Les algues, aimants à capitaux

Les algues font recette. Aux Etats-Unis, les startup qui tentent de produire du pétrole en faisant pousser des algues microscopiques sont très courues. Depuis le début de l’été, Sapphire a ainsi attiré cinquante millions de dollars supplémentaires, qui s’ajoutent aux cinquante millions qu’elle avait levé depuis le début de l’année. Greenfuel Technologies, l’un des plus anciens du secteur, à procédé cette année à de nouvelles levées de fond, pour seize millions de dollars. La firme est dirigée par Bob Metcalfe, un des pionniers de l’internet qui a fait fortune dans les technologies de réseau.

Dans les actionnaires de Sapphire, on trouve le Wellcome Trust, la fondation médicale britannique, ou encore le multimilliardaire Bill Gates, par l’intermédiaire de l’une de ses sociétés d’investissement. Comme quoi, le fondateur de Microsoft trouve le temps de s’intéresser aux greentech quand il ne gère pas sa fondation (1) ou qu’il ne tourne pas de pub ridicules pour le compte de son ex-entreprise.

Sapphire modifie les gènes d’algues microscopiques, pour doper la quantité de graisses qu’elles contiennent. L’entreprise en tire alors un liquide très proche du gazole. Les algues sont cultivées à partir d’eau non potable, du gaz carbonique de l’air, et de l’énergie du soleil qui alimente la photosynthèse. Fort de son paquet de dollars, Sapphire a recruté Brian Goodall, qui avait dirigé l’équipe derrière le premier vol du 747 « vert » de Virgin Atlantic. Avec sa première usine, Sapphire espère produire dix mille barils de carburant par jour pour un prix de revient de 50 à 80 dollars le baril.

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La vidéo que Solazyme montre à ses futurs investisseurs pour lever des algodollars.

La bataille promet d’être animée. Car la quête du Graal bioénergétique suscite des vocations. Prenez Solazyme, par exemple. Eux, ils se passent même du soleil pour faire pousser leurs algues. Et leurs carburants sont déjà certifiés pour l’automobile et l’aviation. Le secret de Solazyme: les algues sont nourries de déchets végétaux, sucre, bagasse, cellulose ou des sous-produits industriels comme le glycérol. Et paraît-il, les algues adorent ça au point de jouer les stakhanovistes pour remercier leurs éleveurs. De son côté, HR Biopetroleum fait pousser des algues à ciel ouvert. Âgée de seulement trois ans, la firme américaine a même monté une joint-venture avec Shell pour tester son procédé à Hawaii sur un terrain de 1800 hectares alimenté à l’eau de mer. Les deux industriels espèrent obtenir un rendement supérieur à 100 000 litres de carburant à l’hectare, quinze fois plus que ce que produit une palmeraie. S’ils disent vrai, il faudrait quand même près de douze millions d’hectares pour alimenter la soif américaine de pétrole, près du quart de la superficie de la France!

Bien évidemment, il ne faudrait pas que le prix du pétrole retombe trop bas. Car les investisseurs se dépêcheraient de fuir pour se réfugier dans un nouvel eldorado. Pendant que Dobelyou s’obstine à nier le réchauffement climatique, les risqueurs de capitaux qui s’ennuient dans l’informatique ont bien compris que la chasse au gaz carbonique est excellente pour le business. En France, on est encore loin de ça. Le projet Shamash dispose d’un budget de 2,8 millions d’euros pour financer des équipes du CNRS, universitaires, du CEA et du Cirad. Et pourtant, vu la soif d’azote des algues microscopiques, on pourrait peut-être en profiter pour guérir la Bretagne de ses nitrates.

(1) La Bill and Melinda Gates foundation est notamment le premier mécène de la lutte contre le sida et les pandémies dans les pays en développement.

5 commentaires

  1. « Les algues font recette.  »
    ——————————-

    Pour l’instant, dans la colonne recette, il y a juste les lignes capital-risque et subventions.
    Ce serait bien d’avoir un jour une ligne « vente », surtout pour une activité se réclamant du développement « durable ».

  2. « L’entreprise en tire alors un liquide très proche du gazole. »
    Si ce liquide pollue presque ou autant que le pétrole, ça n’a pas beaucoup d’intérêt et si on met toutes les recherche dans ce produit au détriment de certaine source d’énergie non polluant tel que l’hydrogène. Mais si c’est juste pour avoir un carburant propre, s’en aurait un (mais il faudra l’arrêter dans les 30 prochaine années).
    « Et pourtant, vu la soif d’azote des algues microscopiques, on pourrait peut-être en profiter pour guérir la Bretagne de ses nitrates. »
    Ça dépend comment on le guérir, si c’est juste supprimer ces algues tout en ayant à côté de ça, la même agriculture, c’a a pas beaucoup d’intérêt.

  3. L’hydrogène n’est pas une source d’énergie c’est un vecteur…

  4. J’ai aussi parlé des algues dans un de mes billets et JCM (activart) a calmé mes ardeurs avec ce lien : http://www.enerzine.com/6/5854+norvege–doutes-sur-la-viabilite-de-la-filiere-algues+.html
    Néanmoins, si les algues pouvaient fournir le carburant de demain, cela laisse entier le problème de l’emprise sur les écosystèmes des infrastructures liées à la voiture et de la dispersion de l’habitat qu’elle engendre. Bonne nouvelles, mauvaises nouvelles ?
    A suivre…

    @ Gossorel : l’algue tirant son CO2 de l’air pour fabriquer sa matière organique, elle n’enrichit pas l’atmosphère en carbone : elle rejette celui qui a été préalablement pompé pour sa croissance. C’est la grande différence avec le pétrole dont la combustion rejette du carbone qui avait été enfoui dans le sous sol au cours de l’histoire géologique.

  5. Il y a beaucoup de compagnies qui clament faire du carburant à partir d’algues, pour le moment on attend toujours des solutions techniquement et environementalement viables.

    La culture de micro-algues permet de valoriser une source ponctuelle de CO2, mais la culture nécessite un investissement énergétique (moteurs pour la culture, récolte et séchage) et une demande en engrais (surtout azotés) qui rendent l’équilibre difficile à trouver.
    Il ne faut pas condamner sur le papier une filière technologiquement encore immature, il y a des solutions envisageables mais surtout il ne faut pas se laisser piéger par les sirènes de start-up promettant le miracle

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