On a beau relire le “plan d’action de Bali”, rien n’y fait. Ces cinq pages, fruit d’interminables palabres en séance et dans les couloirs de la conférence climatique de l’ONU, restent aussi vagues que possible, sans aucune référence à un objectif de réduction des émissions (1). Mais le compromis est trouvé, il y a un texte, l’Europe n’aura pas à boycotter le Sommet bidon sur le climat concocté par Bush en guise de camouflet pour l’ONU, et le retard s’accumulera encore.
Après tout, on s’en moque puisque ce sont les pays pauvres qui verront les cadavres, les exilés, les affamés. J’avais titré «Sommet de tous les égoïsmes» le premier papier consacré à la quinzaine de Bali. J’espérais être démenti. J’espérais que l’isolement américain pousserait l’Europe, l’Australie, le Japon et le G77 (150 états en développement) à passer outre le discours méprisant de l’administration Bush. De nombreux porte-voix américains avaient d’ailleurs fait le déplacement pour pousser à cela: élus du congrès, ONG, et l’inévitable Al Gore…
Mais Bush a encore gagné. Les pauvres ont encore perdu. Et l’Europe a encore baissé sa culotte. A moins qu’elle ne mente, que le réchauffement ne soit pas si avéré que cela, que la planète n’ait miraculeusement décidé de refroidir… Mais qu’on ne s’y trompe pas. Dans le même temps, les géophysiciens étaient eux aussi en conclave, de l’autre côté du Pacifique, à San Francisco. Et ce qui ressort de cette messe scientifique, c’est encore une fois que le consensus des travaux des experts de l’ONU sur le climat (GIEC) est en retard sur une science qui nous abreuve de mauvaises nouvelles. A Bali, c’étaient donc bien jours de soldes. La grande quinzaine du pays en développement sacrifié sur l’autel de la diplomatie des géants… Encore une occasion de ratée…
(1) Juste une note de bas de page, comme celle-ci, mais sans chiffres non plus. Juste un renvoi au pavé du rapport des experts de l’ONU (avec le numéro de page quand même, ils ne sont pas avares les rédacteurs du texte). Ah, au fait, les chiffres qui ont fâché, c’était une fourchette de réduction des gaz à effet de serre de 25% à 40% d’ici 2020 pour les pays industrialisés. Comme chacun sait, vu qu’il faut faire 50% à 85% d’ici 2050 pour espérer stabiliser un climat réchauffé, cette première étape est un minimum…
(2) La Maison-Blanche a d’ailleurs remis le couvert ce week-end sur la nécessité d’imposer des contraintes aux pays du Sud
Et le pire reste la déclaration édifiante de Jean-Louis Borloo, qui considère qu’il s’est passé « quelque chose d’historique » à Bali ! Les internautes de Libé l’ont du coup affublé de quelques aimables sobriquets : benêt du village global, Oui-Oui, éolienne du gouvernement (pour sa capacité à brasser du vent ;o)
Terrible. J’écris ça chez moi :
« Plus on parle de changement, plus on organise le conservatisme. Ne rien faire, ne pas bouger, rester fermes sur l’accélérateur, même si la bagnole nous emmène dans le mur. Mais toujours expliquer aux passagers que, bientôt, tout à l’heure, très vite, on va tourner. Là, oui. Ah non, c’est la prochaine. Mais c’est promis, on va tourner. Et ça va être his-to-rique, mesdames et messieurs ! »