Après les agro, les algocarburants à l’essai

Pendant que certains s’évertuent à nourrir des bactéries de pétrole, la Shell va s’installer à Hawaii pour faire du biocarburant. Elle s’associe au sein d’une startup, Cellana, avec la firme hawaiienne HRBiopetroleum.

L’usine pilote de Cellana, dont les travaux doivent démarrer très rapidement, utilisera des algues locales à croissance très rapide pour fabriquer de l’huile, transformée ensuite en diesel, qui pourrait offrir une empreinte en carbone plus faible que les agrocarburants terrestres, et des rendements considérables: certaines algues peuvent doubler, en poids, plusieurs fois par jour! Le site pilote devra dans un premier temps déterminer quelles espèces sont les plus efficaces et productives.

Parallèlement, Shell devrait tester un autre usage des futures fermes algicoles: séquestrer le carbone. Le projet s’appuira sur du gaz carbonique en bouteilles pour voir si le principe fonctionne.

8 commentaires

  1. En fait pas si original mais effectivement pas très médiatique, les algues oléagineuses sont une approche très prometteuse pour les biocarburants. Par rapport à un plan de colza, l’algue unicellulaire n’a besoin de produire aucun tissu de soutien (la tige, les racines…) et donc dirige beaucoup plus de l’énergie captée par la photosynthèse vers les molécules de stockage, en l’occurence l’huile. Du coup, il n’y a plus qu’à récolter, presser et le diesel est produit.

    Bcp de gens à travers le monde s’y intéressent, en France il y a entre autres :

    http://www.lemonde.fr/web/recherche_resultats/1,13-0,1-0,0.html?dans=dansarticle&num_page=1&booleen=et&ordre=pertinence&query=olivier+bernard&periode=365&x=6&y=4&sur=LEMONDE

  2. Je vais me permettre d’ajouter ma goutte d’huile un peu acide à ce discours sur les algues oléagineuses. S’il est exact que certaines microalgues peuvent contenir une proportion importante de leur poids SEC ( et non de leur masse comme on le lit çà et là car une algue, comme nous tous, c’est essentiellement de l’eau), cette huile est synthétisée dans la nature à partir du CO2 atmosphérique et d’eau.
    Le rendement de la photosynthèse est faible: Evalué en proportion de l’énergie solaire qui se retrouve en énergie chimique dans la plante ce rendement varie pour les plantes terrestres entre 0,5% pour les plantes de nos régions à 2 % environ pour certaines plantes tropicales. Pour les microalgues c’est peut-être un peu plus, peut-être quelqu’un le sait-il sur ce site, et comme le dit Funky Zapata, la proportion d’énergie stockée sous forme d’huile est plus importante que pour une plante terrestre. Mais la surface de culture disponible est bien plus faible!
    Par contre, si l’on « nourrit « ces microalgues avec du CO2 provenant d’une installation industrielle et des sels minéraux, on peut augmenter très sensiblement la quantité d’huile que l’on obtiendrait par la photosynthèse seule. Et retransformer ainsi cette huile formée à partir de CO2 industriel en CO2 tout aussi industriel dans nos chères automobiles. Mais quand à construire un réacteur à algues transformant le CO2 industriel en huile et fonctionnat en continu, il y a encore du chemin à parcourir!

  3. Ayant bossé sur la question il y a qq années, le rendement à l’ha des algues est à peu près 30 fois supérieur à un champs de colza en europe. Et l’usage industriel de réacteur à algues est connu depuis longtemps, jusqu’ici pas pour produire de l’huile mais la techno n’est pas bien différente. Généralement c’était des réacteurs avec des tubes néons. Il y a d’autres pistes avec des fibres de verre.

    sinon pour le flux CO2 effectivement on est sur un cycle de carbone entièrement géosphèrique, sans aucun destockage tout en gardant la souplesse d’utilisation des carburants liquides.

    Tout ça pour dire que certes les algues oléagineuses ne vont pas sauver l’humanité, aucune source d’énergie renouvelable ne le peut à elle seule, mais c un moyen comme un autre et plutôt plus efficace et plus maitrisable en terme d’impact qu’un champs de colza. Donc il mérite d’être gardé à l’œil.

  4. Quelques données sur le rendement moyen de la photosynthèse (Sorensen construit sur la base de Kira, Caldwell et Loomis et Gerakis). Comme le rendement d’une culture dépend aussi de l’historique d’utilisation du sol et de l’écosystème on ne peut que donner des intervalles..

    Moyenne globale : 0,3%

    Océan et région semi aride : 0,1%
    Eau peu profondes : 0,2 à 0,6%
    Prairies : 0,3 à 0,7%
    Terres cultivées : 0,3 à 1% (valeur extrème de 5% pour le maïs sucré)
    Forêt mature : 0,4 à 1,7%
    Algues : 1,5 à 2,1% (valeur extrème de 3,7% pour la Chlorella cultivée)

    L’optimum théoriquement possible est évaluée à 10%.

    Ceci dit le problème de la production de carburant est d’abord un problème d’urbanisme. 50% de la surface d’une ville est réservée à la voiture. Tout ce qu’on construit en routes et en parkings c’est ça de moins pour construire des logements et des activités… ce qui oblige à construire les infrastructures à destination des humains plus loin… ce qui oblige les humains à posséder des voitures… ce qui oblige à construire des infrastructures encore plus grandes pour supporter le flot de voiture… ce qui oblige à rejeter les humains encore plus loin, etc, etc.

    Il suffit d’avoir déjà habité dans une ville sans voiture pour se rendre compte qu’il est bien plus agréable et économique de rompre ce cercle vicieux.

  5. @Tilleul, merci pour ces informations sur la photosynthèse qui recoupe plutôt bien les miennes. Je viens de trouver pour les microalgues des valeurs de 0,1 à 0,5 % pour les écosystèmes naturels, que l’on peut élever jusqu’à de 3 à 9 % en culture selon le mode de culture et l’espèce cultivée. Le projet Shamash annonce des rendements pondéraux en huile 30 fois supérieurs à ceux du colza ou du tournesol.çà me parait très douteux dans ces conditions. Mais Funky Zapata nous dit que c’est possible.
    Ces valeurs montrent cependant que les quantités de biomasse qui peuvent être utilisées annuellement à des fins énergétiques en France ne sont pas énormes. Il tombe sur le territoire français environ 700 000 TWh d’énergie solaire. Si l’on cultive 10 % des surfaces cultivables à cet effet, soit environ 5% du territoire et si l’on prend un rendement moyen de la photosynthèse de 1 %, ce qui d’après les valeurs citées ici est plutôt optimiste, on arrive à 350 TWh. Il faut en déduire l’énergie nécessaire à la culture et au conditionnement, qui peut être presque égale à l’énergie récupérée s’il s’agit de faire des agrocarburants de première génération.On peut utiliser ces 350 TWh de différentes façons: pour le chauffage, cela représente alors 30 Mtep, pour faire de l’électricité avec cogénération, cela représente alors environ 150 TWh d’électricité et 15 Mtep de chaleur. On peut en faire des carburants etc..Mais au bout du compte, cela ne fait jamais qu’environ 10 % de notre consommation actuelle d’énergie primaire, déduction non faite de l’énergie utilisée pour les produire!.
    J’ai assisté récemment à un colloque où il a été dit qu’en France 80 millions de m3 de bois et déchets de bois « renouvelables »sont actuellement utilisables pour des usages énergétiques ( dont 60 sont déjà utilisés). Cela représente 80 TWh. Le passage à 350 TWh me paraît donc relever de l’exploit!
    Pour en revenir à l’éolien, vous dites que les ressources européennes sont loin d’être correctement exploitées. Je n’en doute pas, mais quelles sont-elles en réalité? Pour la France, j’en suis resté sur un document du Conseil Mondial de l’Energie qui indique 60 TWh à terre et 90 TWh en mer. Peut-être pouvez-nous vous dire ce qu’il en est, ainsi que pour l’Europe des 27. Après tout, le gigantesque projet de Monsieur Hutton ne représente que 100 TWh environ.
    Je suis tout à fait d’accord avec vous que notre mode d’urbanisme, créé en bonne partie par l’usage de la voiture, se retourne contre nous maintenant que l’on anticipe des difficultés d’approvisionnement en carburant ,et qu’il est bien plus agréable de vivre dans une ville sans voitures. Mais cela ne changera pas sur un claquement de doigts, et , comme je ne crois pas à un volontarisme politique autrement que de façade en ce domaine, c’est le renchérissement des carburants qui provoquera sans doute l’évolution inverse
    Pour finir, je serais intéressé par votre expérience allemande où l’on fonctionne uniquement avec des renouvelables. Avez-vous un lien?

  6. Enfin quelqu’un qui raisonne avec le rendement de la photosynthèse et pas avec des statistiques agricoles (pas adapté aux calculs énergétiques pour tout un tas de raison), dans mes bras virtuels ! 🙂

    Par contre vu la quantité de gaspillage qui existe dans le secteur agricole (les valeurs que j’ai trouvé c’est plus d’un tiers des récoltes en angleterre et 40 à 50% aux états unis), on doit avoir une marge plus importante que ce que l’on pense habituellement (en plus il y a des améliorations extraordinaires de rendements possible en europe de l’est et plus généralement dans tous les pays en développement). Et puis même si ça ne fait « que » 10% de notre consommation d’énergie primaire, c’est déjà un gain significatif ! Ceci dit les ordres de grandeurs sont correct en ce sens qu’il ne devrait pas être possible à l’union européenne d’être auto-sufisante en biocarburant et qu’il faudra donc en importer.

    Sinon je pense que la différence de production entre le colza et les algues vient du fait qu’avec l’énergie solaire le colza doit faire tout un tas de choses (faire de la lignine, des phytohormones, des défenses naturelles, etc..) alors que l’algue n’à à faire que de la graisse.

    Pour l’éolien, il y a une estimation du potentiel de la France réalisé par espace-eolien ici
    http://www.espace-eolien.fr/Eolien/200twh.htm

    Pour l’expérience allemande de régulation on peut voir ça ici : http://www.kombikraftwerk.de/

    Ceci dit je suis le premier à reconnaitre que s’il est possible de donner le confort occidental à toute la planète avec des énergies renouvelables, il ne sera pas possible de lui donner son mode de vie (ie : faire du sport en allant faire du vélo qui bouge pas dans un fitness center entouré de lumière et de décibel plutot que de le faire en forêt sur un vélo qui bouge).

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    Mais cela ne changera pas sur un claquement de doigts, et , comme je ne crois pas à un volontarisme politique autrement que de façade en ce domaine, c’est le renchérissement des carburants qui provoquera sans doute l’évolution inverse
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    En fait il nous faudrait juste un nouvel Haussman (mais à l’envers 😉 ).

  7. Bonjour à tous,

    J’ai entendu pour la première fois parler d’algocarburants par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET lors d’une session de l’émission « Mots croisés » de 2007. Elle annonçait des rendements très intéressants : 50 tonnes de carburant à l’hectare contre 500kg avec les végétaux agricoles classiques, soit 100 fois plus !

    Le pb c’est que je n’arrive pas à corréler ce ratio avec les ratios de rendement de photosynthèse que vous annoncez. Seul Funky Zapata avec le rendement à l’ha 30 fois supérieur par rapport au colza s ‘en approche. Toute info supplémentaire sur le sujet m’intéresse. Il faut dire que si l’on arrive à des rendements intéressants, des champs d’algocarburants seraient très séduisants :

    · Capacité des jachères de France à produire une forte proportion voire la totalité du carburant nécessaire aux automobiles, et non quelques % seulement en végétaux classiques

    · Alternative intéressante aux panneaux photovoltaïques en résolvant le grand problème du stockage de l’énergie : lorsque les algues sont arrivées à maturité, stockage par écoulement fluidique des algues (pas de travaux agricoles forts consommateurs d’énergie), pressage pour extraire l’huile. Production en quasi continu sous panneaux vitrés.


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