Bonjour à tous. Lâchement terrassé par un réchauffement climatique interne de quelques degrés, je vous avais abandonné quelques jours (1). Avec en tête de vous raconter de jolis travaux sur les feuilles d’automne.
Je sais bien que c’est le printemps dans nos belles contrées, mais le printemps des uns est aussi l’automne des autres… Bref Marco Archetti, des universités d’Harvard (USA) et Oxford (UK), s’est essayé à d’éternels débats sur le rôle des changements de couleurs des feuilles quand l’automne débarque. Il semble confirmer que les couleurs flamboyantes, les rouges, seraient un signal adressé aux insectes: «Je ne suis pas en forme, alors trouve-toi un autre hôte». Et, de fait, certains insectes qui s’obstinent semblent moins bien nourris quand arrive le printemps, et les pommiers qui ont les feuilles bien rouges ont aussi des fruits plus petits. (2)
A la fin de l’été, le jaune -présent toute l’année mais masqué par la chlorophylle— apparaît au fur et à mesure de la diminution de la photosynthèse. Le rouge, lui, est le fruit d’une famille de molécules produites dans le feuillage à l’automne. A quoi peut donc servir cette sécrétion de pigment à l’automne?
A cette saison, de nombreux insectes viennent pondre sur l’écorce des arbres. Au printemps, une fois les œufs éclos, les bestioles se nourrissent avant de repartir en goguette. Il leur importe donc de trouver les arbres les plus accueillants.
Pour comprendre tout ça, Archetti a eu l’idée de comparer les feuillages, tailles de fruits etc. de variétés de pommiers sauvages et de variétés sélectionnées et cultivées depuis des siècles.
Bien évidemment, l’homme des champs se contrefiche de la couleur de ses pommiers en automne. Il sélectionne ses arbres en fonction de leur vigueur, de la taille de leurs fruits et de la productivité. Et compte-tenu des techniques de cultures, ces paramètres ne dépendent que très peu des relations entre l’arbre et les insectes qu’il abrite en hiver. Donc, si l’hypothèse d’un « feu rouge » adressé par des arbres qui se sentent pas très en forme tient la route, on devrait observer moins de feuillage rouge dans les vergers cultivés. Et moins de feuillages rouge chez les arbres les moins sensibles aux insectes susceptibles de les endommager. Et bien c’est ce qu’a constaté Archetti.
Et il n’a pas chômé: il a soigneusement noté la couleur du feuillage de 2170 variétés de pommiers qui poussaient fin 2007 dans la Collection nationale de fruits britannique (3), ainsi que sur des populations sauvages au Kazakhstan et au Kirghizistan. Il aussi récupéré des données recueillies aux Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Chili et en Ouzbekistan. Et conduit une foule d’autres observations.
La première morale de l’histoire, c’est qu’une plante n’est pas la reine des pommes. Elle parle à ses locataires. La seconde, c’est qu’il faut garder de la nature sauvage pour profiter de ses spectacles extraordinaires. Parce qu’il ne faut pas compter sur les vergers pour produire les mêmes couleurs. Et la troisième? Je finis de croquer ma pomme et je vous la donnerai.
(1) C’est fou ce qu’un apport extérieur, probablement d’origine humaine, d’un agent perturbateur à quelques fractions de ppm peut provoquer dans un organisme: une hausse d’un peu plus de trois degrés du climat, et des conséquences désastreuses (mais pas dramatiques). Toute relation avec le climat terrestre n’est que fortuite. Si ce n’est qu’on n’a pas inventé des antibiotiques pour la planète.
(2) Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, édition du 20 avril 2009. Article disponible ici.