Il y a de la réforme dans l’air! C’est bien la conclusion à laquelle sont parvenus les sages choisis par le Conseil interacadémique —qui regroupe la majorité des académies des sciences de la planète—. Il est urgent de revoir en profondeur le fonctionnement du GIEC, le groupe d’experts sur le climat. Le rapport de l’IAC a été rendu public lundi, après plusieurs mois d’enquête sur l’organisation onusienne. Un rapport d’évaluation qui a lui même été évalué par un panel de douze personnalités scientifiques de premier plan, avant d’être rendu public, sous le regard de deux réviseurs chargés de vérifier que les procédures académiques ont bien été respectées.
Ce luxe de précautions était nécessaire, pour que personne ne discute les conclusions de l’IAC, qui sont désormais dans les mains des grandes organisations fondatrices du Giec, comme l’ONU ou l’Organisation météorologique mondiale. Le rapport sera discuté cet automne, lors de la 32e sessions plénière du Giec.
Ce devrait être un grand chambardement pourrait-on dire, car l’IAC n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Mais attention, les détracteurs du Giec en seront pour leurs frais, car tout ce que proposent les sages est un renforcement de l’organisme, dont les conclusions sur le climat et son évolution n’ont pas été remises en cause. Bref, c’est de plus de Giec qu’il nous faut, estiment les auteurs.
De l’art de gouverner une institution
Il faudra d’abord revoir la gouvernance, propose l’IAC, qui demande que les principales figures du Giec (président, vice-présidents…) ne restent en place que le temps d’un rapport (le prochain est prévu pour 2013/2014). Au passage, l’IAC demandent que des critères de sélection soient établis pour ces fonctions, ainsi que pour les auteurs principaux des rapports.
De plus, l’IAC réclame la mise en place d’une politique claire et rigoureuse en termes de conflits d’intérêts, pour que l’ensemble des acteurs principaux du Giec soient inattaquables. Sont visés évidemment la plupart des postes de responsabilités (et les auteurs principaux). Non que les activités de leurs occupants actuels aient pu être critiquées, mais pour que des règles claires s’appliquent à tous. On notera la mention spéciale réservée par les sages de l’IAC au «Chairman du Giec», mentionné es-qualité. Rajendra Pachauri, qui a poursuivi ses activités de conseil et de participation à des conseils d’administration dans le privé, bien qu’il n’en a pas tiré de profit personnel. L’intéressé à fait savoir qu’il s’en remettrait au Giec quand à son avenir dans l’institution. Mais il est probable —et hautement préférable— qu’il quitte la présidence du Giec cet automne. Car personne ne comprendrait qu’une personnalité à ce point héritière du passé ne soit chargée de préparer l’avenir de l’institution.
Sur le chapitre de la gouvernance, l’IAC propose aussi de créer une structure exécutive à la tête du Giec, de douze personnes, qui serait chargée du bon fonctionnement de l’institution, et de communiquer en son nom. Petite parenthèse: c’est marrant ce nombre douze qui revient partout. Douze sages, douze réviseurs, douze membres au comité exécutif… Quelqu’un sait d’où vient cette tradition? Au passage, l’IAC demande fermement que les personnalités qui s’expriment au nom du Giec ne sortent pas de leur rôle d’observateur de la science pour donner la direction à suivre. Une pierre, un rocher dirais-je, de plus dans le jardin de Pachauri, qui ne s’est pas gêné pour dire sa manière de lutter contre le réchauffement.
Enfin, l’IAC demande au Giec de revoir la manière dont le fameux résumé à l’intention des décideurs politique est réalisé. Car aujourd’hui, c’est une âpre bataille où chaque phrase, chaque mot, chaque virgule sont discutés par des conseillers —politiques— des gouvernements. L’IAC demande que le poids des scientifiques dans ces débats soit renforcé, et que la place du politique soit amoindrie… On leur souhaite bon courage.
De l’art d’écouter ses détracteurs
Lors de la rédaction de ses rapports, le Giec devrait revoir la manière dont il prend en compte les remarques des uns et des autres. Et là, ce n’est pas simple puisqu’elles étaient des dizaines de milliers dans la préparation de l’édition de 2007. Aussi l’IAC propose de mieux les prendre en compte, pour s’assurer qu’elles reçoivent le traitement qu’elles méritent. Il y aurait deux types de remarques, d’un côté celles qui posent des questions sur le fond demandent une étude et une réponse détaillées, et de l’autre les questions subalternes. Les auteurs principaux devraient étayer leurs conclusions, et démontrer qu’ils ont tenu compte avec soin des remarques faites à leur travail. Enfin, les données utilisées doivent être largement accessibles, de manière à permettre à n’importe quel chercheur d’en évaluer la qualité.
De l’art d’évoquer les incertitudes
Là, il y a deux poids deux mesures. Et le mode de fonctionnement du groupe I, qui dresse l’état des connaissances sur le climat, n’est pas sur la sellette. Logique d’ailleurs puisque c’est fait de manière si carrée, et avec de solides arguments, que personne sérieusement ne conteste ce volet du travail du Giec. Pas même les négateurs, qui préfèrent se focaliser sur les talons d’Achille, les groupes II (vulnérabilités et impacts) et III (adaptation au climat). L’IAC a donc consacré ses efforts à ces deux volets, en rappelant qu’un certain nombres d’affirmations n’étaient pas étayées par des faits solides, et auraient donc dû être tempérées dans leurs conclusions, et flanquées d’une évaluation de leur probabilité, comme le fait le groupe I. Bref, chaque affirmation devrait être accompagnée d’un indice de confiance dans les données qui permettent de l’établir, étayée par une probabilité chiffrée partout où c’est possible. Ensuite, et c’est un point important, l’usage de littérature grise (des travaux non validés par un comité de lecture scientifique) devrait être clarifié par un code de procédure qui n’existait pas jusqu’à présent. Et enfin, toutes les évaluations à caractères régionales devraient être conduites non seulement par des experts originaires de ces régions, mais aussi par des scientifiques vivant ailleurs, mais dont l’expertise est reconnue.
Voilà, très résumées, les principales préconisations des sages, définies après avoir entendu (ou lu) plus de quatre cents personnes. Dont un certain Claude Allègre, et son alter égo américain Roger Pielke… On attend avec impatience d’entendre leur commentaire sur l’évaluateur évalué.
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