Voilà des travaux qui ne manqueront pas d’alimenter un vieux débat. Un duo américain explique dans Science, que depuis dix ans, la quantité de carbone stockée dans la végétation de la planète a diminué (1). Une inversion de tendance, par rapport à la décennie précédente, qui n’est pas de bon augure.
Plus chaud, plus de gaz carbonique… Sur le papier, les plantes devraient se repaître de la hausse continue des émissions de gaz à effet de serre, et la surchauffe qui en découle. Pas mal de travaux récents observent que dans les latitudes tempérées de l’hémisphère nord, la production végétale augmente. Une tendance qui pourrait durer des décennies, avant de se stabiliser. Car au bout d’un moment, même s’il y a beaucoup de CO2 dont raffole les plantes, les nutriments viennent à manquer. De plus, on sait aussi que certains mécanismes de la photosynthèse finissent par se bloquer. Mais en tous cas, l’argument de la biomasse a souvent été utilisé par des négateurs du réchauffement pour dire que nos excès sont parfaitement absorbés par la canopée.
Les travaux de Zao et Running dans Science donnent une toute autre vision. Les deux compères ont étudié les données des satellites sur une décennie, pour évaluer la quantité de carbone stockée dans les plantes. Et ils constatent qu’intégrée sur l’ensemble du globe, la séquestration de carbone a chuté d’un demi “péta-gramme” en dix ans. Traduire: une demi gigatonne. Ce n’est pas beaucoup, dans un “budget” d’environ 600 peta-grammes (elle n’est pas belle cette unité de compte?) stockées dans la végétation. Pas beaucoup certes, mais un renversement de tendance n’est pas une bonne nouvelle, puisqu’il signifierait que la canopée ne profite plus de ces conditions censées être favorables.
Bien évidemment, Zao et Running relèvent de très fortes disparités géographiques, comme le montrent ces mappemondes. Dans l’hémisphère nord, les signaux sont au vert, sauf dans une grande partie de l’asie centrale, et notamment en Russie… Une carte qui montre bien d’ailleurs que ce pays est une cible pour les incendies géants… Dans l’hémisphère Sud, 70% des terres émergées séquestrent moins de carbone, sous l’effet d’une baisse de la disponibilité en eau et d’une baisse de l’ensoleillement. Et notamment le centre de l’Amazonie, une grande partie du Nord de l’Argentine, le sud du continent Africain et surtout les archipels asiatiques centrés sur l’équateur (Indonésie, PNG…) et la majeure partie de l’Australie. A noter qu’il est difficile, en Indonésie notamment, d’évaluer qui, de la déforestation ou du changement de conditions climatiques, pèse le plus…
Enfin, et c’est peut-être l’un des enseignements de ces travaux, les variations interannuelles de l’anomalie de végétation laissent penser que la canopée est l’un des facteurs clés de la concentration atmosphérique en gaz carbonique: quand la végétation s’étend, le rythme du CO2 est ralenti, et inversement. Une dernière remarque, à propos des batailles autour d’un prétendu Amazongate, dans le dernier rapport des experts de l’ONU sur le climat. Sur la dernière décennie, la végétation totale de l’Amazone a bien reculé.
Rendez-vous dans dix ans pour voir si cette tendance sera confirmée par l’étude de la décennie qui vient de commencer. Mais ces travaux prouvent au moins une chose: un monde plus chaud n’est pas forcément un monde plus vert. Et ça, c’est important de le savoir.
(1) Edition du 20 août 2010.
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