es amateurs de gaz carbonique en auront pour leur argent, et les défenseurs du nucléaire applaudiront. La base de données CARMA (Carbon monitoring action) lancée aujourd’hui par la Confronting Climate Change Initiative du Centre pour un Développement Global, un think tank américain démontre, si besoin en était, que les hydrocarbures, à commencer par le charbon, est un véritable poison pour le climat.
C’est un travail colossal qui nous est présenté aujourd’hui. La CARMA compile les émissions de gaz à effet de serre et la production d’énergie de 50 000 centrales électriques de la planète. Chacune est présentée en détail, avec son propriétaire, sa production, ses émissions de carbone et l’intensité en carbone de son électricité (1). Bien évidemment, la France affiche un clignotant bien vert, avec seulement 11,47% de son électricité tirée des hydrocarbures, même si cette part devrait augmenter d’une paire de points à l’avenir, selon la CARMA. Et que le revers de la médaille reste la masse de déchets nucléaires dont on ne sait que faire…
Dans l’hexagone, CARMA recense 1861 centres de production d’électricité. Seuls 45 sont affublés d’un drapeau rouge, la plupart étant de petites installations. Au classement des plus gros émetteurs de carbone, la centrale EDF du Havre (drapeau orange) tient le pompon, devant le site EDF de Cordemais (jaune) et le site Provence SNET d’Endesa (drapeau rouge), à Meyreuil. En revanche, les sites d’EDF hors de l’hexagone ne sont pas aussi verts que les barrages et centrales nucléaires du territoire. En Pologne, par exemple, les deux sites appartenant à l’électricien français sont au rouge. Il en est de même pour les sites de Cottam et West Burton, en Grande-Bretagne.
A l’échelle planétaire, c’est l’Océanie qui produit l’électricité la plus carbonée: l’intensité atteint 2000 livres par MWh, soient 907 kg/MWh dans le système métrique, à comparer avec les 74 kg/MWh de la France, et les 516 kg/MWh de l’Allemagne. Mais bien évidemment, c’est l’Asie qui domine outrageusement le classement en volume de carbone rejeté: 5,5 milliards de tonne de CO2 par an, contre 238 millions en Océanie, et 3 milliards en Amérique du Nord. La Chine (2,7 milliards de tonnes) s’est hissée au niveau des Etats-Unis (2,8 milliards de tonnes), mais avec des émissions par habitant nettement inférieures. L’Europe, avec 1,78 milliards de tonnes est loin derrière. Que dire des 38 millions de tonnes de carbone évitées en 2004 dans l’UE à 15 grâce au protocole de Kyoto, qui sont grosso modo gommées par les rejets de la plus grosse centrale de Honk Kong…
Les plus gros radiateurs planétaires se trouvent tous en Asie: le premier à Taichung (Taïwan), le second en Corée du sud (Poryong), et le troisième à Hong Kong. On trouve aussi dans ce Top15 une centrale japonaise, une indienne, et une indonésienne. Mais la Chine se taille la part du lion… Le charbon est omniprésent dans de nombreux pays!
A noter également que les cinq plus grosses centrales de la planète n’émettent en théorie aucun carbone, et pour cause, ce sont des barrages, avec dans l’ordre Itaipu (Brésil), les Trois Gorges (Chine) et Raul Leoni (Vénézuela). Mais il y a un biais, car la base de données Carma ne tient ni compte des émissions de gaz carbonique indirecte lors de la construction des barrages (mais aussi centrales nucléaires, fermes éoliennes, etc.), ni des émissions de gaz à effet de serre des grands barrages dans les régions chaudes de la planète. Or ces installations émettent du méthane, un gaz qui réchauffe, à volume égal, vingt fois plus la planète que le CO2. (Voir ce billet de mai dernier à ce sujet).
Ces chiffres, qui seront régulièrement mis à jour, tombent à pic, alors que les délateurs de sceptiques du DeSmogBlog pointaient hier l’offensive de l’industrie du charbon aux Etats-Unis. Il n’existe pas plus de charbon propre que de nucléaire sans radioactivité (d’ailleurs, le charbon aussi est radioactif…). Et si les technologues aiment à faire croire qu’on pourra enfouir le carbone des centrales dans les sous-sols, ce n’est pas demain la veille qu’on pourra reprendre le business as usual sans hypothéquer l’avenir. Pendant ce temps, le réchauffement de la planète donne des signes d’accélération…
(1) Le nombre de tonnes de carbone émises pour produire un mégawatt-heure d’électricité. La base Carma affichant les masses en livres, il convient de multiplier l’intensité donnée dans la base de données par la conversion en tonne d’une livre américaine (elle pèse 453,5 grammes), pour obtenir une intensité en tonne par MWh.
>Il n’existe pas plus de charbon propre que de nucléaire sans radioactivité (d’ailleurs, le >charbon aussi est radioactif…).
Pourriez-vous donner un ordre de grandeur? Pour un mégawatt produit au charbon vs par fission classique vs par surgénération, quelle quantité de radioactivité est produite?
Je n’ai pas de chiffres précis, et, je l’avoue, peu de temps en ce moment pour les chercher. Mais ce qui est sûr, c’est qu’une centrale à charbon rejette plus de radioactivité dans la nature qu’une centrale nucléaire… Tant que celle-ci n’est pas en panne.
Le charbon contient des traces d’ uranium mais aussi ses descendants, radium 226, radon 222, polonium 218 et 210, bismuth 214, plomb 210 aisni que des traces de thorium 232 et de potassium 40. Il en est de même de beaucoup de formations géologiques argileuses. Le problème est qu’une centrale à charbon de type courant consomme 400 000 tonnes de charbon par TWh d’électricité produite et que les quantités d’éléments radioactifs ainsi mobilisées sont au total considérables. Dans un article de 1993, Alex Gabbard de l’Oak Ridge National Laboratory, ( http://www.ornl.gov/info/ornlreview/rev26-34/text/colmain.html ) estime que les doses de radioactivité rejetées dans leur environnement par les centrales à charbon sont, à même quantité d’électricité produite, de l’ordre de 100 fois celles qui sont autorisées aux centrales nucléaires. Cela est laissé dicrètement dans l’ombre )ar les industriels du charbon et on peut comprendre pourquoi, mais aussi par les groupes antinucléaires, ce qui ne peut guère s’expliquer que par la crainte que cette information ne dédouane le nucléaire! cela dit il faut raison garder, et il ne s’agit pas là de dose semblant devoir affecter la santé publique. Mais pour ceux qui font des calculs de mortalité due à la radioactivité à l’aide de la théorie des faibles doses, je pense qu’il serait très utile de faire des études épidémiologiques autour des centrales à charbon.
Question à Denis Delbecq.Je suis intéressé à consulter la base Carma. Comment y accéder?
C’est écrit dans l’article. Il suffit de cliquer sur le lien! (carma.org)
J’ai consulté la base de données carma: elle est bien faite et très utile. Elle ne tient pas compte effectivement des quantités de CO2 produites lors de la construction des centrales, mais c’est de toutes façon assez peu de chose rapporté au kWh produit, surtout pour le nucléaire. une exception est le solaire photovoltaïque parce que le silicium des panneaux est fabriqué par une technique métallurgique utilisant du charbon. Une omission regrettable est par contre l’absence de prise en compte des émissions de méthane, qui comme chacun sait a un pouvoir de réchauffement à 100 ans 23 fois supérieur à celui du gaz carbonique, et un pouvoir de réchauffement à 20 ans 62 fois supérieur. Cela concerne surtout les centrales à gaz, dont les performances en réduction d’émissions en gaz effet de serre devraient être sérieusement revues à la baisse, étant donné les inévitables fuites de gaz en particulier au cours de l’approvisionnement.