Vivant en ville, à deux pas d’un grand cimetière, véritable paradis pour les oiseaux, je suis souvent réveillé tôt le matin par le croassement d’un trio de couple de corbeaux qui adorent se poser sur les rambardes de ma fenêtre et des immeubles voisins. Mais je ne soupçonnais pas à quel point ces animaux sont devenus différents de leurs congénères qui vivent dans les vraies campagnes. Et pourtant. Leurs comportements évoluent selon le cadre de vie. Le moteur de ces mutations alimentaires est bien évidemment la disponibilité immédiate et quasi illimitée de junk food: avec moins de protéines et plus de féculents.
On doit cette découverte à un trio de scientifiques qui se sont penchés pendant des mois sur les mœurs alimentaires de la corneille d’Amérique, Corvus brachyrhynchos, le cousin américain de nos corbeaux (1). Ou plus exactement, qui ont grimpé puisque les nids se trouvaient jusqu’à 34 mètres de hauteur!
Ils ont étudié sous toutes les coutures les petits corbacks de quelques jours dans une quarantaine de nids, dans trois types d’habitat: la campagne, des aménagements paysagers «gérés» (genre terrain de golf) et des quartiers résidentiels de la région de New York. Mensuration, pesées, prises de sang et j’en passe. Et bien évidemment, les chercheurs ont soigneusement vérifié que les parents nourrissent leurs petits de la même manière (nombre d’aller-retours vers le nid, etc.).
Dans dix nids, cinq en ville et autant à la campagne, les petits corbeaux ont aussi bénéficié de compléments alimentaires dès l’âge de dix jours. Un aliment «spécial oisillon» était disposé sur le territoire des parents, et surveillé étroitement pour voir s’ils s’en emparaient. Un sans faute: trop content d’avoir de la bouffe sans se fouler, les adultes se sont jetés dessus. Quels flemmards!
Le verdict? Les oisillons des villes sont plus petits et plus maigres que les oisillons des champs. Mais attendez la suite, qui est à couper les ailes: les petits corbacks mangent si équilibré à la campagne que la prise compléments alimentaires les rends plus chétifs! En ville, c’est le contraire. Mal nourris, du moins en termes de qualité nutritionnelle, parce que leurs parents se contentent souvent de ramasser nos vieilles frites et autres reliefs de junk food, les oisillons des villes s’engraissent dès qu’on ajoute un peu plus de calories… On ne serait pas un peu corbeau nous aussi?
(1) Ecological Applications, 19(4), 2009, pp 829-839
Le «corbeau américain» a de la suite dans les idées pour se nourrir. Jugez plutôt.
Je pencherais plutôt pour le corbeau « anglais » dans la vidéo : les voitures sont européennes, ils roulent à gauche et son accent est « so british ».
Bonne remarque!
Rectificatif: sujet britannique tourné au Japon, d’après le commentaire.