Il y a parfois des «Ouf!» qui soulagent vraiment. Depuis ce matin, et l’annonce du silence radio du navigateur Jean Le Cam et du déclenchement de sa balise de détresse, au large du Cap Horn, les estomacs étaient noués. Puis, après des heures interminables, l’annonce qu’il avait donné des signes de vie, enfermé dans sa coque retournée, a rassuré. Jusqu’à cette dépêche annonçant que Jean a pu se hisser à bord du PRB qui ramène le sourire.
Jean, ceux qui me lisent depuis longtemps savent que je l’ai pas mal croisé. Un de ces marins passionné, capable d’expliquer le fonctionnement d’un vérin de gouvernail en maintenant bouche bée les convives d’un dîner mondain. Jean, avant tout un type épatant, gai, humain et grand amateur de pétanque le soir à la fraîche. Jean, un marin remarquable qui avait fini second du Vendée Globe 2004-2005, «la place du con», avait-il expliqué au moment de passer la ligne d’arrivée dans le froid glacial de l’hiver.
L’ironie de l’histoire, c’est que Le Cam est ce soir à bord de PRB, skippé par Vincent Riou. «Vincent le terrible», disait Le Cam, véritable usine à fabriquer du surnom. Il enrageait de finir second de la précédente édition de cette course extraordinaire, à quelques heures derrière seulement de Riou. Les voilà partageant la même route, avec la mission de réparer le gréement endommagé lors du sauvetage de Jean.
Sa femme et ses filles respirent ce soir. Ses amis et ses proches aussi. Notamment un certain Bilou, second ce soir au classement provisoire, derrière Michel Desjoyaux. Bilou, Roland Jourdain de son état-civil, avait du quitter le Globe 2004 précipitamment, pour éviter de perdre sa quille et de se retrouver la tête à l’envers.
Aucun rapport avec la sauvegarde de la planète, vous me direz. Qu’importe. J’avais envie de les saluer, ces marins comme Riou ou Armel Le Cleac’h qui se sont déroutés pour prêter assistance à un navigateur en perdition. Comme les marins anonymes du pétrolier qui veillaient depuis plusieurs heures sur la coque amputée de VM Matériaux, et ceux qui avaient pris la mer ou les airs depuis le Chili aujourd’hui. S’il y a un paradis, vous en avez gagné une part. Parce que sauver un marin, qu’il s’appelle Jean ou pas, c’est un acte de bravoure.