La science des manchots vient de prendre un sacré coup sur la tête. Les bagues apposées par les scientifiques sur le volatile du Grand sud réduisent de 16% son taux de survie. Pire, les manchots bagués se reproduisent 39% de moins que les autres. C’est ce que viennent de découvrir des chercheurs français et norvégiens en étudiant pendant dix ans une colonie de manchots royaux de l’île de la Possession, dans l’archipel austral de Crozet. Leurs travaux sont affichés en Une de la revue Nature aujourd’hui, avec le titre bien choisi «marqués à vie»(1).
Ah mais au fait, comment ont-ils fait pour comparer manchots bagués et non bagués? Repérer un manchot bagué dans une colonie de milliers d’individus n’est déjà pas facile, alors non bagué… De fait, les chercheurs français ne baguent plus les manchots depuis les années 90, par précaution (2). Ils apposent des marqueurs électroniques qui sont injectés sous la peau. Ces «tags» se lisent à distance. Des études à court terme avaient bien conclu à l’absence d’effet des bagues à l’ancienne fixées sur l’aileron des manchots. Mais les scientifiques supposaient qu’elles occasionnaient parfois des blessures, et surtout des dépenses énergétiques supplémentaires lors de la nage. Ils avaient raison.
Bagués, les oiseaux arrivent plus tard sur leur lieu de reproduction. Et les chercheurs savent que cela se paie par un taux de reproduction plus faible. Ce retard est probablement lié à la gêne occasionnée par la bague lors de la nage. Notamment quand l’eau est chaude, obligeant le manchot à aller plus loin pour se nourrir. Bref, il va falloir reprendre un certain nombre d’études sur la bestiole, notamment celles qui visaient à mesurer l’effet des changements climatiques sur sa survie. Car l’essentiel des données disponibles sur les manchots repose sur les milliers de manchots qui ont été bagués. On sait désormais que c’est un biais propre à fausser les résultats. Sans doute faudra-t-il aussi revoir d’autres études, car le baguage perturbe probablement aussi les oiseaux qui volent…
(1) Nature, édition du 13 janvier 2011
(2) La bague n’était pas fixée à travers la peau. C’est un anneau métallique fixé à la base de l’aileron, près du corps. De quoi perturber l’écoulement de l’eau lors de la nage.
Forcément y a pas idée d’essayer de draguer les manchotes quand on porte une alliance…