Volcan qui crache, Kenya qui pleure

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Ce qu’il est convenu l’affaire du nuage islandais —depuis que les compagnies aériennes ont protesté contre les interdictions de vol— ne se contente pas de désorganiser le tourisme et l’activité économique en Europe, et les relations avec les autres continents. Depuis quelques jours, des milliers d’ouvriers agricoles sont au chômage forcé au Kenya.

C’est le Guardian qui s’est intéressé à l’histoire, dans son édition de dimanche. L’économie Kenyane dépend en effet de plus en plus de ses exportations alimentaires et horticoles vers le vieux continent. Vous savez, le célèbre haricot vert du Kenya, bien rangé dans ses emballages de plastique.

Pas moins de 5000 personnes auraient été virées dans les fermes qui produisent pour l’exportation, raconte le correspondant du Guardian à Nairobi. Normalement, le Kenya exporte presque 500 tonnes de fleurs par jour en Europe. C’est le premier revenu à l’exportation du pays qui exporte aussi toutes sortes de légumes (haricots, petits pois, brocoli), dont certains ne souffrent pas qu’on retarde la récolte.

Ces chiffres paraisse bien faibles, vu d’ici. Mais pour un pays comme le Kenya, ces exportations sont absolument vitales. Et pas question de transporter des haricots verts frais en bateau!

Cette mésaventure qui frappe durement —et provisoirement— les agriculteurs kenyans est l’occasion de rappeler une erreur bien souvent commise à propos de l’impact climatique de ces cultures. Car, même transporté en avion, le haricot vert du Kenya ne pèse pas plus en terme d’émissions de gaz à effet de serre que bien des productions commercialisées en Europe. Parce qu’au Kenya, le haricot ne pousse pas dans des serres chauffées. Et c’est la même chose pour les fleurs, et notamment les roses, dont l’immense majorité poussent bercés par la chaleur de radiateurs dans les serres néerlandaises. Mon confrère Fred Pearce, du Guardian, l’avait montré dans un formidable bouquin, «Confession of an eco sinner», paru en 2008, dans lequel il suivait à la trace le trajet parcouru par des objets de la vie quotidienne (1). Un travail qui tordait le cou à bien des idées reçues sur notre consommation.

(1) Editions Eden Project, Grande-Bretagne

44 commentaires

  1. «même transporté en avion, le haricot vert du Kenya ne pèse pas plus en terme d’émissions de gaz à effet de serre que bien des productions commercialisées en Europe.»

    Par contre, l’actualité nous montre qu’il est extrêmement dépendant d’un transport longue portée très rapide. Que seul l’avion peut aujourd’hui offrir. Et il n’est pas sûr que l’on puisse disposer d’un tel outil ad vitam eternam.

    Bref, sans doute cette industrie devra-t-elle se reconvertir, au moins partiellement, dans les productions congelées (car des « légumes frais », lorsqu’ils sont congelés, peuvent se permettre de mettre un ou deux mois pour voyager sur les mers, ce qui autorise le transport par bateau, comme pour le poisson… à condition de pouvoir assurer la chaîne du froid jusqu’à la mer !) voire les productions en conserve. Oui, je sais : le brocoli en conserve, c’est moins sexy que le brocoli frais aux yeux du consommateur occidental. Mais au moins, c’est facile (et peu coûteux) à faire, à transporter… et surtout à conserver entre lieu de production et de consommation !


  2. «même transporté en avion, le haricot vert du Kenya ne pèse pas plus en terme d’émissions de gaz à effet de serre que bien des productions commercialisées en Europe.»
    On peut aussi choisir de manger les haricots qd c’est la saison ?

    1. Tout à fait ! D’ailleurs les choux de toutes sortes et autre oignons, poireaux, etc ça commence à bien faire : vivement les premières récoltes !

    2. « On peut aussi choisir de manger les haricots qd c’est la saison ? »

      Tout est dit. Faire un bilan comparatif du haricot sous serre chauffée au pétrole avec le haricot kenian, c’est faire l’autruche sur la vraie question, qui est de savoir si dans un monde qu’on voudrait durable pour nos enfants on doit manger des haricots verts en toute saison, disposer de roses le 24 décembre et de fraises le 1er janvier.

      Les roses de Hollande ne valent pas mieux ou pire que celles du Kenya : dans les deux cas, elles symbolisent la bêtise humaine.

      1. « Les roses de Hollande ne valent pas mieux ou pire que celles du Kenya : dans les deux cas, elles symbolisent la bêtise humaine. »

        Quel dommage que la Saint Valentin tombe un 14 février cette année 🙂

  3. Et le haricot vert chinois (et bio quelquefois)? Les congélateurs de nos grandes surfaces en regorgent.

  4. Bonjour,

    C’est même pire que je ne croyais. Si l’on peut critiquer la consommation des légumes ‘hors saison’, il y a beaucoup de marchandises périssables qui entrent et quittent le territoire par avion – et qui croupissent aujourd’hui (camembert, pamplemousses, ..)
    J’apprends de France Info que le bateau n’est même pas une solution, car le dédouanement se fait avec des documents officiels, qui, eux, transitent normalement par avion (c’est ce qui a fait le bonheur de DHL à ses débuts). Pas de papiers, pas de marchandises, et les entrepôts se remplissent.

    Et pour revenir à ce blog, le Royal Society publie toute une série d’articles sur « les effets de terre » induits par le changement climatique, où on donne des bonnes raisons de croire que l’explosion volcanique en Islande était induit par le changement climatique (bon, je sais, tous les dénigreurs de la planète vont débarquer pour dire qu’on ne peut pas démontrer que cigarette X a provoqué cancer Y, mais on sait tous que le lien est clair): http://rsta.royalsocietypublishing.org/content/368/1919/2311.full.pdf+html

      1. A voir sur le site de futura-Sciences, une description très pédagogique du volcanisme islandais faite par le volcanologue Jacques Sintès.

        « Le volcanisme Islandais »
        http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/volcanologie-1/d/le-volcanisme-islandais_304/c3/221/p1/
        L’Islande est un petit continent condamné à grandir. En 10 000 ans environ 200 volcans y sont nés.

        ou « Islande : Le plus grand glacier d’Europe fond sous le feu d’un volcan »
        http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/geologie/d/islande-le-plus-grand-glacier-deurope-fond-sous-le-feu-dun-volcan_505/c3/221/p1/
        Le volcan du Grimsvötn est situé au centre du glacier Vatnajökull dont la superficie est de 8 300 km2, ce qui équivaut à la surface totale de tous les glaciers d’Europe réunis, et supérieure à la surface de la Corse ; il a une épaisseur de 1000 m
        Fin 2004, J. Sintès concluait : « Cela voudrait dire que le volcan entre dans une nouvelle période d’activité plus importante susceptible de durer plusieurs décennies. »

        Encore un sujet qui risque de tourner comme celui de « l’œuf et la poule »…
        – Les glaciers fondent (du fait du réchauffement climatique), donc ils favorisent le volcanisme…
        – L’Islande a un volcanisme sous-glaciaire, donc cela faire fondre les glaciers…

        Ou que les deux s’autoalimentent ?
        En attendant que les scientifiques tranchent, si c’est possible, ce qui semble certain, c’est que les éruptions continueront dans les décennies à venir et que l’épisode actuel pourrait se réaliser de nouveau.

    1. Le numéro 1078 de Sciences et Vie (juillet 2007) avait abordé la question de l’évolution du volcanisme dans un article intitulé « Pourquoi les volcans se réveillent-ils en même temps ».
      Claude Jaupart, géophysicien de l’institut de physique du globe de Paris y précise : « Statistiquement, sur les 1500 volcans actifs au monde, il y en a toujours une dizaine en éruption simultanément.»
      Dans l’article : « Depuis 1960, le nombre de volcans en activité n’a, en fait, que peu varié. Grace au réseau mondial de surveillance, les volcanologues disposent de données précises sur l’activité des volcans depuis 40 ans. Ainsi, sur les 1500 sites actifs (s’étant manifestés au moins une fois sur les 10000 dernières années) le nombre de volcans en éruption évolue de manière aléatoire et dans une fourchette étroite (entre 40 et 70) d’une année sur l’autre. La ceinture de feu du pacifique, l’Indonésie, le Rift est-Africain, Hawaï et le Réunion constituent les zones les plus actives….. »

  5. La force avec laquelle le principe de précaution a été appliqué dans le cas présent est tellement à l’opposé de la manière dont nos sociétés se sont prémunies face à l’épuisement des ressources et aux futures pénuries qu’il est presque surréaliste.

    Perso, je suis prêt à croire que nos gouvernants ont profité de cet évènement pour tester grandeur nature ce qu’une interruption du trafic aérien aurait comme conséquence. C’est plausible car nos gouvernants semblent enfin intégrer la dure réalité de la fin de l’abondance mais sans pouvoir le dire officiellement, ce qui complique leur tâche.

    Étrangement, on entend ici et là que cette crise du transport aérien a été l’occasion d’appréhender l’économie du future à savoir la Slow Economy. Certains médias n’ont d’ailleurs pas hésité à parler en terme économique des bénéficiaires de cette crise qui c’est sûr ne sont pas nombreux.

    Des pénuries de pétrole auront un impact autrement plus violent qu’une interruption du trafic aérien pendant quelques jours, il serait temps de le réaliser de s’y préparer collectivement. Le problème est qu’aucun gouvernant n’a encore eu le courage de se griller avec ce sujet qui confronte la classe politique au mépris de cette thématique pendant des décennies.

    NB. Je conseille le blog de Matthieu Auzannean « Oil Man ».
    http://petrole.blog.lemonde.fr/

    1. « Des pénuries de pétrole auront un impact autrement plus violent qu’une interruption du trafic aérien pendant quelques jours… »

      Est-ce si sur ?
      Lorsque l’activité volcanique se déclenche, l’impact est immédiat. Il n’y a pas le temps d’anticiper. On est dans « le tout ou rien », pratiquement du jour au lendemain.

      Pour le pétrole, ce n’est pas du tout le cas. Personne ne sait vraiment pendant combien de temps il sera utilisé (50, 75, ou 100 ans ?) car cela dépend des quantités connues ou à découvrir réellement exploitables et de la quantité utilisée annuellement.
      Sur ces longues périodes, il y a donc largement le temps d’anticiper.
      D’ici là, d’autres énergies de substitutions prendront le relais et d’autres manières de fabriquer des produits chimiques seront mises en œuvre.
      Ce n’est donc pas une situation où le pétrole serait indisponible du jour au lendemain. La longue phase de transition permet l’anticipation, donc d’éviter un impact violent.

      1. Je vous trouve bien optimiste… limite devin : « prendront le relais », « seront mises en œuvre »… J’aimerais avoir votre clairvoyance…

        « Sur ces longues périodes, il y a donc largement le temps d’anticiper. »
        Je me dis que si le passage du pic est avéré ça peut aller très vite. Par exemple si dans les 5 ans qui viennent le baril retrouve son prix de l’été 2008 ou le double ou le triple, l’activité « avion » va devenir trop chère pour un paquet de monde. 5 ans pour s’adapter je ne trouve pas la période si longue que ça…

        « La longue phase de transition permet l’anticipation, donc d’éviter un impact violent. »
        C’est rigolo, on dirait que vous ne vivez pas dans le même monde court-termiste que moi !

        L’autre aspect est que le nuage de cendres ne touche que l’aviation alors que la flambée des prix touchera toute l’activité transport. Peu de moyen de substitution…

      2. Belle manière de détourner les propos de quelqu’un.
        J’explique pourquoi je pense que la « pénurie du pétrole » (Pénurie = manque).n’aura pas d’impact violent, car cela se fera sur une longue période permettant à la société d’anticiper et de trouver des solutions de remplacements pour l’énergie et la fabrication de produits chimiques.
        Vous déviez sur un hypothétique triplement du prix du pétrole dans 5 ans et sur « L’activité avion » qui deviendrait trop chère.
        On ne parle plus pénurie, mais coût. Je ne suis pas devin, mais cela me parait peu probable. Les pays producteurs de pétrole veulent le vendre le plus longtemps possible et n’y aurait donc aucun intérêt.

        Oui je reste optimiste. Jai toujours refusé de me cantonner à une vision « court-termiste » ou tournée systématiquement vers le négatif.
        Quand je me replace 50 ans en arrière, quelles capacités d’innovations et de changements technologiques ont été mises en œuvre ! Pourquoi cela s’arrêterait-il ? (ce qui ne veut pas dire que tout a bien dans le meilleur des mondes)

        Quand aux énergies de substitutions, là non plus, il n’y a rien de divinatoire. Des recherches existent dans les laboratoires et les énergies renouvelables se mettent en place.

      3. Je n’avais pas l’impression de détourner vos propos tant que ça mais bon…

        Vous pensez que la pénurie de pétrole se fera sur une période suffisamment longue pour que la société anticipe et s’adapte, libre à vous, je préfère penser qu’il est tant d’anticiper avant d’avoir à se poser la question. Je n’ai pas l’impression que ce soit le chemin qui est pris, d’où mon relatif pessimisme.

        Ensuite, pour moi, pénurie et coût sont liés. Nous sommes d’accord pour dire, j’imagine, que la demande en pétrole va croissante (pays émergents etc). Qui dit pic, dit production décroissante. Qui dit production décroissante et demande croissante dit il n’y en aura pas pour tout le monde donc il y en aura pour celui qui paie le plus cher. Donc pénurie pour certains.

        Que d’innovations et de changements technologiques ces 50 dernières années, c’est vrai. Pourquoi cela s’arrêterait-il ? Peut-être par manque d’énergie pas chère. La question « pourquoi cela devrait-il toujours continuer ? » me semble tout aussi légitime.

        Quand aux énergie de substitution, je n’en connais pas d’efficace pour faire voler toujours plus d’avions, rouler toujours plus de camions, etc. Mais si vous me dîtes qu’un petit génie a ça dans ces tiroirs et qu’il suffit d’attendre un peu me voila rassuré.

      4. Je retiens cette idée de pénurie pour certains (il n’y en aura pas pour tout le monde). Elle est plus juste que mon premier raccourci un peu rapide (pénurie = manque).

        Selon l’institut Français du Pétrole, le pic pétrolier est envisageable vers 2050 au plus tard, « car, du fait de nouvelles technologies, une partie de ce qui n’était pas récupérable ou exploitable hier l’est aujourd’hui et une partie de ce qui ne l’est pas aujourd’hui, le sera demain ». Ensuite, la baisse continue de production s’étalerait bien au-delà de la fin du siècle.
        Je partage l’idée que s’il n’y a pas d’anticipation, il y aura « des réveils difficiles » et qu’il faut donc penser dés maintenant à l’après pétrole. Pour autant, je ne croie pas à une pénurie à court terme. Il reste encore le temps pour réagir.
        Toujours selon l’IFP, « faute de solutions alternatives permettant une substitution rapide et massive du pétrole, en particulier dans les transports, les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) resteront prédominantes dans les prochaines décennies. Il n’y aura donc pas de substitution brutale au pétrole. La transition vers une autre source d’énergie va se faire progressivement et sur plusieurs décennies. Nous entrons dans une ère où l’utilisation du pétrole, en particulier dans le secteur transports, coexistera avec de nouvelles énergies. »

        Sur le manque d’énergies qui « briderait » les futures innovations technologiques, il faut relativiser car en se développant, leur coût relatif va diminuer. En dehors du nucléaire qui pose débat, il y a le charbon liquéfié, le solaire, l’éolien, la géothermie, mais aussi l’amélioration de l’efficacité énergétique. De mémoire, 300 Km2 de panneaux solaires couvriraient la demande mondiale en énergie (ordre de grandeur qui reste théorique). Ce ne sont pas les sources d’énergie qui manquent, c’est la volonté de les développer.

        Quand aux énergie de substitution pour les avions, il y a déjà des essais réussis avec des carburants alternatifs de synthèse liquide dérivé du gaz naturel, ou avec un mélange contenant 80% de kérosène et 20% d’un biocarburant composé d’huile de noix de coco et de noix de babassu (un palmier amazonien).
        Les recherches continuent vers des agro-carburants qui n’ont pas d’impacts négatifs sur la chaîne alimentaire, l’utilisation d’algues, de plantes à haut rendement qui poussent là où rien d’autre ne survit (Jatropha), voire de bactéries ou de levures. Mais beaucoup ne font que commencer.
        Il ya aussi une recherche sur un carburant de synthèse issu de la transformation du méthane.

      5. J’aime beaucoup votre «selon l’institut Français du Pétrole, le pic pétrolier est envisageable vers 2050 au plus tard »… qui se transforme subrepticement en «on a jusqu’en 2050 pour s’occuper du problème du pic de pétrole». Alors qu’en fait, ça ne veut rien dire d’autre que «le pic du pétrole aura lieu quelque part entre maintenant et 2050, et pas après» ! Ou «on peut envisager 2050 comme date butoir, la plus éloignée possible, du pic pétrolier».

        D’ailleurs, l’IFP n’exclut absolument pas que le pic de production du pétrole fluide ait lieu entre 2010 et 2020. C’est même ce qu’il y a de plus probable si on prend les évaluations des réserves ultimes de pétrole fluide elles-mêmes les plus probables.

        Un pic de pétrole (tout court) vers 2050 est lui aussi possible, mais en plus du pétrole fluide, il suppose d’avoir extrait tous les fiouls lourds, extra-lourds, bitumes divers et variés, même provenant de champs de petite taille, et aussi d’avoir liquéfié l’essentiel du charbon à notre disposition ! Et pour le coup, au prix de quelle facture climatique !

      6. Ce n’est pas ce que je dis, bien au contraire :
        rappel : « Je partage l’idée que s’il n’y a pas d’anticipation, il y aura « des réveils difficiles » et qu’il faut donc penser dés maintenant à l’après pétrole. »
        Par contre, je croie pas au « péril » immédiat.

        Par exemple, une étude de 2005 estimait les ressources mondiales de schistes bitumineux à 411 gigatonnes, suffisamment pour produire 2 800 à 3 300 milliards de barils (520 km3) d’huile de schiste. C’est plus que les réserves prouvées de pétrole, estimées à environ 1 300 milliards de barils en janvier 2009.
        Je ne défends pas l’exploitation de ce type de gisement vu les impacts environnementaux, mais je n’ai pas l’impression que c’est l’avis de nombreux décideurs.

      7. Quand je me replace 50 ans en arrière tout ce que je vois c’est qu’on utilise les mêmes technologies qu’on utilisait déjà 50 ans en arrière… Les moteurs à explosion datent du XIXe siècle, la lampe à incandescence a été inventé en 1879 (et les tubes fluorescent ont commencé à être vendu en 1938), le ciment Portland en 1824, le thermostat en 1885…

      8. J’ai commencé à travailler dans un labo de chimie en 1967. Je n’avais qu’une règle à calculer, pas de calculatrice, pas d’ordinateur, pas d’Internet, et ne parlons pas des appareils d’analyses.
        C’est vrai que tout n’a pas été inventé dans les 50 dernières années, mais la technologie a quand même beaucoup évolué, notamment du fait de la révolution informatique.
        je n’irais pas jusqu’à dire que toutes les innovations n’ont apporté que du bien….

      9. A gpiton

        La question n’est pas de savoir si les outils qui sont aujourd’hui très largement diffusés au sein de la société (c’est-à-dire utilisables par tout un chacun ou presque) existaient déjà il y a une quarantaine d’années tels qu’on les connait aujourd’hui. La question est de savoir s’ils existaient déjà (tout court), ou si leur principe de fonctionnement était déjà connu.

        Et la réalité, c’est qu’on les connaissait déjà tous, au moins dans leur principe. Même si, pour certains, seule une élite y avait accès. Ordinateurs, Internet, voitures, avions, téléphones portatifs (ou disons, transportables et autonomes sur le plan énergétique), centrales électriques à l’uranium, au charbon ou au fioul, plastiques polymères les plus courants aujourd’hui (polyéthylène, PVC, polyamide, polystyrène,…), satellites artificiels, radio, télévision, musique électronique, réfrigérateurs/congélateurs, LEDs, lasers, … : tout cela existait déjà. D’autres outils technologiques comme le GPS, par exemple, n’existaient pas en tant que tel, mais leur principe était déjà connu, et on savait à quelles conditions ils étaient techniquement réalisables (à ma connaissance, le GPS a été imaginé en 1971, autrement dit il y a quasiment 40 ans, et il n’est devenu opérationnel qu’environ 25 ans plus tard.)

        Ce constat a une explication assez simple : entre le moment où une découverte majeure est faite / un outil majeur est inventé, et le moment où il/elle est enfin diffusé largement au sein de la société, il se passe toujours plusieurs décennies. On ne sait pas diffuser un nouvel outil majeur ou une nouvelle technologie majeure dans toutes les couches de la société en quelques années seulement. En pratique, 20 ans semblent un strict minimum difficilement compressible, et ce temps est généralement nettement plus long.

        Ce constat a aussi une autre conséquence : les technologies que notre société utilisera largement dans 30 ou 40 ans, nous les connaissons déjà aujourd’hui. Même si elles ne sont encore qu’au stade de la recherche, on a déjà une idée précise de la manière dont elles devront fonctionner.

      10. D’accord sur tout sauf le premier paragraphe. L’important, c’est que ces inventions, innovations, découvertes, nouvelles technologies, recherches fondamentales, etc.. puissent être utilisées par le plus grand nombre. Cela permettra de baisser leur coût et donc de faciliter, par exemple, le passage de l’après pétrole. S’il n’y a pas se transfert vers l’opérationnel, alors là, je m’inquiéterais.

      11. @ gpiton

        Vous faites une erreur sur la compréhension du mot «pénurie» . «Pénurie» ne signifie pas qu’il y en a plus, il signifie qu’il n’y en a plus assez pour tout le monde dans les quantités dans lesquelles tout le monde en veut.

        Faisons une petite expérience. Imaginez que vous vous occupez de gamins dans l’après-midi, et que celui qui organise vous fournit en bonbons, à distribuer entre les enfants en fin de journée (et il reprend les bonbons que vous n’auriez pas donnés.)
        1er jour, vous avez 20 bonbons à votre disposition, et 11 enfants. Vous décidez de distribuer 1 bonbon par enfant. Aucun souci.
        2ème jour, vous avez 30 bonbons à votre disposition, et 12 enfants. Ayant nettement plus de bonbons que la veille et juste un enfant en plus, vous décidez de distribuer 2 bonbons par enfant. Aucun souci.
        3ème jour, vous avez 40 bonbons à votre disposition, et 13 enfants. Ayant, cette fois encore, nettement plus de bonbons que la veille et juste un enfant de plus, vous décidez de distribuer 3 bonbons par enfant. Aucun souci.
        4ème jour, vous avez 50 bonbons à votre disposition, et 13 enfants. Ayant, cette fois encore, nettement plus de bonbons que la veille et même pas d’enfant en plus, vous décidez de distribuer 4 bonbons par enfant. Et là, vous n’y arrivez pas : il y a pénurie de bonbons. Qu’il y ait pénurie de bonbons ne signifie pas que vous n’ayez plus de bonbons, ou moins de bonbons que la veille. Au contraire, vous avez bien plus de bonbons le 3ème jour que la veille.

        Pour le pétrole, c’est exactement la même chose qui se passe : la quantité consommée par personne augmente année après année, et, en pourcentage, la quantité de pétrole que l’on arrive à extraire du sous-sol augmente de moins en moins vite. On fera face à une pénurie de pétrole aura lieu lorsqu’on n’arrivera plus à extraire autant de pétrole que le monde en réclame. Alors même qu’on extraira toujours nettement plus de 80 millions de barils de pétrole par jour (ce qui fait une sacré quantité !)

        Question : le monde en est à combien de barils de pétrole consommés par jour aujourd’hui ? En période de croissance économique mondiale, de combien ce volume de pétrole augmente-t-il d’une année sur l’autre ? Et si l’on pose la question aux géologues pétroliers, est-ce qu’ils indiquent un nombre de barils de pétrole maximum, non dépassable, que l’humanité peut extraire par jour (un plafond de production) ? Si oui, il est estimé à combien de barils par jour ?

      12. Petite correction sur la 1ère phrase de ma réaction précédente. Je voulais écrire : « «Pénurie» ne signifie pas qu’il n’y en a plus, […]

      13. Il est nul votre exemple : les bonbons ça donne des caries ! 😉

      14. 85 millions de barils par jour, peut-être 90 , en y incluant toutes les sortes de pétrole extractibles du sous-sol: pétrole conventionnel,pétrole des zones difficiles, huiles lourdes, asphaltes, liquides extractibles du gaz naturel. Félicitations pour avoir compris que le problème était la vitesse à laquelle on peut extraire les réserves, et non le montant des réserves.

      15. La production journalière est de l’ordre de 86 millions de barils par jour (2008).

        Concernant le pic pétrolier, voir les conclusions de l’article sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pic_pétrolier
        Les avis des experts sont divergents :
        Certains disent que le pic est dépassé, d’autres que l’on est sur un plateau, d’autres qu’il interviendra dans la décennie 2010, d’autres dans celle de 2020, avec une valeur comprise entre 100 et 120 millions de barils par jour.

        C’est inférieur à l’IFP qui parlait de 2050 maximum.
        Plus je regarde, plus je trouve que c’est le grand flou statistique, aussi bien pour la réalité de la production que celle de la consommation, et ne parlons pas des réserves…

      16. Merci de respecter le sens des mots si vous voulez être compris.

      17. Ne perdez pas de vue que le géopolitique mondiale risque d’être très sérieusement affectée par une décroissance énergétique surtout si elle n’a pas été anticipée par la plupart à sa juste mesure, ce que je considère être toujours le cas. Ce n’est pas moins qu’une guerre des ressources qui se profile à l’horizon, une guerre qui pourrait avoir comme effet d’accélérer le déclin de l’offre de tout ce que nous connaissons. La Chine l’a bien compris.

        Sinon, je vous propose de réfléchir aux effets qu’une pénurie peut avoir sur la pénurie elle-même, elle l’aggrave. Je vous propose de vous intéressez à la courbe de Hubbert NETTE et de vous intéresser à la cannibalisation de l’offre par les pays producteurs …

        Rappel – Le rapport Hirsch qui a fait le point sur la situation en 2005 préconisait de s’y mettre 20 ans à l’avance et on est nul part.

      18. A gpiton

        120 millions de barils par jour ? Ce ne sont pas des géologues qui disent cela, mais des économistes. Sauf que ces économistes oublient généralement qu’on ne prédit pas le futur en se contentant simplement de prolonger les tendances passées. Le plafond de production du pétrole fluide a des causes physiques, bien plus qu’économiques.

        Ensuite, il faut s’accorder sur ce que l’on compte (ambiguïté et confusion sont très utiles quand il s’agit de désinformer) : seulement le pétrole fluide ; le pétrole fluide + les fiouls lourds et extra-lourds ; le pétrole fluide + les fiouls + les sables et schistes bitumineux ; le pétrole fluide + les fiouls + les sables et schistes bitumineux + le charbon que l’on suppose pouvoir liquéfier, … Or aujourd’hui, lorsque l’on parle de pic de production du pétrole, on parle toujours du seul pétrole fluide dit conventionnel («crude oil».)

        Thierry Desmarets, précédent PDG de Total indiquait lorsqu’il était en poste qu’il était très peu probable que le monde puisse dépasser un jour les 100 millions de barils par jour. C. De Margerie, son successeur, dit publiquement et officiellement que c’est plutôt 95 que 100 millions. (Pourtant, l’intérêt de Total serait plutôt de prétendre qu’il n’y a pas de limite, et bien que cette limite est bien plus haut.) Même son de cloche du côté de Shell, de BP ou d’Exxon. Le son de cloche est même un peu plus alarmiste quand on s’adresse à d’anciens dirigeants ou géologues de compagnies pétrolières, partis à la retraite.

        Autre pointure : Claude Mandil, ancien directeur de l’AIE, écrivait en 2008 dans un rapport rendu au Premier ministre : «Bien que les ressources géologiques soient sans doute plus importantes que ne le prétendent les pessimistes, il est de plus en plus communément admis que la production mondiale aura du mal à dépasser les 100 millions de barils par jour (contre 87 aujourd’hui) alors que la prolongation des besoins tendanciels conduit à une demande d’environ 120 mb/j en 2030 (AIE, World Energy Outlook).»

        Pour la réalité de la production, ce n’est pas le grand flou : le pétrole étant un vecteur d’énergie commercial, il y a des factures pour toutes les ventes (ou quasiment tout : il y a sans doute un peu de trafic, mais quand on regarde bien, ce sont des pouièmes). Donc les données sont assez bien accessibles, et leur fiabilité et leur précision sont suffisantes pour ce qu’on cherche à déterminer.

        Quant aux réserves (plus exactement les réserves prouvées), c’est une notion bien trop fluctuante de par sa seule définition pour être utile et utilisable (leur volume dépend directement du prix de marché du pétrole !) La médiane des évaluations des réserves ultimes est quelque chose de bien plus fiable, donc utile, même en lui appliquant une fourchette d’incertitude. Et cette médiane n’a pas beaucoup varié depuis 30 ou 40 ans (à noter que les évaluations les plus optimistes et les plus pessimistes sont aussi les plus anciennes). De toute façon, comme le rappelait dans un de ses rapports l’Académie des Sciences il y a quelques années, même si on se trompait de 200 milliards de barils sur cette évaluation (ce qui est déjà énorme), cela ne ferait qu’une erreur de 6 ans de consommation au rythme actuel (un peu plus de 30 milliards de barils par an.) Autrement dit, pas grand chose.

    2. Le principe de précaution s’applique sur des dangers dont on ignore l’existence… Ici ce qui a été appliqué c’est les consignes de sécurité parce qu’on sait parfaitement qu’un avion qui traverse un nuage de cendre s’arrête de voler…

  6. La conclusion de Chantal Juanno sur France inter (Interactif du 20 avril)

    « Aujourd’hui on ne sait pas faire l’avion sans pétrole et on ne sait pas faire le camion sans pétrole, on ne sait pas faire le camion électrique ce qui est assez inquiétant. »

    1. Mais heureusment on sait faire des usines à côté des consommateurs ce qui est une solution mille fois plus efficace que tout ça…

    2. Moi, j’ai été choqué par cette remarque de C. Jouanno.

      Une réaction immédiate à cette réflexion, c’est «mais que font les chercheurs et les ingénieurs ? On les paie pour inventer cela, justement, non ?» Or comme beaucoup d’entre vous le savent, ce n’est pas ça, le problème (et j’aurais tendance à penser que C. Jouanno le sait aussi, mais que c’est la formulation de sa remarque qui est ambiguë).

      Si c’était facile de faire des camions électriques ou des avions sans pétrole, on les aurait inventés depuis belle lurette. Et si ce n’est pas facile, c’est qu’il y a des raisons physiques, matérielles pour cela. Non seulement, c’est loin d’être facile, mais il n’est même pas dit que concentrer les quantités gigantesques d’énergie nécessaires pour des usages à cette échelle soit possible.

      1. Au contraire Hollidays, dans une société organisée rationnellement pour économiser l’énergie comme le suggère Tilleul, les camions ne seraient utilisés que sur de courtes distances, les transports longs étant entièrement pris en charge par le rail et le bateau. Dans ce cas, nous disposons d’ores et déjà d’une technologie suffisante en matière de batterie pour les convertir au moteur électrique. Bien sûr, cela nécessiterait de transformer le circuit de distribution de l’électricité mais là encore, rien qui ne nous soit inaccessible. C’est donc bien une question de volonté d’engager les investissements nécessaires sur de longues années, pas un problème de verrou technologique. Mais tant que seront portés au pouvoir des (ir)responsables politiques enfermés dans le schéma de pensée qui domine depuis 50 ans (qu’ils se disent de droite ou de gauche) en matière d’aménagement du territoire, il y a peu de chance que la situation évolue favorablement avant un « réveil pénible » comme dirait Paul Volfoni.

      2. Oui… enfin moi, j’ai pris la réaction de Tilleul pour de l’ironie…

      3. C’est moitié moitié… Par contre pour reprendre l’argumentaire d’oglala je dirais que c’est plutot l’inverse, c’est quand on organise une société rationnellement qu’on obtient les conneries absolues que sont la croyance dans les avantages comparatifs et les business plan Excel qui tiennent lieu de gouvernance d’entreprise avec en miroir la croyance publique bien établie dans les championationo qui veut que les pme doivent être pénalisé financièrement pour ne pas faire de l’ombres aux grands groupes …

    3. Pétroconomie

      Il suffit d’observer ce que la fin de l’augmentation de l’offre a eu comme effet sur l’économie mondiale depuis 2005 pour imaginer ce qu’une diminution de l’offre aura comme impact.

      On parle de crise économique et financière liée à un mauvaise gestion du capital, je la vois plus comme la résultante d’un plateau de l’offre après plus de 25 ans de croissance. Depuis 2005 des populations de par le monde sont descendues dans la rue car elles sont confrontées à une explosion des prix du pétrole et des denrées alimentaires. En fait les émeutes de la faim ont souvent été précédées par des revendication pour un maintien du pouvoir d’achat qui ne cesse de baisser depuis 5 ans (à part dans les pays en développement rapide qui bénéficient des vases communicants car ils sont moins endettés que d’autres). Cela dit, l’endettement n’a permis que d’entretenir l’illusion pour certains un temps. Tout cela est logique à partir du moment où le gâteau n’augmente plus et que le nombre de participants lui augmente, il serait temps de expliquer aux peuples ce que cela veut dire. Je rappelle que le pétrole bon marché a quelque chose de magique car il permet toutes les autres ressources, même l’eau, et qu’il est le seul à être facilement transportable.

      Je n’en reviens toujours pas que tant de gens n’arrivent pas à voir le lien entre augmentation de l’offre en énergie, et donc du flux de matières et d’argent, et la bonne santé de nos économies pendant les trente glorieuses et puis les trente piteuses. Colin Campbell disait d’ailleurs en 2005 (année du pic du pétrole conventionnel) que cela allait amener à une crise du crédit. A-t-il eu tort ? Pendant les trente glorieuses, pas de crise du crédit mais plutôt le contraire, avec le plein emploi et la construction de tant d’infrastructures en un temps record. Aujourd’hui bon nombre d’activité encore rentables aux prix d’aujourd’hui ne le seront plus dans un avenir très proche et le problème majeur est que les énergies de substitutions sont bien trop chères (et le resteront hélas) que pour redonner une rentabilité à des pans entiers de nos économies. Si tous ces business s’effondrent qu’adviendra-t-il de la finance mondiale et de la solvabilité des individus et des Etats ?

      Ce que je veux savoir c’est comment on remplace les infrastructures pétro dépendantes alors même que le pétrole est en train de manquer et que son prix monte en flèche pour départager le nombre d’acheteurs qui augmente, et que de plus en plus d’acheteurs se retrouvent en faillite. A Cuba, pourquoi utilisent-ils toujours des vieilles voitures ? Parce que cela coûte plus cher de fabriquer de nouvelles voitures que d’utiliser sporadiquement les anciennes ? Parce que n’ayant plus d’énergie ils n’ont plus de capital financier ? Je crois que Cuba est clairement un cas d’école et préfigure bien des choses.

      1. «Colin Campbell disait d’ailleurs en 2005 (année du pic du pétrole conventionnel) que cela allait amener à une crise du crédit. »

        Qu’est-ce que le crédit, sinon le fait d’anticiper un gain ou d’un profit futur, et d’en récupérer aujourd’hui, par avance, la contrepartie monétaire ?

        Un système économique fondé sur le crédit généralisé (c’est le cas du nôtre) ne peut donc tenir que tant que les gains qu’il a anticipés sont au rendez-vous. Y compris lorsque ces gains reposent sur une consommation accrue de matière premières.

        Et lorsque les gains qu’on avait anticipés s’avèrent être du vent (parce que, pour une raison ou pour une autre, on n’arrive pas à les obtenir), leur contrepartie monétaire s’envole également en fumée… ce qui s’appelle une réduction de la masse monétaire. Réduction qui déclenche, puis aggrave la contraction du crédit (mécanisme monétaire que la crise de 1929 a bien montré : la contraction du crédit réduit la masse monétaire, ce qui en retour contracte encore un peu plus le crédit, qui réduit encore plus la masse monétaire, etc. dans une spirale infernale).

  7. Tilleul n’a pas tort loin de là. On a le grand tort de placer l’argent avant l’humain, et à cause de ça on ne fait que des conneries.

  8. L’idée de placer l’humain avant l’argent est ancienne, mais y-

  9. L’idée de placer l’humain avant l’argent est ancienne, mais connaissez-vous une société où cela soit le cas, en particulier en ce qui concerne les femmes? Depuis longtemps, les paysans font passer leurs vaches avant leur femme.


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