Agrocarburants, danger confirmé

Les agrocarburants font à nouveau parler d’eux. Cette semaine, dans la revue Science, deux études d’origine américaine pointent les conséquences climatiques d’un développement incontrôlé des carburants d’origine végétale. Elles confirment que le bilan en terme d’effet de serre peut-être négatif, lourdement, suivant le type de terres converties à la production d’agrocarburant.

Dans un premier papier (1), les chercheurs ont réfléchi, et calculé, en terme de dette de carbone, les conséquences d’un changement de pratiques agricoles pour convertir des terres à la production d’agrocarburants. Car, par exemple, quand on rase une forêt, on libère beaucoup de gaz carbonique, qui sera peut à peu compensé par l’économie de gaz à effet de serre produite par l’agrocarburant par rapport à du pétrole.

Suivant la zone géographique, le type de terres converties et le type de culture énergétique, cette dette peut-être nulle, ou au contraire très lourde: ainsi, les chercheurs calculent que convertir des tourbières en plantations de palmier à huile en Indonésie ou en Malaisie pour produire de l’agrodiesel génère une dette de carbone qui mettra 423 années à être « remboursée ». La déforestation de l’Amazonie pour produire du soja à but énergétique imposerait une dette de 319 années, quand la canne à sucre n’est néfaste que 17 ans…

Or c’est aujourd’hui qu’il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre (le gaz carbonique conserve son pouvoir réchauffement plus d’un siècle), tandis que dans quatre siècles, on peut raisonnablement penser que les humains auront modifié leur mode de vie et trouvé des moyens de produire une énergie abondante à faible teneur en carbone (Energie des océans, culture d’algues, fusion nucléaire etc.).

Le maïs américain sur lequel mise l’administration Bush aurait lui aussi des conséquences négatives en terme de réchauffement: il faudrait entre 48 et 93 années pour effacer le surplus de gaz carbonique émis par la mise en culture, suivant qu’il s’agit de jachères, ou de transformation des prairies. On imagine que le bilan de l’éthanol de maïs français doit être du même ordre de grandeur.

Seule la mise au point d’agrocarburants de seconde génération trouve grâce aux yeux de l’équipe américaine qui a produit ces estimations: là, la conversion directe de la biomasse des prairies, ou la conversion de déchets d’autres cultures ne produit pratiquement pas de dette en terme de réchauffement climatique. Mais aujourd’hui, ces procédés ne sont pas encore viable économiquement.

Dans un second article, une autre équipe s’est focalisée sur l’agriculture américaine, et l’impact du changement de destination de terres agricoles. Et affiche des résultats pire encore puisqu’elle estime que la dette provoquée par la conversion de terres au profit du maïs à des fins énergétiques atteint 167 ans… Au cours des trente premières années, ces champs de maïs rejetteraient deux fois plus de gaz à effet de serre que leur équivalent pétrolier! Selon ces travaux, c’est le changement de destination des terres, plus que les dépenses pour la culture, la récolte et la fabrication des carburants, qui pèse lourd dans ces bilans désastreux.

(1) David Tilman et al., Science Express, 7 février 2008.
(2) Timothy Searchinger et al., Science Express, 7 février 2008.

5 commentaires

  1. L’éthanol de maïs américain n’a aucune prétention écologique, c’est plutot un moyen de transformer le charbon en carburant… Quant au soja et à l’huile de palme ils sont peu utilisé pour faire des biocarburants (et peu adapté à un usage dans le nord), j’aurais préféré avoir une étude sur l’éthanol de mélasse au Brésil ou sur le sorgho à sucre…
    Mais en plus j’ai des doutes sur les hypothèses qui sont prises pour comparaison avec/sans culture énergétique.

    La situation évaluée par ces travaux est : d’un coté biocarburant contre de l’autre forêt primaire.

    C’est à dire qu’il prend comme hypothèse que l’on décide d’une culture de soja ou d’huile de palme, puis qu’on rase la forêt pour installer ces terres. Sauf que dans la réalité ce n’est pas du tout ça qui se passe : on rase d’abord la forêt puis comme il y a des routes et que c’est dégagé, des gens viennent y installer des cultures.

    La situation réelle est donc : d’un coté biocarburant contre de l’autre désertification.

    C’est le cas pour l’Indonésie ou des surfaces grande comme un pays ont été rasé, officiellement « pour faire de l’huile de palme » mais où aucune culture d’huile n’a finalement été installé… Ce qui n’empèche pas d’autres surfaces de forêt de continuer à être concédé pour continuer à installer des plantations de palmes qui ne seront là aussi jamais réalisés. Rien que l’industrie du papier là bas a besoin de plus de bois que les quotas officiels et comme par hasard l’industrie de l’huile de palme appartient aux mêmes conglomérats qui contrôle l’industrie du bois et du papier…

    Et si on part dans la comparaison avec la réalité, il devient beaucoup moins facile de tirer des conclusions, puisqu’il faut prendre en compte que le monde rural a tendance à se rassembler dans les coins les plus fertiles et à négliger les endroits qui ne sont pas adaptés à la culture des plantes les plus productives et les plus aptes à entrer sur le marché. Celà amène la dégradation des surfaces abandonnées. Certaines cultures qui sont adaptés à un usage food and fuel permettent ainsi de garder l’activité rurale (et donc le couvert végétal) gràce au surplus de revenus financiers impliqué par la production de carburant. Si l’on se limite à la production de nouriture, ces endroits seront abandonnés parce que les types de cultures qui sont cultivés sur les terres fertiles sont beaucoup plus rentables que les types de cultures qui peuvent poussé sur des sols plus désertiques (c’est le cas du sorgho à sucre).

  2. A noter, bien que hors sujet, que la déforestation de la forêt amazonienne est due, pour une part importante, aux besoins d’élevage de bovins. Ce qui n’enlève bien sur rien à la dangerosité de la chose.

    Concernant les agro carburants, je trouve dommage qu’on ne parle quasiment pas du Jatropha, plante qui pousse sur des terrains difficiles, qui nécessitent peu d’eau, qui ne rentre en aucune façon en concurrence avec les productions alimentaires et qui a un très bon rendement. C’est d’ailleurs le cheval de bataille de Mercedes-Benz.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Jatropha_curcas
    http://www.daimler.com/dccom/0-5-7165-1-446319-1-0-0-446301-0-0-135-7165-0-0-0-0-0-0-0.html



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