Les OGM ne sauveront pas l’Afrique

Quand on entend d’un patron de multinationale des semences OGM que celles-ci ne pourront rien contre la crise alimentaire, on se pince. Et pourtant, dans une interview accordée au Guardian, Martin Taylor, le patron de Syngenta, est on ne peut plus clair. “Les OGM ne résoudront pas la crise alimentaire, en tous cas pas à court terme.“

Pour Taylor, les industriels ont concentré leurs recherches sur des « blockbusters » lucratifs qui sont vendus aux agriculteurs de l’Occident. Sous-entendu parce que nous, les méchants pays riches, avons mis plein d’entraves au commerce des OGM, ils n’ont pas cherché à produire des semences de « niches ». Résultat, les semences transgéniques ne sont pas adaptées aux conditions de culture en Afrique. Il faudrait une vingtaine d’années pour en mettre au point… Si on allège le carcan réglementaire qui pèse sur son honorable activité, bien sûr.

De fait, le sieur Taylor est assez faux-cul. Car si les multinationales ne se sont pas intéressées aux pays émergents, et notamment aux plus pauvres, c’est d’abord parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer les semences.

Si ce monsieur, et l’industrie des semences, sont aussi généreux qu’ils veulent le faire croire, qu’ils investissent dans la recherche de semences adaptées, puisque ça prend —dixit Taylor— vingt ans. Et là, quand on pourra juger sur pièces de leur intérêt et de leur innocuité, peut-être faudra-t-il accepter de simplifier la mise sur le marché.

A procéder dans l’autre sens, libérer l’activité des bidouilleurs de semences tout de suite, on ne prend qu’un risque, celui de voir des produits néfastes, si ce n’est à la santé, du moins à la biodiversité. Et on accepte de voir les biotechs engraisser sans aucune garantie qu’elles feront un effort dans les pays où on crève de faim…

Finalement, industrie du médicament et biotech, même combat. On ne s’intéresse qu’aux clients solvables. Le pauvre paysan d’Afrique qui crève de faim ou du sida, du palu et j’en passe, n’intéresse personne au royaume du grand Capital. Rappelons nous qu’il a fallu que certains pays décident de violer des brevets sur les médicaments antisida et de produire des génériques pour que les industries pharmaceutiques de l’occident acceptent de baisser leurs prix. Les trafiquants de gènes ne sont pas plus des philanthropes. Attention à ne pas céder au chantage de l’arme contre la crise alimentaire, car le résultat serait irréversible… Attention aussi à ne pas oublier que, dans bien des cas, les paysans qui ont du mal à produire n’ont pas de graines tout court.

• Lire aussi “Quand Nestlé roule pour Monsanto”.

17 commentaires

  1. La fait est le le nombre d’êtres humains sur la planète Terre a dépassé la dose prescrite par la Nature si on admet que chacun à droit au même potentiel de vie ! Bon d’accord tout le monde n’est pas d’accord et beaucoup croit encore que c’est le voisin ou l’autre qui sera le banni ! On ne voit même dans le vote des soi-disants Démocraties . Pauvre de Nous

  2. Nous produisons assez pour nourrir 12 milliards d’individus. Notre principal problème c’est la répartition et comme le souligne Denis, c’est aussi le fait qu’on ne s’intéresse qu’à nourrir les solvables … Le mouvement des Freegans met en avant le gâchis orchestré par nos sociétés dans les poubelles des supermarchés, c’est désespérant.

    Notre rapport à la nourriture est devenu hystérique, en témoigne les assiettes surchargées que nous avalons dans les cantines d’entreprises (et les restes qui trônent sur le plateaux à la fin du repas) ou dans les buffets à volonté. Nous avons tout à notre disposition et nous agissons comme si nous allions manquer.

  3. Si nous avions tous l’empreinte écologique des Etat-Uniens nous ne pourrions etre plus de 500 millions sur Terre. Nous sommes plus de 6 milliards dont 80% veulent vivre comme des Etat-Uniens. Donc la compétition, la prédation, la destruction, et la disparition sont inéluctables et vont etre cataclysmiques. Libéralisme capitaliste, quand tu nous tiens…

  4. J’apprecie votre ton, mais je me pose bien des problemes sur l’attention dont « le petit paysan africain » fait l’objet de la part de nos ONG. Moi, ce qui m’interesse,c’est que ces pays se developpent, plutot qu’ils envoient leurs forces vives se faire expulser.

    J’ai connu la critique de la PAC que nous avons menee vers 68, puis la critique de la « revolution verte » concoctee aux Etats Unis. Mais quel bilan peut-on tirer de ces critiques?

    D’abord le processus de concentration de la propriete agricole (en Europe de l’Ouest), sur la base du paysan individuel aboutit a l’etat actuel de l’agriculture francaise: une agriculture qui nourrit TRES BIEN la population, et qui a de hauts rendements, permettant une exportation, et qui, dans les penuries actuelles ne peut qu’apporter une contribution positive aux besoins croissants de l’Humanite. Donc un bilan que je pense-peut-etre a contre courant- positif. Donc les critiques que j’avais partagees a l’epoque me semblent injustifiees.

    Ensuite, la revolution Verte, offerte en pature au Tiers-Monde, me semblait tres criticable, car elle faisait appel a des engrais artificiels.. et autre choses que l’agriculteur a l’epoque n’avait pas. Mais si je juge au resultat, cela permet a l’Inde, par exemple, de nourrir sa population. La encore, je crois les scritiques -que je partageais- mal venues.

    Donc, dans ces deux cas, on a assiste a une INDUSTRIALISATION de l’agriculture, mais, fait assez curieux, dans le cadre d’entreprises essentiellement individuelles, que ce soit en Europe ou au Punjab. Le modele sovietique de propriete collective a completement echoue, mais aussi le latifundisme, la ou l’augmentation des rendements etait necessaire, pas au Bresil, qui a de la place.

    Quid alors demain de l’Afrique? Bien sur les OGM ne suffiront pas, mais ils peuvent amener dans pas mal de regions une vraie revolution. En effet, on espere faire des varietes qui resistent mieux a la secheresse. Un exemple, le riz: on le cultive dans beaucoup d’eau, et les Africains en sont grands consommateurs, bien qu’ils ne le cultivent pas beaucoup. Si demain, l’irrigation est moins indispensable, l’Afrique deviendra grand producteur.

    La question des semences est une vraie question: dans un pays developpe, l’essentiel des semences, contrairement a ce que pensent les ecolos qui ne connaissent pas la terre, est achetee a un semencier, sinon c’est impossible d’avoir des semences bien selectionnees. Je connais un de ces agriculteurs qui travaille pour Limagrain. Exigences bien entendu confirmees avec des OGM (PGM plutot). Mais en Inde, le coton BT est massivement cultive avec des semences autoproduites. Bien entendu, ces semences se degradent (en se melangeant), mais les agriculteurs y trouvent bien evidemment leur compte…

    Si tout ce que vous dites d’amer sur les multinationales est juste, je vous rappelle donc que les pays pauvres ont une bonne habitude de contourner les proprietes industrielles: ils piratent allegrement microssoft, ils multiplient allegrement (et pas illegalement: beaucoup de regions, y compris l’Europe leur reconnait ce droit) les semences, et les accords internationaux reconnaissent le droit de contourner les brevets sur les medicaments.

    A l’arrivee, je pense que l’Afrique connaitra un important developpement, et je crains de vous decevoir si je dis que cela ne sera finalement pas bien different de ce que l’Asie connait aujourd’hui. Si on lui en offre l’occasion, le « petit paysan africain » se transformera en un agriculteur moderne.

    Amicalement

  5. La production agricole d’un pays est directement corrélé avec les moyens financiers qui sont données aux agriculteurs. Donnez un accès au crédit aux paysans et donnez lui des garantis sur ses revenus et il n’y a plus de problème de production dans le pays parce qu’il sera capable d’investir sur le long terme : ça a tout le temps marché et ça continuera à marcher, y compris en Afrique.

    L’exemple du riz c’est pas trop à donner vu que la consommation du riz est un héritage de la colonisation, les excédents de brisures de riz que les occidentaux ne voulaient pas manger se sont retrouver déversés dans les campagnes africaines… Si les africains mangent autant de riz c’est parce que c’est pas cher…

    Sur les plantes qui pousseraient magiquement sans eau, j’ai rien contre la science fiction mais tant qu’on est dans des trucs délirants pourquoi s’arrêter là ? Après tout et dans le même genre, quand on aura développé la téléportation et qu’on sera capable de terraformer Mars, on pourra faire plein d’agriculture là bas et la livrer dans la terre entière… Ca aussi ça devrait pouvoir régler facilement la faim dans le monde non ? Et puis j’ai toujours trouvé ça génial cette manie de vouloir nourrir l’humanité avec seulement 4 plantes (riz, maïs, soja et blé qui pèsent plus de la moitié de la production mondiale) qu’on bidouille en fonction des conditions locales plutot que de se baser sur les plantes locales (il existe plusieurs milliers de plantes comestible), comme ça quand il y a une maladie genre rouille du blé, hop, on va vivre la famine irlandaise mais à l’échelle mondiale.

    En plus s’il n’y a pas d’eau pour les plantes, c’est qu’il n’y a pas d’eau pour les humains et comme on se lasse vite de devoir faire 10 km avec 40 kg de flotte sur le dos, ça changera rien à l’exode rural d’être capable de faire pousser du riz…

    Et qu’il y ait ou non besoin d’eau ou pas ça changera rien non plus au fait qu’un paysan non équipé met 2 jours pleins pour faire ce qu’un tracteur fait en une heure… Je laisse les gens balancer des subventions dans le développement de haricots magiques moi je continue à ne croire que dans l’électrification, les goutes à goute, l’accès au système bancaire, les haies, les motoculteurs… Ca au moins ça existe et c’est prouvé que ça marche…. Evidemment je m’énerve mais les ogm c’est quand même la dernière excuse à la mode pour ne pas se mettre à faire ces travaux…

    Pour un exemple d’agriculture du XXIe siècle, voir le cas de la région d’Oaxaca au Mexique qui a valu un goldman prize à Jesus Leon Santos pour son action là-bas… Pas besoin d’être dépendant de la technologie du Nord pour faire de l’agriculture dans le Sud…

  6. A Tilleul,

    c’est marrant, je ne suis pas specialiste d’agriculture, mais je trouve plein de choses censees dans ce que vous dites. Pourquoi epouser alors la peur des OGM? J’admets que sans eau, on ne peut pas faire grand chose. Mais on peut faire avec moins d’eau, et ca c’est deja un progres.

    Par ailleurs, je doute que l’attirance des Africains pour le riz soit uniquement un produit de la colonisation. Il y a a aussi que cette cereale est tres adaptee a nourrir les populations, alors qu’il y a pas mal d’ennuis avec des cereales locales. Notons cependant que par selection, ou par modification genetique (il me semble que les deux processus: selection et fabrication de PGM ne sont pas tres differents ils sont deux formes de modification genetiques de plantes naturelles) on arrivera a ameliorer les cereales locales. Mais D. Delbecq a raison de dire que l’effort est insuffisant dans ce domaine parce que l’Afrique est oubliee des investisseurs…

    Je vous approuve aussi lorsque vous insistez sur l’importance de la mecanisation: je me demande si les ONG en sont si conscientes que ca. Je me rappelle toujours avoir visite la Chine en 1976 et avoir entendu des membres de mon groupe de bons gauchos Francais dire: « Les Chinois ne veulent pas mecaniser vite l’agriculture, s’ils voulaient, ils pourraient le faire en 5 ans, mais ils veulent garder les travaux durs pour eduquer les jeunes »! Je ne veux plus jamais entendre ca! Voila mon idee du moment!

    Karva

  7. Sur la question des ogm j’attends que quelqu’un se décide à poser la question « quel monde voulons nous faire avec (ou sans!) les ogm », les débat « pour ou contre » m’ennuient profondément… Maintenant c’est comme l’industrie pharmaceutique, on peut difficilement être contre le principe mais on peut quand même trouver un peu abusé les moments ou on claque plus de pognon en publicité qu’en recherche dans le domaine ou qu’il y ait plusieurs fois moins d’argent engagé dans la recherche sur un vaccin contre le sida que dans le développement d’un « viagra » féminin… Et quand on dit qu’il ne faut pas abuser des médicaments ou qu’il vaut mieux arrêter de fumer et manger moins gras plutôt que de gober des anti-hypertenseurs on passe pour quelqu’un de raisonnable, quand on a le même genre de réflexions sur la transgenèse on passe pour un dangereux intégriste anti progrès qui tue les enfants atteints de mucoviscidose et qui fait crever de faim les petits africains…

    Sinon pour donner un exemple personnel des années 2000 sur le thème « plus ça change et plus c’est la même chose », il y a quelques années j’étais sur un projet scientifique lié au développement dans un pays d’Afrique, j’ai pu discuter avec les responsable de la coopération française là bas et le moins qu’on puisse dire c’est que je n’ai pas été déçu du voyage… En gros le développement agricole (et plus généralement le développement économique des zones rurales) c’est quelque chose qui ne les intéresse pas parce qu’ils veulent se concentrer sur « l’eau, l’éducation et la santé »… Bon j’ai vainement essayé de leur faire comprendre que quand on permettait à quelqu’un de réaliser ses projets qui lui permettaient d’avoir un peu plus d’aisance matérielle c’est des choses qui arrivaient naturellement qu’il se préoccupe de l’avenir de ses enfants et de sa santé et que tout ce qu’ils faisaient du coup avec leurs actions c’était de claquer du pognon pour former des futurs chômeurs qui augmenteront les statistiques d’exode rural et laisseront tous leurs investissements à l’abandon… mais après tout j’ai jamais passé de concours alors qui je suis pour donner des conseils ? Les chinois eux sont beaucoup plus pragmatiques et on tout de suite vu leur intérêt par contre (comme quoi c’est parfois pratique d’avoir une puissance mondiale qui a besoin de tout, tout de suite et en grande quantité)…

  8. a Tilleul,

    On m’a offert pour mon anniversaire « La Chine afrique ». Tres interessant, mais il faut le lire avec precautions. J’imagine que cela evoque beaucoup de choses pour vous…

    Le remarquable pragmatisme chinois s’oppose a mon avis aux ideologies anti-progres qui gangrenent notre continent, et ce qui se passe en Afrique est un peu un avant-gout du destin de notre continent engourdi dans les peurs du « Principe de Precacution » et autres phobies…

    Amities de Karva

  9. Il n’y aura pas d’autre solution que de mettre en place la régulation des naissances , ce n’est pas la peine d’éluder cette question .

  10. Author

    La régulation des naissance se fait toute seule quand un pays se développe. Une Afrique prospère verrait son taux de natalité chuter fortement. La solution, c’est le développement!

  11. « La régulation des naissance se fait toute seule quand un pays se développe. »

    C’est l’évidence même…
    Un être humain qui gagne « normalement » sa vie ne pense plus à « faire des enfants » pour le faire vivre dans sa vieillesse…
    Il fabrique des gosses par envie et plus par besoin…!!!

  12. Petit rappel : de quoi on parle…

    Chine: 138,6 habitants au km² (après une génération de controle des naissances…)
    Europe : 113,5 habitants au km²
    Etats-Unis : 31,5 habitants au km²
    Afrique : 29 habitants au km²

    (Rq: a noter que si l’on calculait les tonnes de CO2 à l’hectare occupé sur cette planête et non à la population pas certain que les américains continueraient à être les grands méchants de l’histoire…).

    L’Afrique est un continent vide…

    @ Karva

    A mon avis les relations entre pays africains et Chine sont pas forcément sur la bonne pente… En lisant la presse (aggressions anti-chinoises) et en discutant avec les gens j’ai eu la nette impression que les chinois étaient mal vu… Tous les travaux menés par la Chine sont fait par des chinois, donc dans les grands centres urbains touchés par le chomage massif c’est pas top… La Chine est là pour prendre ce qu’il lui manque, si on est dans le sens du vent c’est bien, mais mieux vaut ne pas être dans la situation contraire (d’un autre coté on sait exactement ou on va comme ça)… A moyen terme je parierais plus sur l’Inde.

    Sur la question de l’idéologie anti-progrès… Ca existe… maintenant l’idéologie du « bougisme » (considérer comme un progrès tout ce qui est nouveau) fait aussi pas mal de dégat : des gens qui pensent qu’on peut construire une nation juste avec des vendeurs de téléphone portable et des courtiers en assurance ça existe même dans les plus hautes sphères de l’état…

    Par contre je suis pas du tout d’accord sur le principe de précaution vu qu’il est beaucoup discuté mais jamais au grand jamais appliqué… Rien que dans la finance, si on l’avait utilisé, est-ce qu’on se serait mis à faire des prêts à court terme à des banques qui se faisait rembourser sur le long terme (crise asiatique) ? à valoriser des entreprises non pas sur ce qu’elles rapportent mais sur l’audience hypothétique que va pouvoir toucher ses activités (crise des dot com) ? à considérer l’endettement d’un emprunteur en se basant sur une hausse continue et infinie des prix immobilier (crise des subprimes) ? etc, etc…

  13. Je rejoins Escargot, je pense qu’il n’y a pas de salut sans limitation des naissances. Bien sûr, le développement a permis de limiter les naissances mais ce n’est pas suffisant. Nous sommes déjà complètement surpeuplés en Europe et depuis bien longtemps. Je suis belge, et cela me sidère d’entendre des politiciens belges valorisés la croissance démographique quand nous sommes déjà plus de 350 au km2. Où sont les forêts? Quel européen peut encore se permettre d’aller dire à un brésilien de ne pas éradiquer ses forêts primaires quand nous l’avons fait depuis plusieurs siècles? Avant de donner de tels conseils, nous devrions commencer à réparer les dégâts faits par nos ancêtres.

    J’aime bien l’idée de Tilleul d’évaluer le CO2 à l’hectare occupé (à l’échelle de l’état nation). Etant belge, je sais que nous sommes parmi les plus mauvais élèves. Si nous étions plus éveillé, nous aurions noté que la nature nous indique depuis longtemps déjà que nous allons dans le mauvais sens. Ainsi, les bières belges d’abbayes (que j’apprécie) ont pris de l’ampleur en Belgique quand il n’y avait plus d’eau potable. Pour quelle raison? La surpopulation avait engendré une contamination des rivières et des fleuves rendant l’eau impropre.


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