Le vocabulaire, une arme contre la marée noire

© US Coast Guards
© US Coast Guards

Ils sont quand même doués ces américains. Dès qu’un garde-côtes bouge le petit doigt à moins de cent kilomètres de la marée noire, hop, ils vous balancent un briefing, une photo, un communiqué.

«Dormez bonnes gens, on s’occupe de tout.» Chez BP, c’est pareil, sauf qu’on se sent un peu couillon. Hier, par exemple, le communiqué que j’ai reçu à 12h24 commençait par ces mots: «BP a entamé les opérations “Top Kill” pour stopper le flux de pétrole qui sort du puits MC252 le 26 mai à 13h00…» Comprendre, on a échoué, l’opération n’a pas marché… Vous imaginez le même chapeau si ça avait marché?

Autre exemple de cette maîtrise toute anglo-saxonne de la communication. L’art de créer des noms, sigles ou expression. Les météorologues ont inventé les prénoms pour les grosses tempêtes et les cyclones? Y’a qu’à faire pareil. C’est comme ça qu’on parlait de “Top kill” depuis quelque jours. Comme si un Terminator des abysses allait s’attaquer à cette méchante fuite. En fait de Top kill, ça a été plutôt du Top mud, et les millions de litres de boue injectées n’ont servi à rien. Remarquez, ça aurait pu aggraver la situation et il n’en a rien été. Enfin, aux dernières nouvelles parce que sur le débit de pétrole, la communication est un peu olé-olé.

En tous cas, exit le “Top kill”, place désormais au LMRP. Autrement dit Lower marine riser package, une sorte d’entonnoir géant branché sur un tuyau qui remonte à la surface. C’est présenté comme une nouvelle innovation, mais l’idée avait déjà été testée, sans succès, il y a quelques semaines. Mais les “Géo Trouvetou” de BP ont paraît-il imaginé un truc beaucoup plus efficace… Heureusement que les puits de secours avancent, parce qu’à ce rythme ça pourrait couler des années.

Vendredi, le New York Times a publié un papier épatant. Il mérite d’apprendre à lire l’anglais! Elisabeth Rosenthal s’interroge sur cette obsession du miracle technologique qui peut tout tenter, tout faire, tout réussir. Et bien évidemment démarre sur la nappe de pétrole. «Si on a bien appris quelque chose à propos des profondeurs du Golfe du Mexique, c’est qu’il y a de surprises. Ce qui veut dire qu’un opérateur a besoin de profondeur. De profondeur en termes de ressources et d’expertise, pour forger une capacité à répondre à l’inattendu.» Cette citation, reprise par le NYT, date de 2005, c’était un speech du responsable de BP en charge des forages dans le Golfe du Mexique. Prémonitoire?

2 commentaires

  1. Ce qui m’étonne le plus dans cette catastrophe, c’est qu’Allègre ne soit pas encore intervenu pour exprimer au travers de son expertise internationalement reconnue son scepticisme sur les risques de pollution. Il fatigue ?

  2. Bonjour,

    Une petite réflexion.
    De la préhistoire lointaine jusqu’à 1950, on a consommé une petite quantité de combustibles fossiles: petite, mais assez grande pour faire des milliers de guerres dont deux guerres « mondiales », et pour construire ce qui passe pour la civilisation moderne.
    De 1950 à 1960, on a consommé plus de combustibles fossiles que dont toute la période de la préhistoire jusqu’à 1950.
    De 1960 à 1970, on a consommé plus de combustibles que pendant toute la période de la préhistoire jusqu’à 1960.
    Depuis, et surtout depuis la première crise pétrolière de 1973, cela s’accélère moins.

    Ce qui fait que cette marée noire produit tous les jours de 11 à 20 secondes de consommation mondiale. Cela me fait peur, et que ce désastre correspond à moins d’une demi-heure de consommation.

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