A première vue, c’est une sacré surprise. Selon un papier paru dans la revue Nature Nanotechnology, les chercheurs semblent plus inquiets que le public sur les risques, pour la santé et l’environnement, des nanotechnologies. Comme le dictionnaire de mon traitement de textes ne reconnaît pas ce mot, j’en déduis unilatéralement que la majorité des lecteurs d’Effets de Terre n’ont pas non plus une idée très précise de ce que sont les nanotechs (1).
C’est sans doute pour cette raison que les mille quinze américaines et américains interrogés par téléphone (2) se sont avérés, si ce n’est confiants, du moins assez indifférents aux nanotechs. Enfin, c’est un peu plus compliqué que cela: le public craint plus que les chercheurs (spécialistes du sujet) les conséquences des nanos sur la vie privée, le terrorisme, la course aux armements, le chômage, et les robots capables de se reproduire. A l’inverse, les chercheurs se montrent plus inquiets des conséquences sur la santé et l’environnement. Alors qu’est ce qu’on fait? On lance une armée de militants de Greenpeace contre la Rice University, temple des nanomondes, pour alerter les médias? On se jette dans la Seine? On attend les femtotechnologies? (3) On joue aux cartes le temps que Sarkozy prépare un discours? Moi, j’opterai plutôt pour un sérieux effort pédagogique de la communauté scientifique pour faire connaître cette drôle de science, et éviter de remettre le couvert dans le conflit entre science et société. On a déjà les OGM sur les bras, n’en rajoutons pas.
Les nanotechs promettent plein de belles choses, mais bien évidemment, il y aura des risques qui restent à évaluer, et les chercheurs y travaillent déjà. Mais les auteurs de l’article de Nature Nanotechnology ont prévenu: le public (américain dans l’étude) aura plus confiance dans les scientifiques pour lui expliquer tout cela que dans les gouvernements et autres instances de régulation.
Image © Cornell University. 1997
(1) En très gros, c’est une discipline qui vise à maîtriser la matière à l’échelle du millionième de millimètre. Mille fois plus petite que ce que font, par exemple, les fabricants de puces électroniques ou de panneaux solaires. On cite souvent l’exemple de “sous-marins”, propulsé par un moteur, qui seraient capable de voyager dans les vaisseaux sanguins pour aller déposer une molécule à l’intérieur d’une cellule cancéreuse. Si, si. le moteur existe déjà, une source d’énergie possible a été dévoilée il y a très peu de temps, et on fabrique déjà des guitares.
(2) Etude conduite par téléphone, échantillon représentatif et tout le toutim, pour le public, et par mail pour les 369 scientifiques tirés au sort parmi les auteurs de plus de 90 000 publications dans des revues spécialisées. C’étaient donc des pros du sujet, pas des Claude Allègre parlant de climat.
(3) Le “femto” est un million de fois plus petit que le nano.