Une bonne nouvelle sur le front du volcan Eyjafjallajökull, pour la teneur de notre atmosphère en gaz carbonique. Selon des calculs d’InformationIsBeautiful, l’arrêt de 60% des vols permet une substantielle économie de gaz à effet de serre, deux fois supérieure —tant que les avions ne volent pas— aux émissions quotidiennes du volcan.
Alors que les compagnies aériennes n’en finissent pas de râler sur le blocus aérien imposé par les autorités européennes de l’aviation civile, l’armée finlandaise a publié quelques informations qui semblent démentir l’innocuité de l’Eyjafjallajökull pour les réacteurs d’avion. Car en inspectant un réacteur d’un F18 qui a conduit un vol d’exercice au dessus de la Finlande le 15 avril, avant que les restrictions ne soient mises en place, les techniciens chargés de la maintenance ont constaté les dégâts infligés par les cendres du volcan. Ils ont notamment relevé la présence de cendres fondues à l’intérieur de la chambre de combustion, dont des images ont été publiées. En revanche, d’après le communiqué finlandais, le chasseur n’a pas connu de problème en vol.
Ben évidemment, cela ne signifie pas que tous les avions auraient pu subir le même type de dégâts, tellement ce type de problème est lié à la concentration de cendres rencontrées en vol. Ce qui, au passage, étonne, c’est l’absence d’études scientifiques —du moins publiques— qui auraient pu être conduites depuis quelques jours à l’aide de ballon-sondes ou de vols d’appareils instrumentés. On a finalement vu assez peu d’informations à caractère scientifique sur ce nuage. En fouillant sur le site américain de l’USGS, on apprend qu’une centaine d’avions ont eu affaire à des cendres volcaniques en vol de 1972 à 2000, un chiffre dont l’organisme prévient qu’il est probablement surestimé sous-estimé. Des incidents souvent mineurs (décharges électrostatiques sur la carlingue et contamination soufrée de la cabine), et parfois plus sérieux (arrêt d’un ou plusieurs moteurs). Ces problèmes de moteurs ont été relevés jusqu’à 1000 km du volcan. Selon l’USGS, le risque peut s’étendre jusqu’à 2000 km. Une partie des incidents relevés avant 2000 sont décrits dans une revue de Boeing publiée en 1999. Ainsi, en 1980 (éruption du Mont St Helens, Etats-Unis), deux avions ont connu des dommages structurels. Deux ans plus tard (Galunggung, Indonésie), les quatre réacteurs d’un 747 ont perdu de la puissance, faisant redescendre l’avion de 12000 à 3700 mètres, altitude qui a permis de redémarrer les moteurs. Et en 1989 (Mont Deboubt, Etats-Unis), il a fallu remplacer les quatre réacteurs d’un 747 flambant neuf.
En Grande-Bretagne, une polémique a éclaté à propos des cartes de prévision de la propagation du nuage. Cartes établies à partir d’un modèle unique de comportement des aérosols élaboré après l’accident de Tchernobyl associé aux modèles de prévision météorologique. Et les seules mesures conduites en Grande-Bretagne, selon le Register, serait des analyses par radar laser (lidar) qui ne permettent pas de mesures fiables de densité des poussières. En France, Météo-France dispose d’un modèle qui permet d’étudier la diffusion des pollutions à grande échelle baptisé Mocage (dont il existe une version Mocage-accident dédiée aux sources ponctuelles de pollution), mais à ma connaissance, rien n’a été publié sur l’éruption du volcan islandais.
Le suivi des pollutions volcaniques est néanmoins pris au sérieux, et soigneusement organisé au sein du Centre international de conseil sur les cendres volcaniques (VAAC), qui divise le globe en neuf régions. Météo-France est responsable d’un immense territoire qui couvre toute l’Europe du Nord, l’Europe de l’Ouest, la moitié Ouest du continent asiatique, et l’Afrique. A ce jour, les bulletins du VAAC de Toulouse renvoient vers ceux du VAAC britannique, dont l’aire de responsabilité englobe l’Islande. Mais dans chacun des bulletins, Londres rappelle que «la concentration de cendres est inconnue», car tout passe par des modèles.
Mais après tout, connaître cette concentration servirait-il à quelque chose? De l’aveu de l’USGS, personne n’a pu évaluer un seuil limite qui permettrait une évaluation claire du risque pour les avions. Les compagnies aériennes jouent-elles franc jeu? Rien n’est moins sûr. Car si elles se plaignent que leurs avions ont longtemps été cloués au sol, et, sans jouer les Cassandre, que n’aurait-on entendu si le week-end dernier sur les dépenses folles qu’auraient provoqué l’envoi de dizaines d’avions en révision (pour changement de moteur, par exemple). Vous imaginez la queue devant les hangars d’Airbus et de Boeing, et les semaines (les mois?) de perturbations du trafic aérien?
Quand aux amoureux de la nature, ils pourront se consoler en apprenant que les cendres volcaniques pourraient bien participer à l’ensemencement des océans, en dopant l’activité planctonique.
Je me demande quel va être le bilan pour beaucoup d’entreprises qui ont été plus ou moins paralysées pendant une semaine et auront besoin d’un peu plus de temps pour s’en remettre.
Et peut être que cela aidera des personnes à réfléchir à un futur meilleur (plus de visioconférence, plus d’unité et moins de militaires dans le ciel européen, ..)
Soyons optimiste : je me demande quel est le gain pour les prestataires locaux qui ont été appelé en urgence pour éviter que des entreprises dépendantes de l’extérieur ne soient paralysées… Pour les compagnies aériennes, sachant que leur principale dépense c’est le carburant et que les vols ne sont pas toujours pleins, convoyer des marchandises et des hommes une semaine avant ou une semaine après ça ne doit pas être de nature à les mettre sur la paille… Ou alors c’est qu’elles le méritaient…
Je prends toujours avec prudence ces comparaisons de chiffres faites dans l’urgence. D’ailleurs le site « Informations is Beautiful » s’excuse de s’être trompé d’un facteur 10 dans leur premier calcul. Mais même le calcul rectifié est sujet à caution.
P. Allard, de l’IPGP, estime une émission de l’ordre de 300.000 tonnes de co2 par jour plutôt que 150.000 tonnes (cela annule tout gain dans le comparatif). De plus, il ajoute que « les avions ne représentent que 3% des émissions totales de CO2, et là, seul le trafic européen est concerné, et les gens utilisent plus de voitures ou de cars en contrepartie »
De même, pour H. Le Treut, « Il y a un peu moins de CO2 émis, mais des gens sont rapatriés par autobus, les vols sont repoussés, pas annulés. »
« Que les gaz soient émis maintenant ou dans trois semaines, ça ne change pas fondamentalement la donne au niveau du climat »
Un éclairage très intéressant de C. Lepage sur le principe de précaution, celui de prévention et la responsabilité.
http://www.rue89.com/corinne-lepage/2010/04/21/mais-que-vous-a-fait-le-principe-de-precaution-148311
Analyse que je partage, avec la nuance que leur application doit se faire de manière rigoureuse et transparente, ce qui n’est pas aussi facile que cela. Sinon, cela peut aboutir à des dérives, à des dépenses disproportionnées, éventuellement au « principe d’inaction », c’est-à-dire le contraire du but visé.
Complément très instructif sur le principe de précaution :
Voir l’émission « C dans l’air » du 22 avril sur France 5 sur » La civilisation de la peur » http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_rubrique=1420
Compte tenu des enjeux financiers, il n’est pas si étonnant que les études scientifiques officielles manquent. Cela aurait pu peser dans la façon d’appliquer le principe de précaution. On y a préféré la démonstration par l’action : envoyer des avions tests en vol.
Au moins ce nuage nous aura permis de profiter pendant 4 jours d’un beau ciel bleu immaculé !
http://lesieclebleu.blogspot.com/2010/04/eyjafjallajokull-le-nouveau-maitre-du.html
Le volcan s’appelle « Eyjafjöll » et non « Eyjafjallajökull ».
« Eyjafjallajökull », c’est le glacier du volcan, pas le volcan lui-même.
En islandais, « jökull » signifie « glacier », et « fjöll » signifie « montagnes », « volcan ». Je l’avais déjà mentionné en réaction à cet autre billet d’Effets de Terre : http://effetsdeterre.fr/2010/04/19/quand-lislande-devastait-leurope/comment-page-1/#comment-15076 .
« Mais après tout, connaître cette concentration servirait-il à quelque chose? De l’aveu de l’USGS, personne n’a pu évaluer un seuil limite qui permettrait une évaluation claire du risque pour les avions »
La réponse à cette question par les fabricants d’avions ne s’est pas faite attendre :
« Après la réunion d’un groupe de travail international, un nouveau seuil de tolérance a été préconisé par les fabricants de moteurs d’avions et pris en compte par les autorités aéronautiques, sans être jusqu’à maintenant officialisé. La zone d’interdiction de vol a été « définie par une concentration de cendres volcaniques supérieure à 2 milligrammes par m3 d’air », a indiqué à l’AFP le directeur technique adjoint de la Snecma Jacques Renvier. Les concentrations relevées vers le 20 avril dans le ciel de plusieurs pays européens étaient en moyenne vingt fois plus faibles, selon les données publiées récemment par différents organismes de recherche.»
J’espère qu’avec l’adoption de ce seuil, le principe de prévention et celui de précaution sont convenablement et intégralement appliqués. Si c’est bien le cas, ce sera mieux que la logique de la « tolérance zéro », imposée par les autorités de sûreté du transport aérien, aboutissant à la paralysie. Nul doute que l’adoption d’un seuil maximum va rouvrir le débat…. et que beaucoup y verront des arrière-pensées….
Voir l’info sur http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2010-05-05/vers-un-nouveau-seuil-de-tolerance-aux-cendres/920/0/451241