Pour une décision, c’est une décision, enfin, si elle est suivie d’effets. La République (pas si) démocratique du Congo (RDC) a purement et simplement annulé quatre-vingt-onze des cent-cinquante-six concessions forestières accordées dans le pays. La plupart avaient été accordées pendant les dix années de guerre civile en RDC, de 1992 à 2002.
La décision annoncé lundi après une longue enquête, appuyée par la Banque Mondiale, sur la corruption et les pratiques des forestiers. Pas moins de treize millions d’hectares ne pourront plus être exploités en attendant le dépôt et l’examen de nouvelles demandes de concession. Une décision applicables sous quarante-huit heures… La liste des heureux déshérités n’a pas été rendue publique. Mais on devrait trouver une filiale du groupe allemand Danzer, le portugais Sandefor et la firme belgo-américaine Safbois, dont les noms circulaient depuis plusieurs mois. Les trois entreprises détiennent les deux-tiers des concessions forestières en RDC. Pour être complet, une vingtaine de concessions qui devaient être annulées, portant sur deux millions d’hectares, ont finalement été maintenues, après une procédure d’appel.
En 2007, un rapport du Centre international de recherche forestière, de la Banque mondiale, et du Cirad (1), avait dressé un constat sévère de la gestion de la forêt en RDC. Soulignant notamment l’absence de gestion, l’absence de coopération avec les populations locales et la corruption dans l’attribution des concessions. L’été dernier, un rapport de Greenpeace affirmait que le manque à gagner provoqué par l’absence de paiement des taxes par les exploitations illégales en RDC représentait chaque année cinquante ans du budget du ministère de l’environnement du pays (qui n’est pas bien élevé, il faut le reconnaître).
Les décisions prises cette semaine visent à durcir les procédures de délivrance, à renforcer les royalties versées aux pays et devraient donner un coup de pouce aux exploitants engagés dans la certification de leurs concessions. Enfin, peut-être parce qu’avec le retour de la guerre dans une partie de la RDC, ce n’est pas gagné…
Tout cela est l’occasion de rappeler que la certification n’est pas la panacée. FSC-Watch, une organisation qui entend jouer les trouble-fêtes dans la mécanique mise en place par le Forest Stewardship Council, rappelle régulièrement que le fameux sésame FSC n’est pas toujours appliqué à la lettre. Ainsi, le WWF a retiré son soutien il y a quelques jours à Barama, un exploitant qui opère des concessions en Amérique du sud, qui avait été suspendu en 2007 par le FSC pour non-respect de son cahier des charges. En octobre dernier, une solide étude internationale (2) parue dans la revue PLosOne avait montré combien les routes tracées par les exploitants forestiers perturbent les migrations des éléphants dans la forêt du bassin du Congo. Une route est une route, qu’elle conduise à une exploitation certifiée ou pas…
De fait, la certification est de plus en plus contestée au sein des ONG, notamment par Greenpeace, qui critiquent le FSC et ses partenaires, comme Rainforest Alliance, dont le programme Smartwood vise à aider les exploitations à remplir les conditions du label. Elles soulignent que même raisonnée (le FSC correspond à moins d’un arbre abattu par hectare tous les vingt-cinq ans), l’exploitation perturbe en profondeur la vie sauvage dans les forêts primaires. Chaque saignée ouverte pour les camions dans la forêt, c’est non seulement une route qui risque d’induire en erreur les éléphants, mais c’est aussi la porte ouverte aux trafics de viande de brousse qui menacent la faune africaine.
(1) Le Centre français de recherche pour l’agriculture au service des pays du Sud
(2) Etats-Unis, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Kenya.