Le chant de l’océan met la banquise en transes

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

L’Antarctique est régulièrement l’objet de dislocations spectaculaires de plaques de glace de mer. Et bien des questions demeurent sur ces phénomènes qui transforment en iceberg des zones de plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Une équipe américaine pense avoir enfin trouvé un début d’explication (1). Ce seraient des ondes sonores très graves provoquées par les vagues qui viendraient bousculer une glace fragile. Explications.

Les scientifiques le savent, en heurtant la côte, une partie de l’énergie des grosses vagues de tempête nourrit des ondes dont l’oscillation est très lente: leur crêtes sont parfois espacées de plusieurs minutes, quand les vagues ordinaires affichent une «période» de 0,3 seconde à 30 seconde. Depuis l’an dernier, et des travaux co-signés par Peter Bromirski, on connaissait déjà le fredonnement de ces ondes, baptisées «d’infra gravité», qui participe au bruit de fond sous-marin. J’avais d’ailleurs raconté ça aux lecteurs du site de Science & Vie (2). Cette fois —Bromirski est toujours de la partie— ils semble que ce chant si sourd que notre oreille ne peut l’entendre est capable de secouer la banquise. Un peu comme notre main ressent les graves d’une enceinte à forte puissance. Sauf que cette fois, l’enceinte se trouve à des milliers de kilomètres, sur les côtes pacifiques des Etats-Unis, du Canada, et aussi d’Amérique du Sud.

La plaque Wilkins, disloquée, le 9 juillet 2008 © Agence spatiale européenne
La plaque Wilkins, disloquée, le 9 juillet 2008 © Agence spatiale européenne

Pour en arriver à cette conclusion (provisoire, bien sûr), les trois chercheurs ont étudié de près les enregistrements sismiques de la «plaque Ross», dans l’Antarctique. En décomposant les signaux, et en retirant ceux provoqués par l’arrivée de vagues ordinaires, ils ont identifié la présence d’ondes d’infra gravité venues du Pacifique. Fort de ces données, ils ont pu esquisser un modèle d’interaction entre ces ondes et la banquise. Et comme un modèle ne sert à rien sans observation, ils ont réétudié les données enregistrées lors des dislocations de la plaque Wilkins, en Antarctique, en 2008, et les données météorologiques de tempêtes sur les côtes de Patagonie. Et ça coïncide: les dislocations se sont produites à l’heure estimée d’arrivée des ondes d’infra gravité en Antarctique. D’ailleurs, les données satellites sur la rupture de la plaque Larsen B, en 2002, avaient montré que sa dislocation s’était engagée par temps calme, faisant penser à une cause distante.

Il faudra bien évidemment d’autres études de ce type pour être certain que les ondes d’infra gravité sont un élément déclencheur de ces incroyables phénomènes. Il reste qu’une banquise dense et compacte ne réagirait pas de la sorte, et les auteurs soulignent que ces plaques sont aussi affectées par «une forte fonte en surface». Le mystère des banquises disloquées est donc à peine dévoilé.

(1) Geophysical research letters, Vol. 37, L02502.
(2) Lire Ecoute la mer, elle te lira le climat, 26 mai 2009.

3 commentaires



  1. Merci d’écouter la planète pour nous.

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