C’était donc ça. Le PDG de Tepco, la firme qui opère la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi, à Okuma, est donc souffrant. Personne n’avait entendu parler de lui depuis le 13 mars, sa seule apparition publique depuis le séisme. Selon l’agence Kyodo, Masataka Shimizu est donc souffrant, mais n’a pas fait de collapse ni eu besoin d’une intraveineuse. Une maladie qui tombe à pic au vu des derniers événements sur le front du sauvetage de la centrale. Car dans les bâtiments des turbines de plusieurs réacteurs, de grandes quantités d’eau hautement radioactives semblent confirmer que les cœurs sont en piteux état.
De fait, pendant que le capitaine de Tepco louvoie, l’entreprise semble à la dérive. Dimanche, des responsables ont annoncé que la radioactivité dans l’eau trouvée dans le batiment turbine du réacteur numéro deux «atteignait dix millions de fois le niveau de radioactivité normale de ce qu’on trouve normalement dans le cœur d’un réacteur». Une nième conséquence du flou dans la communication de l’entreprise, qui s’obstine à évoquer des écarts à la normale plutôt qu’à citer des chiffres précis, flanqués d’unités de mesure en vigueur: le becquerel pour l’activité radiologique, et le sievert pour ses conséquences biologiques. Pour les amateurs de nombres, sachez que l’eau en question a été flashée à 2,9 tera-becquerel par litre, selon la chaîne de télévision NHK. Ce qui n’est pas rien.
De fait, cette eau affiche un impact biologique de 1000 mSv/heure dans le bâtiment turbine #2 (400 mSv/h pour le numéro 3). A des doses pareilles, un être humain commence vraiment à se sentir mal au bout d’une heure (vomissements et hémorragies notamment), sa formule sanguine est modifiée, et sa santé à long terme est vraiment menacée (1). Tepco a fini par s’excuser, en expliquant que le chiffre donné pour le bâtiment numéro 2 correspond à «cent mille fois la normale», soit cent fois moins que ce qu’elle avait affirmée par erreur un peu plus tôt. Mais la réalité des sieverts n’est pas amputée par ce cafouillage calculatoire que la plupart des collégiens japonais n’auraient pas commis. Un cafouillage qui en dit long sur la fatigue (ou l’incompétence) des sauveteurs de la centrale, ce qui n’est pas de bon augure.
Tepco a par ailleurs annoncé avoir mandaté des experts pour déterminer si du plutonium a pu contaminer les sols autour du site nucléaire en péril. Tous les réacteurs ordinaires en contiennent (jusqu’à 1%) puisque c’est un produit de fission. Le combustible du réacteur 3 contient un faible pourcentage de crayons de Mox, qui contiennent 8% de plutonium.
Dans la mer, à proximité de la centrale, la teneur en iode continue à grimper, et pour cause. Il faut bien que toute l’eau déversée sur les réacteurs aille quelque part. Selon Tepco, il est improbable que l’eau ultra-contaminée des bâtiments turbine ait pu atteindre la mer… La firme a expliqué que cette eau radioactive sera pompée pour permettre le retour des humains au travail dans les zones concernées. De même, Tepco tentera de vider les réservoirs d’eau qui se trouvent sous les réacteurs 2 et 3, qui sont normalement destinés à réguler la pression dans les cœurs. Reste un détail à régler pour les opérateurs (et les autorités). Que faire de cette eau, où la stocker. C’est si tentant les vagues du Pacifique…
[MAJ 28/3/11 @0:45] Lundi (00h24 heure de Paris), alors que je venais de boucler ces lignes, un nouveau séisme, d’une magnitude de 6,5, au large des côtes, es survenu au large des côtes japonaises, non loin de l’épicentre du terrible tremblement de Terre du 11 mars. Il n’a fallu cette fois que 6 minutes pour qu’un bulletin d’alerte ne soit émis par le Centre des tsunamis du Pacifique, soulignant le risque de formation de tsunamis locaux.
(1) Les deux ouvriers contaminés jeudi devraient sortir de l’hôpital lundi, où ils étaient en observation. Ils ne souffriraient d’aucune pathologie apparente liée à leur irradiation (ils ont reçu environ 180 mSv)