Les médias ont abondamment parlé de l’ampleur des feux de forêt au Brésil (dont la région amazonienne ne représente qu’une moitié). Mais à l’autre bout du globe, c’est l’Indonésie qui commence à faire parler d’elle. Une partie du pays, ainsi que la Malaisie et Singapour sont plongés dans un épais nuage de fumée, comme c’est le cas, tous les ans ou presque, à cette période de l’année.
Les images de la Nasa sont éloquentes, très ressemblantes avec ce qu’on observe en Amazonie (et dans une moindre mesure, en Afrique sub-saharienne). Il s’agit le plus souvent d’incendies volontaires qui suivent l’abattage des forêts, souvent pour planter des palmiers à huile, ou de débroussaillage de ces plantations. Ils sont provoqués par de petits producteurs ou par des géants de l’huile de palme.
En Indonésie, le gouvernement semble plus actif que ne l’était Bolsonaro au Brésil. Selon les informations de médias locaux, rapportées par Phys.org (EN), une trentaine de plantations ont été fermées ces derniers jours par les autorités, en attendant d’éventuelles poursuites, dont l’une appartient à une firme singapourienne, et quatre à des intérêts malaisiens.
L’affaire provoque, comme presque chaque année, des joutes diplomatiques entre les gouvernements indonésien et malaysien: ce dernier accuse Jakarta de rester les bras croisés, quand l’Indonésie ne manque pas de rappeler à son voisin que les satellites détectent également d’importants feux sur le sol malaisien. De ce point de vue, les images des satellites de la Nasa semblent démentir partiellement le gouvernement indonésien (EN): si des foyers sont perceptibles dans le Sarawak, la partie malaisienne de Bornéo, l’essentiel des incendies se trouvent dans la partie indonésienne de l’île, dans la province de Kalimantan. Plus à l’ouest, la partie sud de l’île de Java est également très incendiée.
Selon Jakarta, près de 23 millions d’indonésiens seraient plongés en ce moment dans les fumées des feux de forêts. A Sumatra, des aéroports et des écoles ont été fermées en raison de cette pollution atmosphérique. Récemment, l’Agence indonésienne de gestion des catastrophes rappelait que certains foyers se trouvent très près d’installations pétrolières (ID) qui pourraient amplifier la pollution si elles étaient à leur tour incendiées.
A Singapour, une source sur place m’a confirmé aujourd’hui que les enfants ont été privés, ces derniers jours, de récréation en extérieur pour cause de haze. Il y a quatre ans, le nuage venu d’Indonésie, parfois à plus de 1000 kilomètres, avait duré jusque début novembre. Une période exceptionnellement longue, liée à l’époque à un événement climatique El Niño qui tend à assécher cette partie du sud-est asiatique. Un an plus tard, une étude conduite par les universités américaine Harvard et Columbia avait estimé que les feux de 2015 auraient provoqué plus de 100 000 décès prématurés (EN) en deux mois en Indonésie.
D’après les autorités environnementales singapouriennes, la qualité de l’air s’est dégradée samedi (EN). Les vents du sud apportent les fumées venues de l’île indonésienne de Sumatra.
Pour combattre les feux, l’Indonésie utilise des hélicoptères, et 240 000 mètres cubes d’eau auraient été déversés (ce qui est une goutte d’eau face aux besoins). Par ailleurs, 150 tonnes d’iodure d’argent auraient été dispersées dans le ciel, pour condenser la vapeur d’eau et favoriser la formation de gouttes en espérant faire tomber la pluie —une méthode dont l’efficacité reste très discutée chez les scientifiques, même si plusieurs dizaines de pays y ont recours, voir notamment le rapport de 2003 de l’Académie américaine des sciences (EN).
Denis Delbecq
• Pour ceux qui s’intéressent à ces grands incendies dans les forêts humides, vous pouvez réécouter l’émission que nous avions consacrée à l’Amazonie, le 26 août, avec l’équipe de la Terre au carré, sur @FranceInter. Nous avions reçu l’écologue Plinio Sist (CIRAD) et l’anthropologue Philippe Descola.
Un sujet connu depuis des années mais qui fait etrangement mins de bruit que l’Amazonie
Il est vrai que l’Amazonie a une valeur symbolique que la forêt indonésienne n’a pas