En janvier dernier, Gilles-Eric Seralini et Nora Benachour, tous deux chercheurs à l’Université de Caen, avaient publié une étude sur l’impact du Roundup, le désherbant le plus vendu au monde, sur la santé cellulaire. Ils avaient mis en évidence in vitro des atteintes provoquées non par le glyphosate du pesticide seul, mais par l’action conjointe de la molécule et des adjuvants qui l’enrobent pour faciliter sa pénétration dans les cellules des mauvaises herbes. Le tout à des concentrations jusque cent mille fois plus faible, correspondant aux éventuels résidus de Roundup qu’on peut trouver dans la bouffe.
Sur le blog Monsanto selon Monsanto, un certain Dr Dan, toxicologue et directeur des sciences médicales de l’entreprise, livre son analyse de l’histoire. Le Roundup est en effet le complément de la gamme de semences génétiquement modifiées par Monsanto pour résister aux désherbants. Le responsable de Monsanto accuse Séralini, scientifique renommé et opposant notoire aux OGM et donc au Roundup, d’avoir choisi des cellules de tissus reproductifs à des fins politiques et non scientifiques.
Le Dr Dan souligne que le Roundup contient des molécules détergentes qui servent de cheval de Troie dans l’action du produit, comme dans la plupart des herbicides. Selon lui, n’importe quel détergent —d’origine végétale ou pas— provoquerait les mêmes atteintes sur les lignées de cellules cultivées in vitro par le chercheur français. Et Dan de souligner que nous sommes bien plus exposés à ces molécules détergentes avec nos savons, shampoings, etc. qu’avec les résidus d’herbicides. Ce n’est pas faux, mais un peu léger comme défense. Car ce que semble montrer Séralini, ce n’est pas l’action des détergents seuls qui dédouanerait le glyphosate. C’est l’effet conjoint de ces molécules et de l’herbicide. Et là dessus, le Dr Dan ne dit mot.
Ces arguments sont étranges de la part d’un éminent scientifique de Monsanto. Car semble-t-il, des scientifiques ont trouvé à redire sur les travaux de Séralini. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments avait été saisie par la Direction générale de l’Alimentation après le barouf médiatique créé par les résultats du français. Les experts de l’AFSSA ont étudié la publication et posé plusieurs critiques sur le protocole expérimental du chercheur français, concluant qu’il n’y avait pas là de quoi remettre en cause les évaluations du Roundup conduites en Europe et en France.
Mais le Roundup reste dans le collimateur. En avril dernier, une autre étude, en Argentine cette fois (1), affirme avoir mis en évidence une action toxique du glyphosate très dilué sur des embryons d’amphibiens (2). Selon Le Monde, qui a relaté cette étude, certaines pathologies (cancers, malformations, etc.) seraient en surnombre dans des régions où le soja Roundup Ready est cultivé de manière intensive, et où le Roundup est souvent épandu par avion. Toute la population, en profite, donc! Mais, à ma connaissance, l’étude en question n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique. Donc, pour le moment, c’est comme si elle n’existait pas.
En attendant, Monsanto développe son business. Selon la lettre adressée aux actionnaires par le PDG pour présenter les résultats de l’année 2008, la firme a continué d’investir pour augmenter la juteuse production de Roundup. Hugh Grant (sic!) attend 1,9 milliards de dollars de marge brute sur le produit à l’horizon 2012, soit 20% du cash généré par l’entreprise…
(1) En Argentine, la moitié des terres cultivables sont occupées par le soja«Roundup Ready».
(2) Cette précision sur les amphibiens est importante. A lire Le Monde, on pourrait penser qu’il s’agissait d’embryons humains.