Etrange tribune que celle signée lundi par John Tierney dans les colonnes du New York Times. Le journaliste y soutient que plus on est riche, plus on est vert… La preuve? Une belle courbe qui montre que, passé le seuil de 8000 dollars de PIB par habitant, les émissions de dioxyde de soufre baissent rapidement.
Tierney tente de démolir l’équation d’Erlich et Holdren (aujourd’hui conseiller scientifique d’Obama), qui stipule que l’impact environnemental de la société est le produit de la population, de sa richesse et de son niveau technologique. Le journaliste est vachement content d’avoir découvert l’existence des courbes de Kuznets. L’économiste avait formulé une hypothèse selon laquelle les inégalités croissent avec le développement économique. Puis, passé un certain point, elles se mettent à diminuer quand l’enrichissement se poursuit (1). Ce qui reste à démontrer…
Ce qui est vrai pour les émissions de soufre des pays riches ne l’est pas pour plein d’autres substances: on pourrait citer l’ozone, les oxydes d’azote, etc. Et bien sûr le carbone. Il suffit de regarder les rejets de carbone par habitant dans les différents pays… Plus on est riche, et plus on en émet. Sans compter ce qu’on exporte aussi vers les pays pauvres, car plus on s’enrichit, plus on délocalise la production industrielle et la pollution… Il n’a jamais regardé la question de notre empreinte écologique, Tierney?
A sa décharge, il est parfaitement vrai que de nombreux processus industriels se sont décarbonés avec le temps. Mais tous les bénéfices de ces progrès sont automatiquement dissous dans la hausse de consommation. C’est le cas par exemple pour les progrès sur les moteurs, la consommation des écrans de télévision, etc.
Tierney colle aussi une courbe de Kuznets sur la déforestation: on rase les arbres pour se développer, puis on replante quand on s’est enrichi (ce qui se passe en Europe ou aux Etats-Unis). Autrement dit, à écouter Tierney, surtout on ne fait rien. On laisse l’atmosphère se charger de carbone. Et bien sûr on rase les forêts africaines, l’Amazonie et la jungle asiatique. Elles finiront bien par repousser, non? Je dois avoir une case en moins alors. Vive les tanks familiaux à quatre roues!
(1) Simon Kuznet était un économiste américain, dont les travaux ont été couronnés d’un Nobel en 1971. Les courbes qui portent son nom s’appliqueraient aussi à un certain nombre de paramètres environnementaux même si certains objectent que cette forme en U retourné n’est que le début d’une courbe à plus long terme, en N, cette fois.