Le voyage inutile d’Obama

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

[MAJ] Ainsi donc, Obama ira à Copenhague. C’était à peu près évident, puisqu’on voit mal comment il pourrait éviter de faire une halte à Copenhague alors qu’il sera à Stockholm le 10 décembre, pour recevoir son Nobel de la Paix.

D’après les innombrables papiers et dépêches publiés hier, l’hôte de la Maison-Blanche pourrait mettre des chiffres sur la table. D’aucuns s’en féliciteront. Permettez-moi, une fois de plus, d’être grincheux. L’objectif américain, tel que cité aujourd’hui dans les médias, serait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 17% à l’horizon 2020, soit le taux inscrit dans le Climate act voté au Congrès, qui doit encore passer au Sénat américain. Mais il y a un détail qui tue! L’année de référence inscrite dans cet objectif, c’est 2005. Ramenée à 1990 —année de référence de Kyoto— la baisse en 2020 ne serait que de 4% à 6% (suivant les sources), tant l’économie américaine a craché de CO2 et autres gaz à surchauffe. Vous rappelez-vous ce que beaucoup de nos médias oublient aujourd’hui de préciser (1), à savoir quel était l’objectif américain inscrit dans le Protocole de Kyoto? Une baisse de 7% entre 1990 et 2012…

Bref, Obama se prépare à annoncer un objectif pour 2020, inférieur à ce qu’il était, en principe, pour 2012 si Clinton, puis Bush n’avaient pas refusé de ratifier le protocole de Kyoto. La belle affaire!

Hier soir, après la diffusion de Vu du Ciel sur France 3 consacré au pétrole, Taddei demandait à Arthus-Bertrand et Yves Cochet si la publication cette semaine du « Diagnostic de Copenhague« (2) n’était pas une drôle de coïncidence, à moins de deux semaines du sommet de Copenhague. Bizarrement, personne ne lui a répondu de manière affirmée que coïncidence il n’y a pas. Ce rapport, élaboré par une vingtaine de climatologues prestigieux, vise justement à éclairer les débats du Sommet à l’aune de la moisson de résultats scientifiques survenue depuis le dernier rapport onusien du GIEC en 2007 (3).

Mais à vrai dire, que ce Diagnostic soit publié maintenant ou l’an prochain ne change pas grand chose. Les grands de ce monde seront sur la photo à Copenhague, après avoir trouvé un consensus liquide tellement il est mou, et surtout non chiffré. Les photographes seront content, et les chercheurs auront bossé pour rien. De deux choses l’une: soit les gouvernements ont confiance dans leurs chercheurs, et ils doivent aussi les écouter quand on parle sérieusement d’objectifs de réduction des émissions de GES. Soit ils n’ont pas confiance, et rien ne sert alors d’organiser un tel raoût. Finalement, pour en arriver-là, une vidéoconférence aurait été tout aussi efficace… les émissions de gaz à effet de serre en moins.

[MAJ @12:h27] La position chinoise ne s’est pas faite attendre: Pékin propose de baisser de 40 à 45% entre 2005 et 2020, non pas ses émissions, mais son intensité carbone (la quantité de gaz carbonique nécessaire pour produire un dollar de richesse). Un bref calcul (basé sur une croissance économique annuelle de 10%, il faut bien faire un choix) donne un bon doublement des émissions chinoises (PIB multiplié par 4, Intensité baissée d’une petite moitié). Et même si la croissance chinoise devait prendre un rythme moins soutenu, le pays n’est pas près de stabiliser ses émissions.

(1) Sauf le Monde, mais dans un papier seulement.
(2) Voir le document complet (en anglais), ainsi qu’un résumé en français.
(3) Il confirme que les émissions de GES sont au delà des scénarios les plus pessimistes du Giec. La tendance à long terme, quoi qu’en disent les négateurs, est bien à la hausse des température, avec un maximum pour 2100 qui pourrait atteindre +7°C (par rapport à l’époque pré-industrielle). La baisse de la surface de banquise arctique en été entre 2007-2009 est 40% plus rapide que les prévisions moyennes des modèles évalués par le Giec. La hausse du niveau des océans est, depuis 15 ans, 80% plus rapide que les prévisions du Giec et pourrait atteindre 1 à 2 mètres (contre 0,18 à 0,59m dans le rapport du Giec) à la fin de notre siècle, etc.

17 commentaires


  1. Obama n’a pas à s’y rendre tout comme Al Gore aurait mieux fait de ne pas se rendre à Kyoto. Il aurait été sage de la part du vice-président Al Gore de démissionner pour indiquer que le climat le concernerait vraiment, pour faire passer un vrai message aux américains. Ce jour là, Al Gore a cassé les bonnes volontés des autres, cela restera la grande occasion manquée. Un jour triste.

    Tout indique que c’est la déplétion des hydrocarbures qui sera le chef d’orchestre de la baisse des émissions dans l’atmosphère. La civilisation va donc doublement morfler. Trop nul.

  2. @ d2q

    1) grinchage partagé… même pas Kyoto… qu’il rende sa médaille!
    2) sauf erreur Clinton voulait ratifier et c’est le congrès qui a bloqué
    3) j’aime beaucoup la photo, c’est quoi?

    1. Author

      Merci de ces remarques. La photo montre un reste d’iceberg échoué sur une plage d’Islande, au cours d’une aube brumeuse…

      1. Elle est magnifique. Merci.

    2. Le Congrès américain n’a rien bloqué.
      L’administration Clinton n’a pas soumis le traité au vote.

      1. Ah, parce que quand vous êtes sûr qu’un texte sera bloqué, vous l’envoyez au casse-pipe? Ne réécrivez pas l’histoire, Marot. Si Clinton n’a pas été très motivé pour faire passer la ratification au Congrès, c’est le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il savait que le texte ne passerait pas. Imaginez Fillon proposer au Parlement français un texte sur l’instauration de la taxe Tobin…

      2. Pourquoi penses-tu que l’administration Clinton, après avoir signé le traité, s’est mis dans une position de looser en ne faisant pas valider sa signature par un vote du congrès (ce qui est obligatoire dans leur système législatif)?
        a-parce qu’elle aurait été battue
        b-parce qu’elle aurait été battue
        c-parce qu’elle aurait été battue
        d-parce qu’Al Gore ne croit pas vraiment au RC
        e-une autre réponse qui va révéler ma compréhension profonde de la politique intérieure américaine

      3. Reste à nous dire, ô savants, pourquoi il l’avait signé celui qui savait que le Congrès etc.

      4. Reste à nous dire, ô ignorant, pourquoi tu penses qu’il savait que le Congrès etc.

      5. Je ne pense rien.
        C’est vous qui avez doté ce Clinton
        ..d’ignorance un coup pour signer le protocole
        ..de prescience après pour ne pas le soumettre au vote.

      6. J’en serais surpris, malgré tous tes efforts en ce sens.

        Sur mon ignorance qui disparait, tu sais quoi? C’est parce que je me suis REN-SEI-GNÉ. Wouahou quelle démarche incroyable! Tu devrais essayer c’est kiffant.

  3. Il ne se passera stictement rien au COP15, car les US pour ratifier un traité international ont besoin de l’accord du congrès, qui lui repose sur des Sénateurs plus soucieux de garder leur place que de faire avancer la question du changement climatique.
    il s’agit de la planète; on ne devrait pas laisser les politicards s’en charger.

    1. C’est une drôle d’idée de penser que les sénateurs sont élus pour « faire avancer une question »

      Ils sont là pour représenter leurs électeurs.

      Ne confondez pas avec les députés français.

  4. Le choc des ignorances

    Qu’on partage ou non l’analyse de Hulot, YAB et autres Jouzel qui opposeraient le monde industriel et le monde écologiste du réchauffement climatique d’origine humaine, on est forcé d’admettre le succès que remporte cette théorie dans les opinions, et l’écho qu’elle trouve dans les milieux politiques.
    Désormais, la question n’est plus seulement de savoir comment résister à cette lecture simpliste de la nature, mais plutôt de considérer son impact sur la durée comme le symptôme d’une réelle et mutuelle incompréhension entre le monde moderne actuelle et le monde sans émission de CO2 et sans nucléaire rêvé par les extrémistes écologiques. A terme (200 ans, 500 ans ?), celà finira bien par arriver
    Le malentendu est si profond qu’il tente de culpabiliser l’humanité d’exister dans un circuit industriel et commercial consommateur de produits issus de matières carbonées ou nucléaires.
    A l’obscurantisme des uns on renvoi le blasphème des autres (essayez donc de nier que l’homme est à l’origine du réchauffement climatique…), au risque d’alimenter une querelle autiste qui prédispose à la fois au simplisme politique et au radicalisme d’opinion.
    Il semble néfaste pour l’humanité de développer une nouvelle religion de la « Nature »qui opposerait les hommes entre « vertueux de la nature » et « Vilains consommateurs ». Aprés les Noirs, les Jaunes, les Blancs, on peut même imaginer la naissance d’un nouveau racisme contre les » Verts impérialistes » ou contre les « Libres inconscients ».

    1. Pour avoir déjà entendu Jouzel en conférence et vu le film de Nicolas Hulot je peux vous certifier qu’ils ne s’opposent pas au monde industriel… C’est simplement qu’ils défendent une industrie du XXIe siècle qui est évidemment différente de l’industrie du XXe siècle.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.