La publication d’une étude française dans l’International journal of cancer, ne laisse pas de surprendre. Les chercheurs de l’Inserm et de l’Irsn (1) relèvent en effet que dans un rayon de 5km autour des 19 centrales françaises, on observe deux fois plus de leucémies de l’enfant que sur le reste du territoire. Une étude qui, c’est important de le dire, a passé en revue la totalité des leucémies de l’enfant diagnostiquées entre 2002 et 2007, et confirme des observations similaires faites en Allemagne.
On pourrait donc immédiatement en conclure que les rejets des centrales, de faibles quantités de gaz radioactifs, provoquent des leucémies. Et pourtant, rien dans cette étude ne permet de le dire, m’a confirmé Jacqueline Clavel, co-auteur de ces travaux, que j’ai interrogée brièvement pour le site de l’Express. Car en recherchant un lien entre les leucémies et les doses d’exposition modélisées pour chaque centrale (elles dépendent non seulement de la distance, mais aussi de la configuration des lieux et des dominantes météorologiques), les chercheurs n’observent pas de corrélation. De même, les scientifiques ne relèvent aucune différence dans leurs résultats quand ils éliminent, ou pas, les cas d’enfants vivant à moins de 600 mètres de lignes à haute tension (souvent accusées de tous les maux).
Bref, on se retrouve avec un drôle de résultat sur les bras: il y a bien un signal —deux fois plus de cas de leucémies à moins de 5km d’une centrale, aucune ne semblant jouer un rôle particulier— mais il ne peut être imputé à la radioactivité des rejets gazeux, ni aux lignes à haute tension. Pire: la même enquête conduite en France sur la période 1990-2001 n’avait rien relevé de significatif.
A vrai dire, il sera compliqué d’en savoir beaucoup plus et pour cause: le Registre national des hémopathies malignes de l’enfant ne recense que le lieu où habitent les jeunes malades au moment de leur diagnostic. Les épidémiologistes ne savent donc rien de l’histoire de ces enfants: où vivaient leur maman pendant la grossesse, où ils ont vécu jusqu’à la découverte de leur maladie. On pourrait évidemment refaire une telle étude en interrogeant l’ensemble des 2753 familles pour lesquelles une leucémie a été diagnostiquée entre 2002 et 2007 en France, pour reconstituer leur parcours. Et compte-tenu du petit nombre de cas dans les périmètres dessinés autour de chaque site, il faudrait étendre cette recherche très fouillée à d’autres pays peuplés et nucléarisés comme l’Allemagne, ou la Grande-Bretagne. Cela paraît insurmontable, mais sans doute nécessaire. Car en matière d’épidémiologie et de sujets propres aux fantasmes sanitaires, rien n’est pire que le doute.
(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale, Institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire
Donc une étude qui ne sert à rien ou plus exactement qui ne sert malheureusement qu’à alimenter la polémiques entre les partisans et les adversaires du nucléaires sur fond de mauvaise foi réciproque.
« il y a bien un signal —deux fois plus de cas de leucémies à moins de 5km d’une centrale, […] la même enquête conduite en France sur la période 1990-2001 n’avait rien relevé de significatif. »
C’est curieux : il m’avait semblé avoir compris que, sur la période 1990-2008 aussi, rien de significatif n’a pu être relevé (selon l’abstract de l’article, « There was no increase in AL incidence over 1990-2001 and over the entire 1990-2007 period. »).
Ce qui signifie que si l’on considère qu’il y a bien un signal sur la période 2002-2007, il faut aussi considérer qu’il y a eu un signal inverse observé sur la période 1990-2001, compensant assez bien celui observé sur 2002-2007. Ou alors, s’il n’y a pas de signal pour 1990-2001, il ne peut pas y en avoir non plus pour 2002-2007. Je me trompe ?
DDq, j’ai bien peur qu’une fois de plus on se trouve devant une anomalie statistique de si faible importance qu’on peut l’interpréter de 36 manières différentes, dont des erreurs de report dans les registres médicaux.
Et pourquoi ne pas signaler à ce sujet l’analyse d’un confrère?
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2012/01/leuc%C3%A9mies-et-centrales-nucl%C3%A9aires-d%C3%A9sinformation-ou-information-.html#tp
A-t-on étudié les anomalies de leucémies autour des autres grands chantiers où se mélangent les populations?
Et pourquoi n’y a-t-il aucune étude sur le nombre de morts que les centrales nucléaires ont évitées en France, parce qu’on n’y a pas beaucoup construit de centrales à charbon?
Je n’ai pas connaissances d’études aussi larges autour d’autre types de sites industriels par exemple. Il faudrait poser la question à l’Inserm. Quoi qu’il en soit, ce que montre ce cas précis, c’est qu’il ne serait pas inutile de conduire des études pour enfin apporter une réponse à cette question pour calmer passions et désinformation.
A BMD : pour votre question on peut déjà répondre : zéro mort puisque le choix du charbon avait été exclu à l’époque parce que la France ne disposait plus de telles ressources en abondance. Le choix s’était fait entre nucléaire ou bien EnR et efficacité energétique (domaine dans lequel la France avait un leadership mondial à l’époque avant qu’on démantelle les labos de recherche)
A toutes fins utiles :
http://energeia.voila.net/nucle/france_58_reacteurs.htm
Tous les réacteurs nucléaires en France, avec leur âge.
Ce ne sont pas des jeunots !
Une grande étude en Suisse sur le même sujet avait elle aussi conclut à l’absence d’un effet clair.http://is.gd/8uejLc
Mêmes taux de cancer dans la zone la plus proche (I) des centrales et la plus éloignée (IV). Zone II un peu plus, zone III un peu moins.
Bref, probablement des données trop peu nombreuses pour analyser une maladie complexe et mal connue.
Ma conclusion : toujours se méfier des études épidémiologiques lorsqu’elle implique des causes multifactorielle.