Au secours, nos experts nucléaires ne savent plus compter!

Décidément, la sphère nucléaire n’a toujours pas compris qu’il convient de manipuler l’uranium avec des pincettes. Sans doute l’incident survenu au Tricastin est-il anodin. Je ne suis pas qualifié pour en juger. Mais avouez que la manière dont tous les acteurs de cette histoire présentent la fuite d’uranium est plutôt étrange.

Il y a une phrase dans le communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire qui m’agace. «Environ 30 m3 de solution uranifère, présentant une concentration d’environ 12 grammes d’uranium par litre, se sont alors déversés sur le sol.» Dans le communiqué des préfets du Vaucluse et de la Drôme, on peut lire: «…un rejet accidentel d’effluents uranifères de 30 m3…qui contenaient 12 grammes d’uranium par litre…» 

Ah bon, toutes ces têtes bien faites ne connaissent pas leurs tables de multiplication? Allez, c’est facile. Trois fois Douze? Trente-six (1). Je rajoute un zéro, bref, tout ça fait quand même 360 kilos d’uranium qui se sont éparpillés dans la nature. Le Figaro, toujours prompt à bien informer ses lecteurs, ne mentionne que le volume d’effluents, aucun autre chiffre… Au Monde, en revanche, Hervé Morin n’a pas oublié de faire le calcul. Quant à Libé, il se contente de reprendre la dépêche AFP, qui connaît la table de trois.

Si les calculs de la Criirad sont exacts et qu’il s’agissait d’uranium non enrichi (on attend toujours les chiffres de l’ASN), la radioactivité libérée représente 128 fois la limite annuelle fixée pour l’entreprise. Sinon, c’est pire.

Cet art de l’esquive est d’autant plus agaçant que quand les rejets (ou les contaminations) sont inférieurs ou très légèrement supérieurs aux limites admissibles, c’est systématiquement mentionné dans les communiqués rassurants de l’ASN (vous pouvez juger sur pièces en consultant les avis d’incident). Dorénavant, quand vous vous faites choper par un gendarme pour un excès de vitesse, dites-lui. «Mais monsieur l’agent, je roulais à dix fois quinze kilomètres par heure…»

(1) pour ceux qui ont oublié, vous avez tout ici.

Image en page d’accueil: la machine à compter de Léon Bollée (Musée des Arts et Métiers de Paris). © Rama  (Creative Commons)

4 commentaires


  1. Notre pays sait préserver ses frontières, que celles-ci soient façonnées par l’Histoire ou par la Nature. En 1986, déjà, aucun nuage arrivant de Tchernobyl n’a été autorisé à pénétrer dans notre sanctuaire National.
    Est-il forcément plus difficile de stopper une invasion nuisible en milieu liquide qu’en milieu aérien ? D’autant qu’en 22 années la Communication a fait de grands progrés…


  2. @Emile, le problème qui doit nous préoccuper n’est pas de savoir si le nuage a été ou non arrêté à la frontière mais s’il a eu ou non des conséquences dangereuses.Si je vous comprends bien, vous vous sentez offensé parce que vous pensez que l’ON a caché la vérité ( qui est cet ON d’ailleurs?), mais vous vous préoccupez peu de connaître l’ampleur réelle du risque couru. Il en est de même de la fuite du Tricastin.

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