologie (NUST) qui avance un chiffre de 13,1 tonnes équivalent-CO2 par habitant et par an pour la France.
Que conclure de ces chiffres? D’abord que l’avance française en terme d’émissions de GES est toute relative, quoi qu’en disent les partisans du nucléaire, parce qu’il n’y a pas que l’électricité dans la vie. Pour comparer -à méthode égale—, regardons ce que donne le NUST pour les quatre grandes puissances de l’UE: France 13,1 tonnes-eq-CO2 par habitant et par an, Allemagne (15,1), Grande-Bretagne (15,4) et Italie (11,7). Par comparaison, le Danemark souvent cité en exemple s’affiche à 15,2 tonnes-eq-CO2, tandis que la Pologne souvent critiquée pour son usage du charbon n’est qu’à 8,7… De plus, le poids important des importations montre qu’en dépit de ses efforts, la France aura du mal à réduire son empreinte carbone, parce qu’elle importe beaucoup de produits de pays du Sud, qui ont une intensité énergétique élevée (3) et une consommation énergétique fortement émettrice de gaz à effet de serre. Caldera et Davis (op. cit.) estimaient en mars, que chaque dollar de produits importés en France «contient» environ 500 grammes de gaz carbonique (contre 770 g par dollar pour les importations des Etats-Unis, 630 grammes pour la Grande-Bretagne, 520g pour l’Allemagne et 850g pour la Russie).
Si l’on met le focus sur la France, il apparait que le fameux facteur 4 qui sert de référence dans les plans à long terme est bien en dessous de ce qui serait nécessaire, dans un monde idéal de stabilisation globale des émissions de gaz à effet de serre équitablement partagées entre tous les humains. C’est plutôt un facteur compris entre 5 et 6 qu’il faudrait atteindre… Traduire, qu’il faudrait baisser nos émissions de 80% à 83% et non de 75% qui correspondent au «facteur 4» de nos stratèges. On a du pain sur la planche: il va falloir se calmer sur les autoroutes monsieur Borloo, s’occuper d’isoler les logements anciens et filer un coup de main aux pays qui nous fournissent à bas prix ou relocaliser…
(1) Consumption-based accounting of CO2 emissions, K. Caldeira et S. Davis, PNAS du 8 mars 2010.
(2) Faute de données précises sur les teneurs correspondantes dans les importations, le Meeddm n’a pas tenu compte des trois autres gaz à effets de serre importants (CFC, PFC et SF6). A noter aussi que tous les chiffres de cette étude ne tiennent pas compte des changements d’affectation des sols dans les importations (déforestation pour l’huile de palme en Indonésie ou le soja au Brésil, par exemple).
(3) La quantité d’énergie pour produire un dollar de PIB.
Oui, mais quel sens cela a-t-il de compter les importations et pas les exportations? toute cette discussion me paraît biaisée dans ces conditions.
BMD, si on compte les importations et les exportations, on va se retrouver avec un drôle de bilan au niveau mondial, ou même européen…
Remarque : l’essentiel des exportations des pays de l’UE ont lieu à l’intérieur de la zone UE…
Maintenant ça n’aurait aucun sens de retrancher les exportations puisque le but s’est d’avoir une double comptabilité : d’un coté les émissions sur le territoire national et de l’autre les émissions de la demande intérieure.
Les émissions sur le territoire national sont controllés de façon relativement fiable puisqu’elles font partie des inventaires de Kyoto, par contre les émissions d’une consommation sont pour le moment impossible à évaluer (et ne me faites par rire avec le bilan carbone).
Ici les émissions des exportations sont compter dans les données des émissions de production nationale et pas dans la consommation et les émissions des importations sont à compter dans la consommation mais dans la production… Ca permet d’identifier immédiatement les nations qui trichent en exportant leur pollution puisque dans ce cas une seule de ces deux valeurs ira à la baisse.
A priori ça parait être une façon plus élégante et plus efficace de procéder que le bilan carbone… Sachant qu’on a un outil de controle puisqu’au niveau de la planête on doit avoir la somme des consommation qui doit être égal à la somme des production qui doit être égal à ce qu’on retrouve en trop dans l’atmosphère…
Mais Tilleul, précisément les exportations ne font pas partie de la demande intérieure. Il faut donc les déduire des importations pour avoir les émissions dues à la consommation du pays considéré. Si l’on fait cet exercice pour la France, en utilisant le document indiqué par DDq, on trouve 200 Mt CO2 eq. à ajouter à la production nationale, et une production par habitant de 10 t.
Ca ca montre qu’il manque deux minutes de réflexion sur l’intérêt qu’il y a à utiliser deux valeurs…
C’est en ne comptant que les importations que le bilan va être faussé. Il faut déduire les exportations des importations si vous voulez que çà boucle, car à ma connaissance les importations ne viennent pas de la lune mais de pays qui exportent!
@DDq, je vous signale le rapport d’Août 2010 du Commissariat général au dévelopement durable sur les émissions de CO2 ( il ne traite pas des autres GES) de la France de 1990 à 2007. Il fait, lui, le bilan importations-exportations, et fait remarquer, comme l’a dit très justement Tilleul, que l’essentiel des mouvements est en Europe, et que la Chine, bouc émissaire habituel de ce type de discussion, n’y est pas pour grand chose. Par conséquent, si nos voisins européens et en particulier l’Allemagne, abandonnaient le charbon et le lignite au profit du nucléaire, la situation française serait notablement améliorée. Les exportations françaises sont bien moins riches en CO2 que ses importations. Or l’essentiel de notre commerce se fait avec l’Allemagne, notre petite Chine européenne, que nous dédouanons gentiment pendant qu’elle nous enfonce.
Ah, j’oubliais, au final, la production 2007 de CO2 par habitant était de 9 t, compte-tenu du bilan importations- exportations.