La légende raconte que, dans les années quatre-vingt-dix, une femme avait ramené un plant d’Eicchornia crassipes du Brésil, et l’avait installé près de chez elle au bord de la rivière Kafue, en Zambie. Mais voilà, cette superbe jacinthe d’eau souvent utilisée dans les bassins d’agrément est une redoutable plante invasive au point que la Zambie est désormais privée de 20% de sa production hydroélectrique totale. Le pays est même contraint rationner l’électricité fournie aux mines de cuivre, raconte Reuters, tellement le barrage de Kafue Gorge, le plus important du pays, est touché.
Même si la légende de son introduction en est une (la plante est combattue en Zambie depuis les années 70), cette jacinthe apprécie le climat du pays, au point qu’on l’a rebaptisée «mauvaise herbe de Kafue». Originaire d’Amérique du sud, Eicchornia crassipes s’est étendue dans les régions tropicales et sub-tropicales de la planète. Elle profite tout particulièrement des excès de nutriments dans les cours d’eau, apportés par l’agriculture et les eaux usées. Et visiblement les rejets chimiques croissants dans la rivière Kafue ne la dérangent pas. On lui prête même des aptitudes à la dépollution des métaux lourds, en captant par exemple le chrome hexavalent.
Quelles que soient ses vertus, il reste nécessaire de contrôler son expansion. Car la jacinthe d’eau contribue à dégrader la biodiversité, en captant notamment l’oxygène de l’eau, nécessaire à la vie aquatique. En Zambie, elle empêche toute navigation et la pêche sur les plans d’eau touchés, bloque le fonctionnement de barrages et réduit le volume utilisable des retenues, perturbe les systèmes d’irrigation et multiplie l’évapotranspiration… Selon la base de données des espèces invasives de l’UICN, c’est l’une des pires pestes végétales, qui a déjà envahi une centaine de pays. Une fois installée sous un climat favorable, elle s’étend rapidement, allant jusqu’à doubler en masse en seulement douze jours…
Au Soudan, on a testé l’usage massif d’herbicides, sans succès, explique le Conseil de l’environnement de Zambie. On teste aussi ça-et-là la lutte biologique, en introduisant des insectes friands de cette végétation, mais les résultats sont plus que mitigés. Reste l’arrachage mécanique, pas si efficace contre une telle productivité végétale. En Chine, jusque dans les années soixante-dix, cette jacinthe était utilisée comme fourrage, faute de mieux. Elle semble être adaptée aux ruminants. Elle serait aussi une source d’agrocarburants de première pour l’avenir, si elle ne contenait autant d’eau. Et le moteur à eau, ce n’est pas pour demain!