Colza, l’OGM baladeur

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

C’est joli la fleur de colza. On voit ça un peu partout, et notamment au bord des routes. Parce que le colza est une plante qui se déplace facilement, parfois à des kilomètres des champs où elle a été plantée. Dans le Nord-Dakota, aux Etats-Unis, une étude relance la polémique sur la dissémination des OGM. Des chercheurs ont étudié des plants de colza qui poussent —tous seuls— au bord des routes: 86% contenaient des gènes étrangers à la plante, bref des OGM.

Cette annonce a été faite il y a quelques jours, lors du meeting annuel de l’Ecological Society of America. Une chercheuse et son étudiante à l’Université d’Arkansas ratissaient le Nord du Dakota, haut-lieu de la culture du colza pour étudier les mauvaises herbes visée par les plantations d’OGM résistant aux herbicides. Soient 90% des champs de colza dans la région, qui concentre la quasi-totalité de cette culture aux Etats-Unis, raconte la National Public Radio. Vu la proportion d’OGM, les deux scientifiques ont eu beaucoup de mal à trouver des mauvaises herbes. En roulant au bord d’une autoroute, elles ont aperçu des plants « sauvages » de colza sur le bas-côté, et décidé d’en ramasser pour les étudier de près, à l’aide d’un test rapide —et portatif— qui peut dire s’il y a des protéines d’origine transgénique dans le soja colza. Positif. Un an plus tard, après 4500km de route, 406 plants ont été collectés. Plus de huit sur dix étaient des OGM, contenant soit une protéine de résistance au glyphosate (Roundup Ready de Monsanto), soit une protéine de résistance au gluphosinate (Liberty Link de Bayer Crop Science). Deux plants contenaient même les deux protéines, signe d’une transmission d’un transgène pendant le cycle de reproduction de la plante.

A vrai dire, il n’y a rien de surprenant de trouver près de 90% de plants transgénique dans une région cultivée à 90% de soja colza transgénique. Les graines voyagent, transportées par le vent ou tombent des camions le long des bords de route, et du soja colza transgénique a déjà été repéré au Japon, pays importateur mais pas cultivateur de soja colza OGM. Chez Monsanto, on ne conteste pas les résultats obtenus par les deux scientifiques américaines. Sur le blog de l’entreprise, on renvoie à un communiqué de presse (qui semble avoir disparu), et on précise que cette dissémination de soja colza transgénique ne font pas pour autant de la plante modifiée une espèce invasive. Ce qui n’est pas absurde, puisqu’en dehors des zones de culture, dans les terrains « sauvages », il n’y a en principe pas d’épandage massif d’herbicides. L’entreprise rappelle aussi que cette diffusion des plants avait été signalée —et acceptée— lors du processus d’autorisation de cultures aux Etats-Unis, au milieu des années 90. Monsanto souligne que le croisement de variétés transgéniques est connu, mais qu’il ne pose de réel problème que pour l’efficacité à long-terme des herbicides. Enfin, l’entreprise rappelle qu’elle ne cherchera pas à poursuivre les agriculteurs dont les champs ont été contaminés par ses OGM (1) et que son «seul objectif est de protéger ses brevets et sa propriété intellectuelle». Et de gagner de l’argent, bien sûr!

[MAJ 10/08/10 @12h00] Mes neurones moteurs m’ont joué de vilains tours, puisque j’avais rapidement basculé en mode soja au lieu de colza. C’est désormais corrigé, merci à Gérard D. pour sa vigilance!

(1). En 1999, Monsanto avait attaqué l’agriculteur canadien Percy Schmeiser en justice, l’accusant d’avoir délibérément planté du colza “Roundup Ready” dans ses champs. La firme avait gagné en première instance puis en appel, mais la Cour Suprême canadienne a finalement, en 2004, annulé les indemnités accordées à Monsanto —voir l’affaire vue par le géant—, sans pour autant casser les décisions précédentes. Quatre ans plus tard, une procédure lancée par Schmeiser pour obtenir la décontamination de son champ s’est soldée par un accord à l’amiable, Monsanto acceptant de signer un chèque de 660 dollars canadiens à l’ordre de l’agriculteur.

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